Cette enquête est la conséquence d’une plainte déposée par Isidore Aragones, avocat, ex-président du CRIF de Marseille et directeur éclair de la société Laser Propreté, du 12 septembre au 2 octobre 2024. Ce dernier accuse Sébastien Delogu d’avoir diffusé sur les réseaux sociaux, en l'occurrence Instagram, « des documents dérobés, en évoquant ses liens avec l'État d'Israël, ainsi que ses projets financiers personnels, et en précisant que des gens bienveillants les leur avaient transmis ».
Diffusion, plainte, enquête
Contacté par BV, Isidore Aragones donne des détails : « Le jour du vol, [le 19 septembre 2024, NDLR] c’est le jour où mon bureau est envahi par 150 grévistes et où je suis séquestré pendant trois heures. Certains de ceux qui sont entrés dans mon bureau ont pris un dossier contenant des informations confidentielles. » Plus précisément, il y a des documents sur un projet de voyage au Brésil, un achat immobilier et autres ventes aux enchères, ainsi qu'un échange épistolaire témoignant du soutien de l’ancien président du CRIF à Israël. De ces divers courriers ou mails imprimés sont extraites des phrases : elles ont donc été publiées sur le compte Instagram de Sébastien Delogu. Selon Isidore Aragones, « il a donné des informations que seul quelqu’un qui avait le dossier pouvait connaître ».
Ces révélations, dans un climat d’antisémitisme, ont donné lieu à « des menaces » à l’encontre du plaignant qui confie avoir « toujours peur » et regarder « sous la voiture le matin pour voir s’il n’y a pas de bombe ». C’est la raison pour laquelle il a décidé de porter plainte contre le député LFI.
Une plainte que le procureur de la République de Marseille, Nicolas Bessone, a prise au sérieux et qui a conduit aux perquisitions du 15 mai. Ces perquisitions, Sébastien Delogu et La France insoumise ont tenté de les mettre sur le compte d’une autre affaire, autrement dit d'étouffer le dossier. Le député trouve « inacceptable que la justice [le] perquisitionne pour un recel de documents alors qu’[il dénonçait] des faits graves auprès de la justice ». Manuel Bompard a, lui, dénoncé un « acharnement ciblé » et des « campagnes d’intimidation contre les députés insoumis ». De son côté, Jean-Luc Mélenchon a déclaré laconiquement : « Le monde à l’envers ! »
Perquisition, découverte, poursuite ?
Tous font référence à une saisine de septembre 2024 en vertu de l’article 40 [possibilité, pour une fonctionnaire, d'effectuer des signalements auprès de la justice, NDLR] au sujet d’un conflit social au sein de l’entreprise Laser Propreté. Une version balayée d’un revers de main par le procureur. Dans un communiqué, le parquet a mis les choses au clair : « Contrairement à la communication erronée relayée dans la presse et sur les réseaux sociaux, notamment par Sébastien Delogu, ces perquisitions sont donc sans aucun lien avec l’article 40 dont ce dernier a saisi, en son seul nom, le procureur de la République de Marseille le 5 septembre 2024. » Il a ensuite insisté : « Les perquisitions opérées au domicile et dans les locaux de la permanence parlementaire de Sébastien Delogu ne visaient aucunement la récupération des documents transmis dans le cadre de l’article 40 précité, comme il a été à tort affirmé. »
La perquisition concerne bien l’affaire Isidore Aragones. Et, comme le révèle Le Canard enchaîné dans son édition du 18 mai, elle aurait permis de trouver chez l’insoumis des documents volés.
Le député récemment condamné pour des faits de violence - selon son avocat, l'élu envisageait de faire appel de cette décision - pourrait donc être poursuivi dans cette nouvelle affaire. Isidore Aragones, avocat de métier, assure : « Ce sont des faits de droit commun, il n’y a donc pas d’immunité parlementaire. » Les peines encourues pour vol, recel de vol, harcèlement moral et mise en danger par révélation d'informations relatives à la vie privée peuvent respectivement entraîner jusqu’à 3 ans de prison et 45.000 euros d’amende, 5 ans de prison et 375.000 euros d'amende, 2 ans de prison et 30.000 euros d’amende, et 3 ans de prison et 45.000 euros d’amende. Reste à savoir si le parquet aura suffisamment d'éléments en sa possession pour poursuivre le député des quartiers nord de Marseille.