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[RÉACTION] « 377 députés ont voté pour le doublement de vos factures d’électricité »

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Le 24 juin, avec le soutien de l'extrême gauche, les Républicains s'étant abstenus, les députés macronistes ont voté contre leur propre texte sur l’énergie afin de le vider des garde-fous qu’avaient précédemment obtenus le RN, ses alliés et quelques députés républicains. Que nous apprend ce rejet ? Quelles en seront ses conséquences concrètes ? Le spécialiste des énergies Fabien Bouglé nous apporte son éclairage.

Étienne Lombard. Le rejet du texte PPE (programmation pluriannuelle de l'énergie) à l’Assemblée nationale en première lecture a été souvent commenté comme une sorte de front anti-RN. Qu’en pensez-vous ?

Fabien Bouglé. La question du moratoire et de la contestation des énergies intermittentes n'est pas une histoire récente, ni le fait de partis politiques, quelle que soit leur tendance. En 2015, feu Jean Germain, sénateur socialiste d'Indre-et-Loire, avait publié un texte qui avait fait beaucoup de bruit et qui s'appelait « Pourquoi sommes-nous enfumés par les éoliennes ? » En 2018, Laure de La Raudière [ancienne députée de centre droit d'Eure-et-Loir, NDLR], avec 10 parlementaires, 5 macronistes et 5 LR, avait publié une tribune dans Le Figaro demandant un moratoire sur les éoliennes. En 2021, Marine Le Pen publiait une tribune sur l'Union nationale sur les éoliennes affirmant elle-même que c'était un sujet qui transcendait les partis politiques. J'ai donc trouvé les postures qui ont suivi les votes à l'Assemblée nationale pour le moratoire sur les éoliennes puis contre la PPE absolument scandaleuses. Réduire le sujet aux positions du RN et de ses alliés est lamentable, parce qu’en réalité, c'est un sujet qui dépasse tous les courants politiques depuis des années.

E. L. Au-delà des clivages partisans, quel sens donner à ce vote ?

F. B. On a vu 377 députés voter tout simplement pour la multiplication par deux des factures d'électricité, c'est-à-dire qu’ils ont contribué à massacrer économiquement leurs concitoyens. Il y a eu d’un côté le bloc de l'extrême gauche qui s'est allié au bloc des exploitants éoliens, et tous deux ont suivi le lobby des exploitants éoliens. De l’autre côté, le bloc de droite et d'extrême droite a résisté en soutenant qu'il ne fallait surtout pas multiplier la facture d'électricité par deux. Et puis il y a eu le bloc des Républicains qui ne sont pas venus à l'Assemblée nationale et dont l'abstention a permis le rejet du texte. Le plus incroyable, dans cette affaire, est qu’en 2019, Julien Aubert, alors député LR de Vaucluse, avait fait non seulement une commission d'enquête parlementaire sur les énergies renouvelables, mais aussi, en tant que membre de la commission des finances, un rapport sur le coût des énergies intermittentes pour la France et pour les Français, et dont les conclusions étaient d'ailleurs extrêmement négatives. Ce vote contre la PPE a donc été le révélateur d’un champ de ruines politique, dans lequel une extrême gauche s'allie avec le capitalisme apatride le plus nauséabond pour faire exploser la facture des Français.

E. L. L’explosion des factures d’électricité concerne les particuliers, mais qu’en sera-t-il pour les professionnels ?

F. B. L’augmentation de la part des énergies intermittentes, qui est au cœur du projet, aura une incidence mécanique sur l’accise [ex-CSPE, NDLR], la taxe qui permet de financer les énergies intermittentes. Les entreprises qui sont les plus gourmandes en électricité, celles qu'on appelle les électro-intensifs, ont des contrats négociés directement de gré à gré avec EDF. Mais les petites et moyennes entreprises sont soumises à l’accise et vont donc subir de plein fouet l'explosion des factures d'électricité. Et il faut rappeler que celles-ci ont déjà été multipliées par deux depuis dix ans. Donc, nos députés ont en fait entériné une multiplication par quatre des factures d’électricité en seulement une décennie !

E. L. Au-delà des factures d’électricité, quelles seront les conséquences du projet gouvernemental ?

F. B. Il y a en effet l'impact physique que représente cette loi, avec ce qu'on peut appeler de l'énergie punitive, c'est-à-dire le développement d’une énergie qui contribue à l'invasion des territoires français, maritime et terrestre, par des éoliennes. L’objectif du projet gouvernemental de PPE consiste à multiplier par cinquante le nombre d'éoliennes en mer, par deux le nombre d'éoliennes terrestres et par quatre le nombre de panneaux solaires. C’est pour cette raison que le texte avait été modifié par des députés RN, UDR et quelques LR, par des amendements, dont un établissant un moratoire sur le développement des éoliennes et des panneaux solaires. Et c’est aussi parce que ce texte modifié ne lui convenait plus que Marc Ferracci, le ministre de l'Énergie, a annoncé tout récemment qu'il voulait passer le texte en force, par décret. Et il a beau jeu de dire aujourd’hui que les travaux parlementaires conduisent à un grand n’importe quoi, ce qui justifierait le recours au décret. Tout cela montre finalement qu’au-delà des oppositions de fond sur la politique énergétique, il y a aussi dans cette affaire une lutte de pouvoir entre le gouvernement et le Parlement. On assiste à un bras de fer institutionnel sur qui a en charge la programmation pluriannuelle de l'énergie. Le gouvernement disant, au titre de la Constitution, c'est le gouvernement, mais les parlementaires disant que puisqu’elle a un coût, cette affaire relève des finances publiques, qui est un pouvoir du Parlement. Quoi qu’il en soit, cette histoire n’est pas finie. On en reparlera à la rentrée.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 26/06/2025 à 22:45.
Etienne Lombard

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