
La grandeur d’une civilisation se mesure à la technicité de ce qu’elle produit, au rayonnement qu’elle diffuse par sa pensée, ses innovations. Plus elle s’élève, plus elle s’éloigne de la barbarie. Mais pour se hisser vers de tels sommets, elle doit avoir la conscience de ce qu’elle dit et fait, du sens et du poids des mots, de celui de l’honnêteté et garder, voire consolider, des repères qui la différencie des sociétés cruelles, archaïques et sans éthique, pour lesquelles la vie n’a aucune valeur.
La loi sur l’euthanasie, si elle est votée en l’état, marquera non pas un progrès, comme ses partisans le clament haut et fort mais une honte absolue, une abomination de perversité et d’atrocité policée par un langage choisi, des tournures technocratiques vouées à rendre l’ignoble estimable. Pourquoi cette charge à ce qui était présenté comme la quintessence de la dignité humaine face à la souffrance. Parce que le texte est vidé de tous les gardes fous nécessaires pour s’assurer que le candidat à la piqûre mortelle est lucide, libre et qu’il ne subit aucune pression sociale ou financière. On ne sait plus, ou on ne veut plus le soigner, la solution : le tuer ! Pour que l’acte retrouve l’élégance volée, le législateur est même allé jusqu’à qualifier la mort administrée de naturelle !
On se pince, en quoi l’injection volontaire d’un produit mortel provoque une mort naturelle ? Par quel miracle technocratique arrive-t-on à ce résultat sans qu’aucun député ou sénateur ne réagisse violemment à ce détournement des mots, à cette hypocrisie dans l’inversion des sens. Tout est galvaudé pour le bien de la cause immonde qui est présentée. Non, il n’y a aucun progrès dans ce texte, aucune grandeur, au contraire c’est la descente vers un monde infernal, où les repères les plus précieux sont effacés pour se vautrer dans la facilité d’éradiquer ceux qui, d’une manière ou d’une autre encombrent, sont de trop, ou détiennent un argent convoité. Les mêmes qui se gaussent d’une telle avancée sociétale, qui ramène plus à l’immonde barbarie d’une idéologie qui a été combattue et qui prônait déjà l’élimination des débiles des handicapés, des cabossés de la vie, des Tziganes, bref de tous ceux qui ne correspondaient pas au modèle imposé, se pétrifient d’horreur à l’idée qu’un criminel d’enfant puisse être condamné à mort, jugeant alors la société inapte à décider de la vie ou de la mort d’un être humain, pourtant responsable de crimes odieux. Mais tuer un patient faible en plein doute et désespoir face à sa propre situation ne leur pose aucun embarras !
Que vaut un pays où il est plus contraignant de louer son appartement que de mourir, où expulser des squatteurs de son domicile est plus difficile que d’en finir avec la vie ! Ce texte est le reflet de ce qu’est devenu notre société, un cirque à ciel ouvert où tout part à vau-l’eau, où les mots sont manipulés, violés pour en changer le sens, la teneur, où l’on se glorifie de tout ce qui porte à détruire l’humain au lieu de le protéger, où il est systématiquement mis au centre de tous les problèmes alors qu’il devrait être vu comme la solution, où la vie n’est plus sacrée mais un paramètre encombrant qu’il faut contrôler de la plus stricte des façons avec un coût réduit à zéro. Pendant le Covid, on ne soignait plus, maintenant, voilà qu’on tue. La vie est devenue ce CO2 pourchassé partout par cette clique d’hallucinés qui ne vénère que le sombre et le douteux et n’ont d’extase que pour ce qui limite la grandeur de l’homme, son originalité, sa splendeur. L’idéologie qui soutient ce texte a-t-elle gangrené tout l’hémicycle ? Sont-ils tous rangés du côté de ceux qui préfèrent tuer plutôt que de soigner, accompagner, soutenir ? L’humanité n’aurait pas la noblesse de se comporter comme les animaux qui eux n’ont pas pour leurs congénères la violence et le mépris que nous affichons pour notre prochain. Certes les animaux ne se soignent pas, mais ils se protègent les uns les autres, les forts protègent les faibles dans une meute ou un troupeau et ils ne se tuent pas entre eux et n’abandonnent les leurs que quand tout espoir est perdu.
Les parlementaires en adoptant un tel texte s’éloigneront de ce qui faisait l’originalité et la grandeur de la France des droits de l’homme qui permet désormais de subventionner un meurtrier étranger et d’éliminer un parent. Qu’est devenue notre conscience éclairée, basée sur le respect de la vie et la volonté de la préserver coûte que coûte ? La mort ne peut pas être donnée sans barrières, sans s’être assuré que le patient est pleinement libre de son choix, qu’il n’y a pas d’autres solutions pour abréger des souffrances intenables, ou une pathologie à l’issue inéluctable. La mort ne peut pas être dispensée sans que l’on ne soit certain qu’il n’y a aucune pression sociale ou financière qui influencerait la décision. Et que dire du regard qui sera porté sur le médecin qui entrera dans la chambre et pour lequel le patient pourra toujours craindre le geste qu’il sera amené à faire sur lui. Ce texte doit être rejeté, la vraie dignité commence là.