Le récit débute deux jours après la mort du jeune délinquant, alors que Florian M. est incarcéré à la prison de la Santé, dans le Sud parisien. Dupe de rien, le fonctionnaire de police commente avec amertume sa situation. « Je me dis que je vais finir en détention provisoire pour calmer ces pauvres jeunes en colère, écrit-il. Je suis en détention pour avoir voulu faire mon travail. »
Dans son journal, Florian M. ne cache rien de sa déception envers ceux qui auraient dû défendre sa présomption d’innocence : « Le président de la République Emmanuel Macron s’est positionné, il a choisi de me sacrifier et donner raison aux émeutiers en qualifiant mon geste d’inexcusable. » Le policier estime avoir été « trahi pour acheter la paix sociale » et accuse l’État d’avoir choisi de soutenir « un jeune délinquant multirécidiviste ». Ses écrits s’interrompent au bout de quatre jours, en raison d’une « panne de stylo ».
Une taupe au sein de la prison ?
Par quel miracle ce journal intime, écrit entre les quatre murs d’une cellule de prison, s’est-il retrouvé entre les mains d’un journaliste de Libération ? À en croire l’Observatoire du journalisme, le texte aurait été transmis par l’administration pénitentiaire aux juges, qui l’auraient ensuite fait fuiter à une certaine presse. Dans le but de fragiliser un peu plus la défense du policier ? Il se pourrait également que le document ait été transmis sous le manteau par les avocats de la partie civile.
https://twitter.com/ojim_france/status/1939702715703062796
Cette divulgation est d’autant plus grave qu’elle met potentiellement le policier en danger. Dans son article, Libération a en effet choisi de révéler son lieu de mutation. Une information dont l’extrême gauche anti-police s’est empressée de se saisir pour lui donner un retentissement maximal. « Scandaleux. Florian le policier qui a mis à mort Nahel et qui va être jugé devant une cour d’assises pour meurtre travaille actuellement au Pays basque, a ainsi relayé le député LFI Thomas Portes, sur X. Un policier met à mort un jeune homme, il est choyé par la police. Insupportable. »
Presse et Justice, les liaisons dangereuses
N’en déplaise à M. Portes, c’est surtout la violation du secret de l’instruction, qui est « insupportable ». Si le journal de Florian M. a été versé au dossier, il est normal que les avocats de la partie civile y aient accès. Ils auraient le droit d’évoquer son existence lors d’une conférence de presse, voire de le faire lire à des tiers. En revanche, il leur est interdit d’en fournir une copie aux journalistes.
Mais ce délit est tellement peu condamné que certains médias se sont spécialisés dans la publication de documents confidentiels. C’est le cas de Mediapart, qui s’est même doté d’un ingénieux système « SecureDrop » offrant « une grande sécurité » et « une garantie renforcée d'anonymat pour l’envoi de documents sensibles ». Que demande le peuple ? « Le système Mediapart, c'est un système d'agence de renseignement, analyse Claude Chollet, président de l'Observatoire du journalisme. Edwy Plenel dispose de très nombreux contacts dans la magistrature et dans la police. Ces contacts font passer des dossiers qui sont rassemblés par la DGSE, les préfectures, etc. Cela veut dire que la loi n'est pas respectée. »
Nicolas Sarkozy, notamment, avait fait les frais de ces méthodes à la limite de la légalité. En 2013, il avait porté plainte contre Mediapart pour « faux, usage de faux et recel », après la divulgation d’un document évoquant un éventuel financement de sa campagne présidentielle de 2007 par le régime de Mouammar Kadhafi. La plainte avait paru suffisamment crédible pour que les dirigeants du média d’extrême gauche soient placés par la Justice sous statut de témoin assisté, avant de bénéficier d'un non-lieu. L’année suivante, N. Sarkozy s’était encore indigné de la publication d’extraits de ses écoutes téléphoniques : « Qui a donné ces documents alors même qu’aucun avocat n’a accès à la procédure ? Les seuls détenteurs en sont les juges ou les policiers… Sont-ils au-dessus des lois sur le secret de l’instruction ? » Il faut croire que oui.