Instrumentaliser le souverain pontife dans ses positions pro-migrants ou son ouverture à l’endroit des couples LGBT est une chose, mais lui rendre hommage de façon aussi appuyée et officielle en est une autre. Car Alexis Corbière sent bien - et il n’a pas tort - que c’est moins François qui est ainsi honoré par la République que le chef de l’Église par la France qui en est la fille aînée. Certes, le pape est aussi un chef d’État, mais ce seul argument ne tient pas : la France ne se fend pas d’un tel hommage à la disparition de chaque président dans le monde.
Logique
Alexis Corbière y voit un traitement de faveur ? Ce n’est qu’un traitement de logique. L’équivalence boiteuse que tente d’instituer une laïcité christianophobe dans notre pays n’abuse personne. Un récent sondage montre que pour 77 % des Français, notre pays est de culture et de tradition catholique, un chiffre qui dépasse largement la somme cumulée de tous les paroissiens de France et de Navarre. Pour faire ce constat, pas besoin d’avoir la foi, il suffit de deux yeux et autant d’oreilles : les marques du christianisme - de clochers en calvaires - jalonnent tous nos paysages, mais aussi toutes nos vieilles expressions. La preuve par (trois) exemples en une phrase : dernier, Alexis Corbière peut pleurer comme une Madeleine, vivra peut-être un calvaire samedi, mais il n'a pas voix au chapitre. C’est ainsi. Le chancelier autrichien Metternich disait que lorsque la France éternue, l’Europe s’enrhume, supposant qu’elle en était le phare. De la même façon, lorsque le pape s’éteint, la France est en deuil.
Bien sûr, Alexis Corbière a beau jeu de tacler le Premier ministre qui, au moment du décès de Jean-Paul II, avait, au nom de la laïcité, critiqué Raffarin pour les mêmes dispositions. Souvent Bayrou varie, bien fol est qui s’y fie. À moins qu’enfin - rêvons un peu -, il prenne conscience, lui le catholique bon teint, de l’absolue nécessité, maintenant qu’étant aux affaires, il n’ignore rien des menaces qui nous guettent, de renouer avec une filiation spirituelle assumée ?
Il est un fait que face à la « submersion migratoire » qu’il a reconnue et à l’islam conquérant dont celle-ci est le cheval de Troie, mettre sur un même pied toutes les religions comme si aucune d’entre elles n’avait d’antériorité ni de prééminence particulière est suicidaire : une visibilité similaire impliquerait par exemple, sur notre sol, autant de minarets que de clochers. Est-ce vraiment ce que souhaitent les Français ? Que dans les années 2000, la France se couvre d'un vert manteau de mosquées, pour paraphraser le moine Glaber ?
Inscription dans la Constitution
Ces derniers jours, le chef de la diplomatie Antonio Tajani a suggéré d’inscrire « les racines judéo-chrétiennes dans les textes européens ». C’était aussi l’objet d’une proposition de loi déposée en mai 2023 par le sénateur LR des Bouches-du-Rhône Stéphane Le Rudulier : « Consacrer les racines judéo-chrétiennes de la nation française. » C'est jadis la France de Jacques Chirac - honte à elle et honte à lui - qui s’est formellement opposée à cette inscription.
Faire voisiner ces racines chrétiennes avec l’IVG dans la Constitution serait assez baroque, mais il est un fait que les premières sont infiniment plus menacées que les deuxièmes.
Aujourd’hui, la gauche est vent debout contre le qualificatif judéo-chrétien dans lequel elle ne voit qu’un seul objectif : exclure l’islam. Pourtant, si judaïsme et catholicisme sont évidemment des religions bien distinctes, il existe, c’est indéniable, un lien entre elles - celui qui passe de l’Ancien Testament au Nouveau Testament - que l’on ne trouve nullement, en revanche, avec l’islam. On objecte des références à l'ange Gabriel, Abraham ou « Issa ibn Maryam » (« Jésus fils de Marie », mais surtout pas de Dieu)... sauf que le catéchisme n'a jamais puisé aucune source dans le Coran. L’expression les « trois religions du Livre » est donc une entourloupe syncrétique.
Oui, les drapeaux seront en berne, samedi. La France reste la fille aînée de l’Église, souvent fille prodigue, ingrate, insolente, oublieuse et même, disons-le, indigne. Mais fille quand même.