« Pendant des siècles, l’Angleterre s’est appuyée sur la protection, l’a pratiquée jusqu’à ses plus extrêmes limites, et en a obtenu des résultats satisfaisants. Après deux siècles, elle a jugé commode d’adopter le libre-échange, car elle pense que la protection n’a plus rien à lui offrir. Eh bien, Messieurs, la connaissance que j’ai de notre pays me conduit à penser que dans moins de deux cents ans, lorsque l’Amérique aura tiré de la protection tout ce qu’elle a à offrir, elle adoptera le libre-échange ».
Ulysses Grant, Président des États-Unis de 1868 à 1876
La mondialisation imposée par l’Amérique est en train de sombrer sous nos yeux, suite au changement génial et courageux à 180° imposé par Trump, avec sa nouvelle politique de droits de douanes exorbitants, pour ouvrir les yeux à tous les traitres et à tous les crétins de la pensée unique en Europe ! Les économies occidentales, contrairement à celles de la Chine et de la Russie, ne produisent pas assez et survivent grâce à un endettement exponentiel. Emmanuel Todd prétend même qu’une partie du PIB de l’Occident n’est que de la « vapeur d’eau »
La fallacieuse théorie du libre-échange et la diabolisation du protectionnisme par les États-Unis de 1947 (premier accord du GATT) à 2017 (présidence de Donald Trump)
Le modèle de la théorie des coûts comparés de Ricardo, décrit en 1817, dans son ouvrage « On the Principles of Political Economy » repose sur une hypothèse essentielle, à savoir que la structure des coûts comparatifs dans les divers pays reste invariable au cours du temps. Or, il n’en est ainsi que dans le cas des ressources naturelles. Ainsi, par rapport à l’Europe occidentale, les pays producteurs de pétrole disposent d’un avantage comparatif qui restera le même dans un avenir prévisible. De même, les produits tropicaux ont un avantage climatique comparatif qui ne saurait disparaître.
Par contre, dans le domaine industriel, aucun avantage comparatif ne saurait être considéré comme permanent. Chaque pays aspire légitimement à rendre ses industries plus efficaces, et il est souhaitable qu’il puisse y parvenir. Il en résulte que l’arrêt de certaines activités dans un pays développé, en raison des désavantages relatifs d’aujourd’hui, pourra se révéler demain complètement stupide, dès lors que ces désavantages relatifs auront disparu. Il faudrait alors rétablir ces industries, mais entre-temps on aura perdu le savoir-faire.
La théorie de Ricardo ne vaut que dans un monde stable et figé. Elle n’est pas valable dans un monde dynamique, où les fonctions de production et les salaires évoluent au cours du temps, où les capitaux et les hommes peuvent se déplacer librement, où les industries peuvent être délocalisées.
Selon la théorie de Ricardo, le libre-échange n’est justifié que si les variations du taux de change entraînent l’équilibre des balances commerciales. Or, c’est l’importance des flux financiers spéculatifs et des mouvements de capitaux qui expliquent l’extraordinaire instabilité des cours du dollar, du yen ou de l’euro. La régulation par les taux de change flottants des balances commerciales n’a donc aujourd’hui aucune signification.
De tous les dogmes économiques, le libre-échange est celui sur lequel les néolibéraux américains ont été le plus intraitables. Formulé il y a plus de deux siècles dans le contexte de l’immobilité des facteurs de production (capital et travail) et de la division internationale du travail avec des flux d’échanges réciproques, il a été présenté pendant 70 ans comme le nec plus ultra de la modernité, et comme la recette infaillible du développement et de la croissance. Ses hérauts néo-conservateurs, appuyés par les multinationales et Wall Street, ont réussi le tour de force de le pérenniser dans un contexte complètement différent de celui de sa conception : aujourd’hui, le capital ne connaît plus aucune entrave à sa circulation internationale, et la main-d’œuvre devient, elle aussi, de plus en plus mobile. Quant à la division internationale du travail, elle appartient au passé, avec la multiplication des entreprises mettant en œuvre des technologies de pointe dans les pays à bas salaires. L’économie mondiale est devenue un bateau ivre, sans gouvernail.
Voilà qui aurait dû disqualifier intellectuellement l’Amérique et le libre-échange mondialiste. Il n’en a rien été. Il a constitué, bien au contraire, le credo fondamental de l’Amérique et de l’UE qui ont défendu avec bec et ongles les « quatre libertés fondamentales », pendant des années, malgré l’invasion migratoire et la mise à mort des peuples, le chômage, malgré les disparitions d’usines et la baisse du niveau de vie des classes moyennes : libre circulation des capitaux, des biens, des services et des personnes dans le monde.
ll est assez cocasse de remarquer que les Américains eux-mêmes, en 1992, bien avant la nomination à la Présidence de Donald Trump, et plus particulièrement Paul Volcker, ancien Président de la « Federal Reserve Bank », dans un livre commun avec Toyoo Gyothen, ancien Ministre des Finances du Japon, avaient reconnu que la théorie des avantages comparatifs perdait toute signification lorsque les taux de change variaient de 50 % ou même davantage. Une forte dévaluation du dollar, de 20 % ou plus, équivaut à une barrière douanière protectrice pour les pays qui appartiennent à la zone dollar ; elle représente un énorme coup de canif aux principes du libre-échange.
Friedrich List, en 1840, expliqua qu’il fallait protéger les industries naissantes en Allemagne face à la concurrence sans merci des pays industriels les plus avancés : toute nation qui, par des tarifs douaniers protecteurs et des restrictions sur la navigation, a élevé sa puissance manufacturière et navale à un degré de développement tel qu’aucune autre nation n’est en mesure de soutenir une concurrence libre avec elle, ne peut rien faire de plus judicieux que de larguer les échelles qui ont fait sa grandeur, prêcher aux autres nations les bénéfices du libre-échange, et déclarer, sur le ton d’un pénitent, qu’elle s’était jusqu’alors fourvoyée dans les chemins de l’erreur, et qu’elle a maintenant, pour la première fois, réussi à dénouer la vérité.»
Si la théorie de Ricardo était exacte, les États-Unis, l’Allemagne et le Japon n’auraient jamais dû s’industrialiser. L’Angleterre devrait toujours être le seul et principal centre industriel au monde. Il se trouve que l’Angleterre importe aujourd’hui plus de biens manufacturés qu’elle n’en exporte.
La « main invisible » d’Adam Smith sur le plan international est censée permettre à tous ceux qui prennent part à l’échange de maximiser leur avantage ; elle a surtout pour effet d’empêcher les plus faibles de créer des barrières et de devenir par là même un jour des concurrents gênants. Grâce à Friedrich List, l’Allemagne a mené une politique économique protectionniste et est devenue très rapidement une grande puissance industrielle dès la fin du XIXe siècle.
Paul Bairoch, Professeur à l’Université de Genève, a également montré que la croissance économique dans la période 1870-1940, fut largement liée au protectionnisme. Paul Bairoch a publié, en 1994, une étude sur les Mythes et Paradoxes de l’histoire économique. Il écrit : « On aurait du mal à trouver des exemples de faits en contradiction plus flagrante avec la théorie dominante qui veut que le protectionnisme ait un impact négatif, tout au moins dans l’histoire économique du XIXe siècle. Le protectionnisme a toujours coïncidé dans le temps avec l’industrialisation et le développement économique, s’il n’en est pas à l’origine ». Bairoch montre également que le protectionnisme, contrairement aux bobards médiatiques, ne fut pas la cause, mais bien la conséquence du krach de Wall Street en octobre 1929. À partir de séries statistiques s’étalant de 1800 à 1990, il explique que le monde développé du XIXe siècle et de la première moitié du XXe siècle, à l’exception de quelques brèves périodes, tira son expansion économique de politiques très majoritairement protectionnistes, mais que, en revanche, il imposa le libéralisme aux pays qui allaient devenir le tiers-monde, à l’Inde en particulier. Ni le Royaume-Uni, ni la France, ni la Corée, ni le Japon, ni les États-Unis n’ont acquis leur puissance industrielle en respectant la « loi » des avantages comparatifs de David Ricardo.
Cette approche a même donné naissance au « paradoxe de la croissance dopée par les droits de douane » (tariff growth paradox). Il est en effet établi, pour le XIXe siècle, comme pour une bonne partie du XXe siècle, que la croissance est en relation inverse avec le degré d’ouverture du commerce international »
Les « nouveaux pays industrialisés d’Asie ont démontré également l’importance du protectionnisme. Une étude, publiée en 2001 par l’université Harvard, a souligné qu’il peut, tout autant que le libre-échange, générer une forte croissance économique. Ainsi, alors que le discours dominant du journalisme économique a proclamé pendant 70 ans que le protectionnisme était le mal absolu, de nombreux travaux scientifiques démontraient l’inverse. Il y a donc eu discordance entre les discours économiques médiatiques pour plaire aux multinationales, aux banques, à Wall Street, à l’Amérique, à l’UE, et le discours scientifique.
De plus, la libéralisation des échanges est loin de produire les gains espérés. Elle engendre des coûts qui ne sont pas pris en compte dans les modèles utilisés par les organisations internationales. Son bilan économique, hors-même tout jugement social, est bien plus sombre qu’on ne l’affirme. Les droits de douane par exemple contribuent à défendre l’environnement en diminuant les quantités de CO2 engendrées par les périples de la mondialisation. Avant de venir garnir les linéaires des grandes surfaces en Écosse, les crevettes « pêchées in Scotland » de la société Young’s Sea Food effectuaient 27 000 km Aller-Retour avec le Bengla Desh pour être simplement décortiquées dans ce pays à bas coût de main-d’œuvre.
Si l’on regarde l’histoire économique des États-Unis, depuis leur création, il n’y a pas eu de nation plus protectionniste que les États-Unis ! On a dit d’Alexander Hamilton, dès la création des États-Unis, qu’il était un autre Colbert. La guerre de Sécession opposait le Nord industriel protectionniste au Sud agricole libre-échangiste. Le paroxysme du protectionnisme fut atteint en 1930 avec la loi Smoot-Hawley qui imposait des droits de douane record aux importations. De leur origine jusqu’aux années 1930, les États-Unis pratiquèrent donc un protectionnisme virulent avec des tarifs douaniers de l’ordre de 50 %. C’est avec cette stratégie qu’ils connurent le taux de croissance le plus élevé du monde et accédèrent au leadership mondial.
De 1947 jusqu’à Donald Trump, les États-Unis y trouvant leur intérêt, une véritable pensée unique, semblable à la nouvelle religion du réchauffement climatique par l’homme, s’était mise en place. Toute autre analyse relevait d’une pensée préscientifique et ne pouvait que susciter la commisération des gens compétents. Et c’est ce même pays, qui s’était fait soudain le héraut du libre-échange mondialiste, qui a retourné de nouveau sa veste en 2017 avec Donald Trump car il n’y trouvait plus avantage. Les premières mesures protectionnistes en 2018 et 2019 du Congrès américain vis-à-vis des importations chinoises ne font que se multiplier avec de plus en plus d’ampleur. L’«Inflation Reduction Act » du président Joe Biden, avec ses 369 milliards de dollars d’aides et de subventions, voté en août 2022, qui n’a pas de plafond et pourrait finalement dépasser les 1000 milliards de dollars, est la suite logique du nouveau tournant protectionniste des États-Unis. L’Oncle Sam ne veut plus passer de nouveaux accords de libre-échange dans le monde, à l’exception de l’ALENA en Amérique du Nord, sachant que cela conduirait à la disparition de ses dernières usines aux États-Unis.
Emmanuel Todd avait donc entièrement raison lorsqu’il écrivait en décembre 2006 : « Je suis arrivé à la conclusion, il y a quelques années, que le protectionnisme était la seule conception possible, et dans un second temps, que la seule bonne échelle d’application du protectionnisme était l’Europe ». Mais là encore les médias et les moutons de panurge européens ont attendu que les États-Unis virent complètement de bord à nouveau vers le protectionnisme, pour avoir enfin bonne conscience, voir les réalités en face et proclamer avec force leurs nouvelles certitudes d’une nouvelle préférence communautaire qu’ils n’osent même pas encore évoquer à l’heure actuelle ! La forteresse Europe ne semble pouvoir être construite qu’à la remorque de « Fortress USA ».
Alors que c’est inexact, un très grand nombre d’Européens, crétinisés par les poncifs médiatiques, comparent très souvent le protectionnisme à la ligne Maginot, ce qui est parfaitement exact, mais ils en tirent des conclusions complètement erronées ! La ligne Maginot, en mai 1940, a parfaitement joué son rôle : la seule erreur qui a été commise, c’est de ne pas l’avoir prolongée jusqu’à Dunkerque ! Les Allemands ne se sont pas attaqués à la ligne Maginot ! Ils sont passés par les Ardennes ! De plus, l’Allemagne avait des « Panzer Divisionen » très mobiles, mais elle avait aussi sa ligne Maginot : la ligne Siegfried qui a parfaitement joué son rôle et coûté la vie à de très nombreux soldats alliés, fin 1944 – début 1945 !
A suivre-Partie II
Marc Rousset -Auteur de « Notre Faux Ami l’Amérique/Pour une Alliance avec la Russie -Préface de Piotr Tolstoï – Librinova -2024
https://ripostelaique.com/trump-a-100-raison-libre-echange-suicide-de-leurope-i.html