Centrale Supélec est l’une des meilleures écoles d’ingénieurs de France. On y enseigne principalement les « sciences dures », mais on ne dédaigne pas à l’occasion, semble-t-il, le compagnonnage d’un militant d’extrême gauche. On peut au moins dire, en effet, que Thomas Guénolé ne cache pas ses sympathies. Chroniqueur à L’Obs, sur RMC puis, plus récemment, chez Cyril Hanouna (avant la fermeture de C8), il ne s’est jamais départi d’une posture très à gauche qui l’a poussé à être sympathisant, puis membre, de La France insoumise, avant de s’en détacher en 2019. Accusé, à l’époque, d’un harcèlement sexuel qui semble aujourd’hui assez imaginaire, Thomas Guénolé avait fait les frais de la justice stalinienne du parti de Jean-Luc Mélenchon. Une commission montée ad hoc, avec l’objectif de le marginaliser, s’était chargée de le traîner dans la boue. Il n’est apparemment pas rancunier, en termes d’idéologie, car il est difficile, même aujourd’hui, de ne pas voir une parenté entre ses propos et ceux de l’extrême gauche. Son approche sociologique, en particulier, dédiée à la glorification des banlieues, à la négation du racisme anti-Blanc, à la critique de la mondialisation (dans un livre qui fut, évidemment, encensé par France Inter), à la lutte contre « l’islamophobie », n’est guère différente de celle des séides de Mélenchon.
Une grille de lecture pleine de présupposés idéologiques
On peut, en revanche, lui reconnaître un véritable courage, dans la dénonciation des Indigènes de la République et de leur programme raciste et antisémite ou dans la critique du monopole de la pensée conforme au sein de l’audiovisuel. En revanche, une véritable question demeure : pourquoi Thomas Guénolé - et précisément lui et pas un autre - a-t-il été choisi par Centrale Supélec pour dispenser des cours de géopolitique ? L’école ne pouvait pas ne pas être au courant des biais politiques de son futur maître de cours – plus que des biais, des engagements politiques dont il n’a jamais fait mystère. Est-ce le meilleur moyen de donner aux futurs ingénieurs les idées claires sur la marche du monde ? Ne risquent-ils pas d’être confrontés à une grille de lecture pleine de présupposés idéologiques ? Peut-être est-ce une volonté de sortir du lot médiatiquement. Peut-être est-ce le goût de provoquer, en espérant que cela fasse recette, au moment des vœux sur Parcoursup. On se perd en conjectures.
Ce qui est certain, c’est que cette décision va provoquer des réactions, et que c’était probablement le but de la manœuvre. On ne peut pas juger les options médiatiques du directoire des grandes écoles, qui cherchent à se démarquer comme elles le peuvent. Ce qui est certain, c’est qu’on n’aurait pas eu, dans le monde politico-médiatique, le même complaisant silence si Bernard Lugan avait enseigné l’histoire des civilisations africaines à Sciences Po (il a même été viré de Saint-Cyr et de l’École de guerre pour son indépendance d’esprit, d’ailleurs). Les indignations sont à géométrie variable, et un gauchiste qui enseigne la géopolitique à de futurs grands ingénieurs, ça passe nickel. Qu’on y repense avant de répéter, pour la énième fois, que la droite a déjà gagné le combat culturel…