Alors que le débat sur les discriminations reste cadenassé par une vision univoque du racisme, François Bousquet, directeur de La Nouvelle Librairie et rédacteur en chef de la revue Éléments, ose briser un tabou avec son dernier ouvrage : Le Racisme anti-blanc (à commander ici)
Dans cette enquête inédite, il démonte d’abord le dogme du racisme systémique, devenu un verrou idéologique empêchant toute reconnaissance de la souffrance des « petits Blancs ». Puis il donne la parole à ceux qu’on n’écoute jamais : collégiens, lycéens, habitants de quartiers relégués, agressés, humiliés, souvent en silence. Le résultat est un recueil glaçant de témoignages – des paroles trop longtemps étouffées par un progressisme hors sol.
Dans cette interview exclusive, François Bousquet revient sur sa démarche, dénonce l’aveuglement des élites et alerte sur la fracture grandissante entre la France réelle et la France officielle. Un entretien choc, sans faux-semblants.
Breizh-info.com : Tout d’abord, on trouve trois livres sur le racisme anti-blanc publiés au début des années 2000 et 2010, puis plus rien : un d’Hervé Ryssen, un autre de Gilles-William Goldnadel, et un édité à l’époque par Une Autre Jeunesse et les Identitaires. Que s’est-il passé depuis ?
François Bousquet : La théorie du racisme systémique est passée par là. C’est une théorie fumeuse, délirante, hégémonique importée des États-Unis. Elle a pétrifié le débat comme après un hiver nucléaire. Débat figé = pensée stérilisée. À l’époque du communisme, on parlait du glacis soviétique, une ceinture de pays vassalisés qui empêchait toute forme de dissidence. Le glacis décolonial procède ainsi. En son centre, une vision manichéenne du monde : les méchants Blancs et les gentils « racisés ». Le Trofim Lyssenko français de cette fiction raciale est Éric Fassin. Du haut de sa chaire universitaire et de ses multiples tribunes franco-américaines, il a décrété que la terre est plate et que le racisme antiblanc n’existe pas pour les « sciences sociales ». Le simple fait d’évoquer cette réalité – que je documente largement dans mon enquête à partir d’une quarantaine de témoignages-chocs – vous condamne aussitôt à l’excommunication universitaire et médiatique. C’est ainsi qu’on a verrouillé le débat. Car à cette chape de plomb idéologique s’ajoute une censure de fait : les éditeurs reculent et les chercheurs ne cherchent pas. Le racisme antiblanc est devenu un impensé volontaire.
Breizh-info.com : Votre livre s’ouvre sur une citation tirée d’un forum en ligne. Pourquoi avoir choisi cette source plutôt qu’un discours institutionnel ou universitaire ?
François Bousquet :La vérité sort peut-être de la bouche des enfants, mais plus encore des adolescents. Ce sont eux qui encaissent, dans les cours de récréation et les terrains de foot, les regards hostiles, les invectives raciales, les brimades. Ce sont eux qui doivent de plus en plus souvent baisser les yeux et raser les murs. Voilà ce que l’on trouve dans les forums de discussion. Ce sont les cahiers de doléances de la jeunesse. Les journalistes, les éducateurs, les adultes devraient les consulter plus souvent, ils y découvriraient une jeunesse abandonnée qui exorcisent son mal-être avec les registres du langage propres à l’adolescence : non pas le pathos, mais le sarcasme, le ricanement, la provocation – qui saisissent la main qu’on ne leur tend pas… pour la mordre.
Pourquoi suivre les discours institutionnels ? Pour avoir déserté le réel, ils n’ont plus aucune crédibilité. Ils se sont réfugiés dans des bulles idéologiques où l’on disqualifie toute approche empirique. Dans ces cas-là, il faut repartir de la base. Prendre le pouls de la France, non pas à la terrasse des cafés gentrifiés des grandes villes, mais dans les commentaires YouTube, sur les forums de jeux en ligne, sur les réseaux où la jeunesse invisibilisée s’exprime. Dans une époque où les grandes voix sont devenues muettes ou complices, il faut réapprendre à écouter les petites.
Breizh-info.com : Le cœur de votre livre, ce sont les témoignages. Pourquoi avoir choisi cette méthode directe ? Quel en a été l’impact sur votre propre perception du phénomène ?
François Bousquet :Ce sont eux qui nous disent le réel, sans filtre, sans édulcorant – et il ne correspond pas du tout au récit dominant. Si j’ai choisi cette méthode – la parole brute –, c’est qu’il n’y avait pour ainsi dire rien eu jusque-là. Aucune enquête de terrain sérieuse, aucun rapport public, aucun travail universitaire digne de ce nom. Rien. Le désert. Ce vide documentaire permettait aux chercheurs militants de décréter que le racisme antiblanc n’existait pas, faute de preuves. La boucle était ainsi bouclée : on ne cherche pas, donc on ne trouve pas, donc ça n’existe pas. J’ai fait le pari inverse : je suis allé à la rencontre du chœur étouffé de la société. Des adolescents, des étudiants, des salariés, des professeurs, des parents. J’ai été tour à tour bouleversé, ému jusqu’aux larmes, scandalisé par ces récits, pas seulement en tant que journaliste ni seulement en tant qu’homme, mais en tant que français, en tant qu’européen – et, oserais-je le dire, en tant que blanc. Tout d’un coup, il ne s’agissait plus de concepts, mais de confiance trahie, d’abandon, de mépris. C’est à ce moment que je suis devenu, non pas leur porte-parole, mais leur porte-voix : je ne parle pas à leur place, je parle pour qu’on les entende.
Breizh-info.com : Pourquoi le racisme anti-blanc reste-t-il un tabou si tenace dans les médias, à l’université ou dans le champ politique ?
François Bousquet : Le racisme antiblanc est le tabou des tabous parce qu’il menace tout l’édifice idéologique victimaire. Il brise le monopole de la plainte. Il dérange les équilibres symboliques sur lesquels repose l’architecture mentale des sociétés postnationales. Dans ces sociétés, les peuples historiques sont sommés de se taire, de se soumettre ou de se démettre. Reconnaître l’existence du racisme antiblanc revient à faire exploser cette logique asymétrique, qui est celle du multiculturalisme : oppresseurs d’un côté, opprimés de l’autre.
Breizh-info.com : Vous distinguez les « grands Blancs » des « petits Blancs ». Cette fracture est-elle au cœur de l’invisibilisation de cette forme de racisme ?
François Bousquet : Absolument. Le racisme antiblanc frappe les « petits Blancs », pas les éditorialistes de Radio France. Il y a deux Blancs en France : le grand et le petit. Le premier a les mots, les postes, les réseaux. Le second a le mépris, le silence, l’infériorisation. Le grand Blanc milite pour l’ouverture des frontières, mais pas dans son immeuble, encore moins dans l’école de ses enfants. Il célèbre la diversité, à condition qu’elle reste théorique. S’il y a un privilège blanc, ce n’est jamais que le sien : un privilège de caste –progressiste, gauchiste, métropolitain, sanctuarisé, qui ouvre toutes les portes. Le grand Blanc milite pour l’accueil inconditionnel des autres, mais c’est au petit Blanc d’en assumer les conséquences. C’est lui qu’on insulte dans les cours d’école, qu’on injurie sur les terrains de foot, qu’on humilie lors du ramassage scolaire. Cette fracture n’est pas anecdotique. Elle explique pourquoi le racisme antiblanc reste tabou : il touche ceux qui n’ont ni porte-voix ni relais.
Breizh-info.com : Peut-on dire que ce racisme vise d’abord les plus vulnérables – géographiquement, socialement, scolairement – là où l’État semble avoir déserté ? Et qu’est-ce que cela dit du divorce entre les élites et le peuple ?
François Bousquet : Plus personne n’est aujourd’hui à l’abri : la mort d’Élias, en début d’année, dans le 14e arrondissement parisien, l’a rappelé tragiquement. Mais de fait le racisme antiblanc frappe d’abord les catégories populaires. C’est ce qui ressort de la seule enquête menée conjointement par l’Insee et l’Ined en 2008-2009 – il n’y en aura plus jamais d’autre. Un Français sur sept non paupérisé, appartenant à la « population majoritaire » (volens nolens les Français de souche), dit avoir été victime de racisme (antiblanc en l’occurrence), mais parmi les Français paupérisés, c’est un sur quatre. On voit l’écart. Le racisme antiblanc frappe là où l’État s’est effacé : dans les zones de relégation, les marges oubliées, les établissements scolaires abandonnés. Plus on descend dans l’échelle sociale, plus les gens sont exposés, plus le racisme antiblanc est fort. Dit autrement : moins vous avez les moyens de la ségrégation – spatiale, sociale, raciale –, plus vous êtes exposé. À l’abri derrière ses envolées sur la mixité, le grand Blanc pratique la ségrégation – une ségrégation feutrée – derrière les murs de la gentrification et les codes sociaux qu’il maîtrise mieux que personne. La mixité est une farce que seuls les pauvres vivent pour de bon, à leurs dépens. Eux n’ont pas le luxe de la choisir ni de la doser. Ils la subissent de plein fouet, dans des environnements où l’on ne parle plus de coexistence mais de confrontation. Ils n’ont les moyens ni de l’évitement ni du séparatisme. Nous voilà au cœur de l’hypocrisie et des faux-semblants : ceux qui clament que le racisme antiblanc est un fantasme sont précisément ceux qui ont les moyens de ne jamais y être confrontés. Ils vivent dans une France fictionnelle ; pour les autres, elle est frictionnelle.
Breizh-info.com : Pensez-vous qu’il faille en faire un combat universaliste et risquer de tomber dans une tendance à la mode, la victimisation ?
François Bousquet : Universaliste, certainement pas. C’est précisément au nom d’un universalisme abstrait et d’une République prétendument aveugle aux différences que l’idéologie antiraciste a vu le jour il y a plus de quarante ans – pour dériver ensuite en machine de guerre contre les peuples autochtones et les appartenances légitimes. Il ne s’agit pas de recourir à notre tour à une victimisation en miroir, mais de pointer les effets pervers d’un multiculturalisme imposé d’en haut, sans consentement, et de se donner les moyens concrets d’y répondre, à partir d’un diagnostic d’échec.
Breizh-info.com : L’ouvrage évoque aussi une société balkanisée, fracturée démographiquement. Peut-on vraiment dissocier le racisme antiblanc des effets de l’immigration massive ?
François Bousquet :L’un ne va pas sans l’autre. Le tabou du racisme antiblanc ne tombera pas tant qu’on refusera de voir ce qui l’alimente : le déséquilibre démographique massif engendré par une immigration extra-européenne hors de contrôle. Le racisme antiblanc n’est pas une émanation spontanée de l’air du temps. Il est le produit d’une société fracturée, balkanisée, archipélisée, où l’élément majoritaire devient localement minoritaire, souvent dans l’indifférence – voire avec la bénédiction – des élites. Une société multiculturelle sans culture commune devient un champ de bataille. Le multiculturalisme n’est pas une richesse, c’est une poudrière.
Breizh-info.com : SOS Racisme mettra-t-il un jour un « S » à « racisme », comme le suggérait Desproges ? Autrement dit, voyez-vous poindre une prise de conscience politique plus large, y compris à gauche ? En un mot : le tabou est-il en train de tomber, ou faudra-t-il encore, pour le briser, que le réel s’impose de manière plus brutale encore ?
François Bousquet :La porte-parole du gouvernement, Sophie Primas, a assuré sur CNews ne pas avoir de pudeur à parler du racisme antiblanc. Sur la même chaîne, Aurore Bergé, ministre chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations – tout un programme –, a dit l’inverse. Traitée de « Sale Blanche, crachats à l’appui, elle ne reconnaît pas l’existence du racisme antiblanc. On voit que l’ethnomasochisme a encore de beaux jours devant lui.
La bonne nouvelle, néanmoins, c’est que, dans ce panorama désolé, une fissure apparaît. L’affaire de Crépol, et la mort de Thomas, a marqué un tournant. Non pas parce que la justice y a vu clair – elle s’emploie au contraire à éviter toute qualification aggravante pour racisme, au prix d’une instruction biaisée –, mais parce que l’opinion prend de plus en plus conscience qu’il ne s’agit pas de faits divers, mais de faits de société où s’exprime une rage anti-européenne, cultivée et canalisée par des années de ressentiment. Le mur du silence autour du racisme antiblanc commence ainsi à se fissurer. De plus en plus de gens en parlent librement. On ne peut pas indéfiniment se réfugier dans le déni, le délit et le délire – la loi des trois « D » auquel je tiens particulièrement – sans exposer à un violent retour du refoulé. Bienvenue dans le réel !
Propos recueillis par YV
Crédit photo : DR (photo d’illustration)
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