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Redonner à la France une direction ferme

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par Gérard Leclerc

Se poser la question de savoir si la République est devenue une forme dépassée – dont la France a fait le tour, après en avoir essayé, et essuyé, toutes les déclinaisons, du régime d’assemblée au parlementarisme rationalisé en passant par le régime présidentiel – est vraiment d’actualité, avec la situation que nous connaissons depuis les élections législatives et de la dissolution. Nous sommes dans une vraie crise de régime, la première de la Ve République qui soit importante.

La Ve République, telle que De Gaulle l’avait voulue avec Michel Debré, est une combinaison disons d’une « monarchie républicaine » – je reprends cette expression de Maurice Duverger, qui fonctionne avec une assemblée. Les choses ont toujours fonctionné à condition qu’il y ait une majorité stable, une majorité de gouvernement. Parfois les choses ont été tangentes, même sous De Gaulle ; le premier accroc a eu lieu sous Mitterrand avec nécessité par deux fois d’une cohabitation. D’une certaine façon cette cohabitation n’a fait que justifier à mon sens les institutions de la Ve en montrant que le principe d’un président qui dirige les affaires du pays peut subsister en dépit d’une majorité contraire. Donc à mon sens les deux cohabitations mitterrandiennes et la cohabitation chiraquienne n’ont pas porté atteinte à l’esprit des institutions. On se trouve aujourd’hui dans une conjoncture très différente avec l’impossibilité d’une majorité alternative. Pour reprendre une plaisanterie de Coluche, hier la France était divisée en deux, aujourd’hui elle est pliée en quatre. Aujourd’hui laFrance n’est pas divisée en deux mais plutôt en trois, sans que l’on puisse donner la préférence à l’une des trois options.Macron doit présenter un premier ministre mais chacun sait, en toute hypothèse, que celui-ci sera extrêmement fragile puisqu’il sera exposé à une motion de censure. Il n’y a donc pas d’alternative. Celle-ci était possible lorsqu’on était divisé en deux. Quand un camp avait le dessus sur l’autre, il prenaitl’avantage mais là aucun camp ne peut prétendre le faire.

La situation est donc conjoncturelle, mais elle est profonde. Elle est conjoncturelle parce que tout est né de l’avènement deMacron, qui a voulu imposer une solution qui participait d’une certaine logique. Depuis que la gauche a renoncé à son programme social en 1983, elle s’est ralliée au libéralisme économique. Macron a voulu démontrer que cette gauche social-démocrate pouvait se retrouver avec un centre politique pour former une puissance qui s’imposerait à la droite et à la gauche. Il a réussi dans un premier temps mais, aujourd’hui, ce tiers parti étant défait, ce qui était conjoncturel nous renvoie à une réalité profonde : c’est une division du pays, qui correspond aussi à des données sociologiques. Le fait que le Rassemblement national regroupe aujourd’hui presque 11millions d’électeurs c’est une donnée nouvelle, considérable et qui à mon sens n’est pas prête de s’effacer. La gauche est dominée par LFI, qui n’a pas la majorité à gauche mais sans qui la gauche ne peut pas fonctionner ; donc c’est Mélenchon qui mène le jeu de la gauche dans un sens très dur. Le centre macroniste, lui, est présent, même de manière résiduelle par rapport à sa récente percée. Mais ces trois blocs correspondent à des réalités idéologiques et sociologiques avec lesquelles il faudra compter encore longtemps. Le succès du Rassemblement National tient non pas de l’aura ou du charisme de ses dirigeants mais d’une réalité profonde qui est très bien décrite par le sociologue Jérôme Sainte-Marie ou par Christophe Guilluy et son analyse de la France périphérique, qui représente 60% de la population française. C’est de là que vient le succès du Rassemblement National. C’est la France des provinces, des petites villes, alors que la gauche prospère dans les métropoles – le cas de Paris est emblématique. Le phénomène n’est d’ailleurs pas propre à la France : on pourrait faire je pense à peu près la même analyse avec ce qui se passe aux États-Unis, entre les démocrates et les républicains. Ça peut ne pas bien tourner. Nous sommes dans une situation de pré-guerre civile. Regardez ce qui se passe en Angleterre ! C’est un peu tout ce qu’on appelle l’occident géographiquequi se retrouve pris dans cette crise.

Certains disent que la solution se trouverait dans une quelconque VIe République ou dans un nouveau lifting de la Ve, je ne crois pas du tout à une VIe république. Quand on regarde les propositions de Mélenchon pour une VIe république, c’est le retour à la IVe, c’est un retour au régime des partis, c’est la fin de la monarchie gaullienne, avec tous les aléas que nous avons connus sous la IIIe et la IVe. Un lifting de nos institutions, je le vois mal dans l’immédiat. Nous assistons un peu à l’échec de ce que Michel Debré appelait le parlementarisme rationalisé. On a perdu toute possibilité derationalisation. Alors sur quoi va déboucher cette crise ? Je n’en sais rien, et personne ne le sait, ni même Macron d’ailleurs.

Retrouver le chemin de l’aventure capétienne, qui fut celle de la France durant mille ans et assura à la fois son existence et sa grandeur, afin de redonner au régalien sa dimension arbitrale et souveraine, protectrice des libertés fondamentales des Français est une énorme question ! Le problème c’est que dans l’immédiat il faut bien reconnaître que la solution monarchique, malgré son incarnation dans l’histoire, n’est pas populaire. Avec quand même quelques amendements, quand on voit l’attention des Français à l’égard de la mort de la Reine d’Angleterre et de l’avènement de Charles III, on s’aperçoit qu’il y a vraiment quelque chose qui surgit de l’histoire et qui n’est pas du tout du passé. On remarque aussi la permanence du régime monarchique en Europe, notamment en Espagne où on aurait pu penser qu’elle était faible. Malgré la défaillance de Juan Carlos, Felipe a repris les choses en main : la solidité de l’institution est quand même assez impressionnante. Pour la France, deux remarques doivent être faites. Il faut tout d’abord créer une opinion monarchiste, ce qu’a essayé de faire Maurras dans une conjoncture qui n’était pas facile non plus, parce que la République s’est imposée contre la monarchie et il a fallu toute l’énergie de Maurras pour recréer un mouvement royaliste et imposer la question monarchiste à un moment où elle disparaissait. Et il l’a fait avec les armes de l’intelligence en montrant qu’il s’agissait non pas d’une nostalgie périmée mais, au contraire, d’une nécessité de salut public : redonner à la France une direction ferme pour assurer sa puissance, militaire notamment, ainsi que la sureté de sa diplomatie dans un monde difficile.Maurras a fait cette démonstration et je crois que la poursuite de cette démonstration s’impose à un mouvement royaliste : les évènements actuels peuvent du reste y aider. Ensuite, il y a la question du comment. C’est là où l’on peut interroger le passé, même le plus récent. Maurras se posait en son temps la question du coup de force, que l’AF, on le lui a suffisamment reproché, n’a pas su mener à bien – le livre important d’Olivier Dard qui vient de paraitre sur le 6 février 1934 montre que Pujo et Maurras n’ont pas cru à la révolution par la rue à ce moment-là, du fait l’AF n’avait pas les forces nécessaires. L’option de l’AF à cette époque c’était Chiappe. Si on reprend la problématique du coup de force, il y a un homme qui a fait deux coups de force dans sa vie et qui les a réussis ; il s’appelle Charles De Gaulle. Le 18 juin est un coup de force réussi, de même que le 13 mai 1958. La question est de savoir si un nouveau De Gaulle peut réaliser ce genre de performance… On ne le voit pas à l’horizon.

L’existence d’un mouvement royaliste est de l’ordre de la culture politique, de la mémoire de la nation pour montrer que nous avons une histoire, qui est complètement fondée sur la continuité royale. Ce rappel et cette dialectique sont nécessaires à l’intelligence politique aujourd’hui. De ce point de vue-là, le mouvement royaliste s’impose, je dirais comme facteur d’analyse et d’intelligence politique. Jusqu’où cela pourra aller ? Je n’en sais rien. En tout cas, il ne faut pas du tout renoncer, même si on ne voit pas à court ou moyen terme la possibilité d’une réalisation. Il faut absolument que cette école politique perdure, pour éclairer, pour comprendre les événements actuels et préparer éventuellement l’avenir ; pour signifier aussi que la France a une histoire et que cette histoire nous imprègne, qu’elle commande notre identité profonde et notre avenir. C’est la dimension civilisationnelle de la conjoncture actuelle : je pense au wokisme, au déboussolement général qui s’est, par exemple, manifesté dans la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques. Quand les drag queen deviennent l’image symbolique d’une évolution sociale, les choses sont quand même grave. L’école politique devra, il me semble, considérer les choses sous l’angle civilisationnel et de la culture profonde auquel est liée la continuité monarchique.

Pour le reste, nous sommes dans la conjecture pure, on ne sait pas ce qu’il va se passer. Il y a des hypothèses, celle de Sainte-Marie pour le citer encore, qui a montré que la victoire à terme du Rassemblement National était certaine. Si la montée du Rassemblement national se confirme, on peut penser que Marine Le Pen peut gagner la prochaine élection présidentielle – lors des élections législatives, ils n’étaient manifestement pas encore prêts. C’est une perspective à considérer. Et si Marine Le Pen gagne, la division telle qu’elle existe avec une gauche mélenchoniste très vindicative peut déboucher sur une situation de guerre civile – je ne l’espère pas : on peut du moins craindre des grèves, des manifestations, des blocages, une situation d’extrême tension. Se posera alors l’hypothèse d’une sortie de crise, éventuellement de type gaullien. Il faut avoir tout cela en tête pour essayer de dénouer cet écheveau difficile.

https://www.actionfrancaise.net/2025/04/13/redonner-a-la-france-une-direction-ferme/

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