Revenue dans sa voiture, l’influenceuse poursuit : « Ce qui s’est passé, c’est très grave ! C’est toujours dans les villes de cassos que ça arrive, ces trucs-là ! » Pour la cliente, aucun doute, la boulangère aurait fait preuve de « mauvaise foi ». « Je mange pas de viande, c’est pas halal. Donc, j’ai forcément dit "je veux un sandwich au thon". Thon, ça ne ressemble pas à poulet ! Put*** de mer** ! », s’agace la jeune femme, qui en profite pour divulguer le nom de la boulangerie. Et au bout de cinq minutes, elle conclut : « Je sais que je vais encore dire un truc de raciste, mais les boulangeries de Blancs, c’est toujours comme ça que ça se passe. Si j’avais été chez un reubeu |arabe, NDRL], il m’aurait dit "Excuse-moi ma sœur"… »
Campagne de cyber-harcèlement
Pourtant peu suivie sur les réseaux sociaux (19.000 abonnés sur TikTok), sa vidéo explose et dépasse rapidement les deux millions de vues. S’ensuit alors une campagne de dénigrement à l’encontre de la boulangerie visée. Sur TikTok, tout d’abord, d’autres influenceurs apportent leur soutien à la jeune femme et reprennent les mêmes éléments de langage. « Si ça avait été un musulman, il aurait redonné un sandwich, c’est une réalité… », explique l’une d’elles. Dans les commentaires, des internautes appellent à « afficher » la boulangerie.
Résultat : sur Google, l’établissement voit sa note divisée par deux en seulement 48 heures. De nombreux internautes, qui, vraisemblablement, n’ont bien souvent jamais mis les pieds dans cette boulangerie, publient des dizaines de commentaires négatifs. « Boulangerie à fuir, écrit l’un d’eux. Des erreurs de commande à répétition - toujours "par hasard" quand ça concerne certaines personnes - et, surtout, zéro remise en question. […] On voit très bien ce qu’il se passe ici. » « L’attitude du personnel était empreinte de mauvaise foi, de mépris évident et, plus grave encore, de comportements discriminatoires », ajoute un autre, qui semble pourtant résider à près de 90 kilomètres de la boulangerie. Beaucoup d’autres reprennent à leur compte le témoignage de l’influenceuse pour calomnier la boulangerie. L’un d’eux, par exemple, qui ne laisse des avis que sur le Pays basque d'ordinaire, rapporte exactement la même histoire sur une erreur de commande pour dénigrer la note de l’établissement.
Une pluie de commentaires négatifs alors que, jusqu’à la polémique, l’établissement était félicité pour ses pâtisseries et son pain. L’établissement, qui ne souhaite pas s’exprimer, assure à nos confrères d’Europe 1 avoir reçu des messages d’insultes et de menaces. Une plainte a été déposée.
Jean Messiha insulté au passage
Dans une deuxième vidéo, l’influenceuse revient sur la polémique qu’elle a lancée. Plutôt que de s’excuser ou de dénoncer le raid numérique lancé contre la boulangerie, la jeune femme considère qu’elle aurait dû « se faire passer pour une juive ». « Là, j’en suis sûre - je peux mettre ma tête à couper -, les choses auraient pris une autre tournure. […] Je maintiens ce que je dis, cette boulangère est une conna***. Oui, c’est une boulangerie de Blancs. » Elle profite de son face-caméra pour insulter Jean Messiha, qui avait dénoncé cette affaire sur X (anciennement Twitter), le traitant de « trou de balle d’apostat ».
Cette affaire rappelle celle d’un boulanger de Vénissieux qui, en août 2024, avait annoncé arrêter servir du porc après la vente par erreur à deux personnes d’une quiche lorraine à la place d’une quiche au fromage. Le ton était vite monté entre la jeune vendeuse et les deux clients. « Par sécurité pour ses employés et lui-même » et par « peur des représailles », le gérant avait décidé d’arrêter de vendre du porc.