
Entre le 1er janvier et le 11 mai dernier, pas moins de 1849 personnes ont été interpellées sur l’ensemble du territoire. Les fous du guidon sont désormais rejoints par des chauffards venus de toute l’Europe. Matérialiser le cumul de ces preuves vire souvent au casse-tête, d’autant que les parquets demandent la plupart du temps que leur soit apportée la preuve par l’image. Depuis des années, les autorités redoutent que la France s’enfonce par endroits dans un scénario digne d’Orange mécanique, mais c’est aussi Mad Max qui s’y rejoue ad nauseam.
[…] Pour confondre les contrevenants qui s’enfuient, les enquêteurs préfèrent, plutôt que de lancer des courses-poursuites souvent trop périlleuses, exploiter des images vidéo afin d’identifier les engins et les auteurs. Mais la matérialisation des faits était – et reste encore – difficile à établir, surtout quand nombre de bolides sont dépourvus de plaque d’immatriculation. […]
« Depuis l’instruction du 19 mai dernier qui permet désormais aux policiers et aux gendarmes de poursuivre les véhicules en fuite, nous avons changé de paradigme », se félicite le commissaire Ugo Pizzo qui précise, cependant, que les chasses « doivent être menées avec discernement. » En clair, le document, cosigné par les patrons des forces de l’ordre, impose qu’un grand nombre de conditions soient réunies. […]
Selon nos informations, l’implication des policiers locaux a permis d’ouvrir une demi-douzaine de procédures judiciaires, avec un cadre qui s’est durci. De fait, la loi du 3 août 2018 sur les « rodéos urbains » a créé un délit spécifique, puni d’un an de prison et 15.000 euros d’amende. La peine peut aller jusqu’à cinq années d’emprisonnement en cas d’homicide involontaire. Mais, pour cela, les policiers doivent établir de manière irréfutable que le chauffard a fait preuve d’une conduite « répétant de façon intentionnelle des manœuvres constituant des violations d’obligations particulières de sécurité ou de prudence », qu’il a roulé « dans des conditions compromettant la sécurité des passagers » et, enfin, « troublant la paix publique ». Matérialiser le cumul de ces preuves vire souvent au casse-tête, d’autant que les parquets demandent la plupart du temps que leur soit apportée la preuve par l’image. Pour stopper les « furieux », les policiers jettent alors, quand ils le peuvent, des herses « Diva », en forme de Toblerone géant, qui crèvent les pneus. […]
Profitant du « boulevard » qui s’ouvre devant eux, les adaptes du rodéo sont désormais rejoints par un public de motards « confirmés ». Titulaires du permis de conduire, ces derniers se donnent rendez-vous à plusieurs sur des parkings ou des dalles de béton parfois vaste comme plusieurs terrains de football, à l’image de celle qui a été détruite au centre commercial de Carré-Sénart (Seine-et-Marne), pour faire des « stunts » (« cascades » en anglais) devant un public de fans de mécaniques qui les filment. Roue avant, roue arrière, debout sur la selle, assis dos à la route… […]
Pour parachever cet éloquent tableau de la violence mécanique, les forces de l’ordre observent depuis deux ans et demi la montée en puissance du « drift » (dérapages), une pratique visant à faire tourner en cercle une voiture à vive allure. […] Ce « sport » ultra-dangereux, lui aussi diffusé sur les plateformes, est à l’origine d’une nouvelle nébuleuse d’internautes venant des Pays-Bas, d’Allemagne ou encore de Belgique qui se donnent rendez-vous, au dernier moment par Snapchat ou Instagram, avant de déferler sur des parkings. […]