Injonctions vestimentaires et sociétales
Pour les auteurs du rapport, ces ambassadeurs 2.0 du frérisme ne doivent pas être pris à la légère. « L’activisme d’une nouvelle génération de prédicateurs, souvent formés par les premiers cadres religieux de la mouvance […] constitue un facteur majeur de diffusion de l’islamisme via les réseaux sociaux, où ils rencontrent une large audience. » Au terme de leur travail de terrain, ils relèvent ainsi l’existence d’une « vingtaine d’influenceurs ayant un vrai impact sur les réseaux sociaux ». Parmi eux, Le Figaro affirme qu’on trouve Marwan Muhammad, ancien directeur du Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF).
Un rapide tour sur TikTok permet de nous rendre compte de l’influence de ces comptes prônant un islam rigoriste. Loin des prêches mal filmés dans une mosquée assombrie, ces influenceurs adoptent avec succès les codes de la plate-forme chinoise. Format court, discours décontracté, émoticônes… tout est fait pour attirer les adolescents. Et ça fonctionne ! En effet, comme le souligne Florence Bergeaud-Blackler dans son ouvrage Le Frérisme et ses réseaux - L'enquête (Éd. Odile Jacob), « alors que les mosquées diffusent des vidéos qui peinent à dépasser les quelques dizaines de milliers de vues, [...] les cyberprédicateurs atteignent des audiences record ». Ray, un influenceur suivi par 515.000 abonnés, cumule plusieurs centaines de milliers de vues sur chacune de ses vidéos. Mais si la forme paraît « branchée », le fond, quant à lui, est bien plus rigoriste. Dans l’une de ses vidéos, il exhorte ainsi les femmes à « ne pas enlever [leur] hijab » sous peine de finir « en enfer ». Le hijab est même présenté comme le vêtement « le plus beau » et « le plus noble ». Le 9 avril, il rappelle à ses abonnés « les effets très néfastes » de la musique et des instruments. Et au début du printemps, il reprend à son compte le concept frériste de l’« islamophobie », expliquant qu’en France, « nos sœurs sont prises pour cibles ».
« Restez à vos places de femmes »
Redazere, dont le compte est bien plus suivi (4,3 millions d’abonnés), coche lui aussi toutes les cases de l’influenceur TikTok : style décontracté, montage dynamique et bonhomie naturelle. Mais sous ses airs de musulman modéré, le jeune homme diffuse un islam rigoriste. Interdiction d’écouter de la musique, obligation de porter le voile, interdiction de fêter Noël… L’influenceur va jusqu’à considérer « impossible » l’amitié entre un homme - victime de « ses pulsions » - et une femme - par essence « naïve ». Illmnour, une jeune femme qui propose des conseils de beauté et vestimentaire, apparaît, quant à elle, le visage couvert d’un voile intégral. Un autre intime aux femmes de « rester à leur place ». D’autres, encore, vont jusqu’à encourager les jeunes filles à contourner la loi et à porter une abaya à l’école.
Ces discours rigoristes diffusés sur les réseaux sociaux s’inscrivent totalement dans la logique des Frères musulmans. Comme le rappelle Florence Bergeaud-Blackler, pionnière dans la recherche sur le frérisme, « le frérisme se diffuse "par le haut" par le biais d’influenceurs ». Ces influenceurs banalisent les préceptes de l’islam rigoriste. L’objectif : déstabiliser la société française et imposer, à terme, un nouveau cadre et de nouvelles normes. Ainsi banalisé, le discours frériste se retrouve repris - volontairement ou pas - par des célébrités et sportifs qui deviennent à leur tour ambassadeurs des Frères musulmans. Maintenant que le constat réalisé par de nombreux universitaires et journalistes depuis de nombreuses années a été confirmé par le ministère de l’Intérieur, quelles seront les mesures prises par Bruno Retailleau pour lutter contre le frérisme ? Après le rapport, les actes.
Clémence de Longraye
https://www.bvoltaire.fr/frerisme-2-0-linfluence-des-freres-musulmans-passe-par-les-influenceurs/