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[POINT DE VUE] Erdoğan contesté par la rue, un souffle d’espoir en Turquie

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Samedi 29 mars, plusieurs centaines de milliers de personnes, peut-être plus d’un million, deux millions selon les organisateurs, ont défilé dans les rues d’Istamboul, sans peur. Ils réclament tous la même chose : le départ de Recep Tayyip Erdoğan. Pour la première fois, si l’on excepte la parenthèse du complot avorté de l’été 2016, le régime turc semble réellement vaciller sur ses bases. L’onde de choc provoquée par l’arrestation du maire d’Istamboul fait même croire à certains observateurs qu’un nouveau printemps, non pas arabe mais turc, est possible. C’est par exemple l’avis d’Omar Youssef Souleimane, opposant historique à Bachar el-Assad, qui fait, dans les colonnes de L’Express, le parallèle entre la crispation du régime turc (qui a arrêté 2.000 personnes, ces derniers jours) et les derniers instants des dictatures arabes au début des années 2010.

Disons-le tout net : ce sont des nouvelles qui font plaisir. Ainsi, Erdoğan a voulu faire taire son principal opposant politique, le maire d’Istamboul Ekrem İmamoğlu. Alors, il l’a fait arrêter et jeter en prison au terme d’une parodie de procès. La justice aux ordres (mais qui sommes-nous pour juger la Turquie, à la veille d’une possible inéligibilité de la candidate du premier parti de France ?) a poussé la mesquinerie jusqu’à annuler le doctorat du maire de la plus grande ville de Turquie. Ce qui est curieux, c’est qu’Erdoğan n’ait pas mesuré la vague de protestation que cette arrestation arbitraire allait soulever… alors que c’est précisément ce qui lui est arrivé à lui, Erdoğan, il y a près de trente ans, quand il était opposant politique, avant qu’il ne fasse un come-back spectaculaire.

Bref, il y a désormais des centaines de milliers de Turcs dans les rues d’Istamboul et la mobilisation du 29 mars a porté un coup, peut-être pas décisif mais disons important, au régime autoritaire du nouveau sultan ottoman, jusque-là apparemment insubmersible. « Nous n’avons pas peur », a martelé Özgür Özel, chef du Parti républicain du peuple (CHP), le principal parti d’opposition. Entouré de la femme, des enfants et de la mère de M. İmamoğlu, M. Özel a promis que ce n’était pas fini, que la foule reviendrait, tandis que les manifestants scandaient le nom de la place Taksim, origine d’une vague de contestation en 2013… à Istanbul, déjà…

Le régime, comme toutes les dictatures qui sentent le vent du boulet, perd ses moyens et donne des coups de cravache dans tous les sens. Erdoğan et ses séides expulsent des journalistes, arrêtent puis relâchent des gens qui n’ont rien fait de mal, et pendant ce temps-là, la foule stambouliote ne désarme pas. La preuve : le samedi 29 mars était le dernier jour du ramadan et correspondait donc au début des célébrations de l’aïd-el-fitr. On a pu s’en rendre compte jusqu’en France, pour ceux qui se sont levés ce dimanche matin… En montrant sa motivation politique, qui semble prévaloir, en quelque sorte, sur les obligations religieuses, la Turquie se rêve peut-être de nouveau kémaliste. Ce serait une excellente nouvelle.

Si l’on prend un peu de recul, il est peut-être en train de se passer en Turquie l’inverse de ce qui se passe chez nous. En France, on manifeste pour demander l’intifada jusque dans les rues de Paris, on commence à faire taire les opposants avec des méthodes staliniennes (hier C8, demain le RN ?), la société devient de plus en plus perméable au « fait religieux » (mais quelle religion, dites-moi ?), y compris dans le monde de l’entreprise. Et la Turquie, elle, est peut-être en train de secouer le joug d’Erdoğan. Souhaitons-leur la lucidité qui nous manque.

Arnaud Florac

https://www.bvoltaire.fr/point-de-vue-erdogan-conteste-par-la-rue-un-souffle-despoir-en-turquie/

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