par François Marcilhac
Quel spectacle d’impuissance donne le pouvoir, alors que les sujets importants s’accumulent, aggravant le fossé existant entre une classe dirigeante — politique, économique et médiatique — hors sol et un pays réel qui a chaque jour d’autant plus conscience d’être méprisé que les rares, et insuffisantes, victoires qu’il remporte seront sans effet car sans lendemain.
« Les gueux » : des victoires sans lendemain
« Les gueux », pour reprendre le terme désormais popularisé par l’écrivain Alexandre Jardin, ont ainsi emporté, par l’entremise de ceux qui, plus ou moins intéressés, se font leurs porte-parole à l’Assemblée, une victoire avec la suppression des ZFE — fausses « zones à faible émission » mais vraies « zones de forte exclusion » : toutefois les membres les plus déconnectés du pays légal, et ils sont encore nombreux, n’ont pas dit leur dernier mot. Il ne s’agit en effet que d’une première lecture : le texte va repasser au Sénat puis à l’Assemblée et même en cas très incertain de vote favorable définitif, il est à craindre qu’à la demande de Bruxelles, auprès duquel le Conseil constitutionnel prend désormais ses ordres — quand ce n’est pas auprès de la CEDH, bras judiciaire du Conseil de l’Europe —, celui-ci, saisi par soixante parlementaires au moins, ne censure la mesure sous quelque prétexte futile, comme celui d’être un cavalier législatif, ce qui serait assez piquant compte tenu de la nature hétéroclite du texte.
Ne vient-il pas déjà de vider de sa substance la loi « Attal » sur la justice des mineurs, pourtant bien timide, faisant à sa guise de la différence, qu’édulcorait à peine le texte de l’ancien Premier ministre, entre justice des mineurs et justice des majeurs, un principe constitutionnel rigide et dogmatique ? Les pseudo-sages de la rue de Montpensier ont-ils anticipé un désaveu à venir de la CEDH ? Ou, vivant dans l’entre-soi de l’EHPAD le plus prestigieux de nos institutions, totalement coupés de la société, radotent-ils les principes surannés d’un progressisme qui a montré plus que ses limites : sa malfaisance pour les victimes et… pour les jeunes délinquants eux-mêmes que ce laxisme idéologique condamne, pour le coup, à la récidive et à la commission d’actes toujours plus graves, jusqu’au crime ? Oui, il faudra bien un jour revenir à la réalité complexe d’une société qui a l’insolence de ne pas fonctionner selon l’angélisme que lagauche professait déjà en 1945 : outre que le peuple a changé dans ses éléments constitutifs en raison de l’invasion migratoire — mais dont le pays réel n’aurait pas constitutionnellement le droit de se saisir : la boucle est ainsi bouclée —, si la jeunesse connaît des invariants et s’il est toujours préférable, quand c’est possible, de donner une nouvelle chance à celui qui n’a pas encore fini sa croissance morale et intellectuelle, voire physique en cas de très jeunes délinquants, il n’en reste pas moins que le premier devoir de l’État, et de sa justice, est de protéger la société. Du reste opposer — tous les parents le savent — éducation à sanction est une sottise et la prétendue « bienveillance », en la matière, est un mensonge dont sont avant tout victimes les enfants qui la subissent : la sanction, lorsqu’elle est proportionnée mais réelle, a en soi une valeur éducative. Encore faut-il ne pas faiblir ni se tromper de victime. Or les premières victimes de ce laxisme sont encore les gueux, ceux qui élèvent leurs enfants dans le droit chemin, et ont souvent du mérite à lefaire, enfants qu’ils ne peuvent malheureusement pas toujours mettre à l’abri de la rencontre inopinée de racailles qui profitent d’un système pervers qui les encouragent au crime. Parler de faits divers, comme l’a fait Macron, devient alors indécent. Il s’agit bien de faits de société inadmissibles. Inutile de rappeler ceux qui sont dans toutes les mémoires et ne sont pas encore jugés.
La question est institutionnelle
Enfin — autre modeste victoire — qu’en sera-t-il du moratoire adopté fin juin sur les éoliennes et le solaire, « pendant toute la durée nécessaire à la réalisation d’une étude objective et indépendante visant à déterminer le mix énergétique optimal pour la France, sur les plans économique et environnemental »— un moratoire censé et bienvenu tant les dégâts écologiques dus aux énergies renouvelables sont patents sans qu’elles fassent la preuve d’apporter un concours sérieux à un mix énergétique qu’on veut durable ? Là encore la mesure est loin d’être adoptée définitivement, tant elle va à l’encontre des intérêts de lobbies puissants, habitués à ne voir dans le pays légal que leur courroie de transmission.
Parce qu’elle conjugue idéologie, impuissance et objectifs partisans, la République ne peut ni ne veut répondre à la souffrance des Français. Parce qu’elle est au service de quelques-uns seulement, d’une classe qui a rompu avec la majorité de nos compatriotes, et se conçoit comme faisant partie intégrante d’une caste transnationale dégagée de toute obligation avec des concitoyens qu’elle n’a pas choisis — ce qui est pourtant, rappelait Maurras, le caractère paradoxal mais fondateur de cette amitié singulière qu’est une nation —, la République méprise le pays réel. Comme le rappelait encore le comte de Paris, dans le message qu’il a fait l’honneur d’adresser aux participants du Midi blanc, le 11 juin dernier : « Concluons […], en observant le spectacle donné par les personnalités politiques successives, à l’impérieuse nécessité d’un chef d’État dégagé de toute emprise idéologique ou financière, seulement préoccupé du bien commun. On ne saurait trop insister sur la nocivité d’un système qui n’a d’intérêt que pour ceux qui s’en servent, à usage exclusif de leur promotion et profits personnels. Ils participent, chaque jour un peu plus, à l’insensée chute dans tous les domaines, sans y apporter le moindre remède conséquent ».
Le géographe et sociologue Christophe Guilluy aime à souligner l’actuelle « inéligibilité du peuple » pour évoquer l’interdiction qui est faite au pays réel de peser sur les décisions le concernant le plus directement. La question est institutionnelle : c’est la République qui, en instaurant un pays légal déconnecté du pays réel, prive ce dernier de toute représentativité réelle. Et donc de tout poids. Tant que cet écran totalement artificiel existera entre les Français et un pouvoir politique qui est non pas leur émanation mais bien celle de partis et d’oligarchies que les institutions leurs imposent, alors, ils n’auront pas la parole et ne pèseront rien ou quasiment rien. Et leurs victoires continueront de n’être que des déjeuners de soleil. La République a verrouillé le système oligarchique, l’a même doublement verrouillé, puisque ses institutions elles-mêmes ne sont plus libres de leurs décisions, verrouillées qu’elles sont à leur tour par des traités (européens et internationaux) qui privent le pays légal français lui-même de toute marge de manœuvre au bénéfice d’un pays légal européen et d’institutions supranationales dépourvues de toute légitimité. Pourtant, n’est-ce pas le grand ancêtre Rousseau lui-même qui écrivait dans le Contrat social : « Renoncer à sa liberté, c’est renoncer à sa qualité d’homme, aux droits de l’humanité, même à ses devoirs » ? Et qu’une telle renonciation est par conséquent nulle et non advenue ? C’est ce qu’a pourtant fait pour la France, ou plutôt contre elle, la République avec l’Europe, qu’il s’agisse de Bruxelles ou de Strasbourg (CEDH). C’est pourquoi même l’action de partis politiques apparemment bien intentionnés restera sans effet ou, du moins, bien en deçà des exigences de l’heure, si n’est pas remise en cause cette servitude à laquelle la République a conduit volontairement le peuple français. Par-delà les prochaines échéances électorales — et les municipales, qui sont les élections les plus proches du pays réel, devront être prises au sérieux —, nous devrons continuer la lutte.
« Les gueux » doivent urgemment reprendre le contrôle !
https://www.actionfrancaise.net/2025/07/09/sous-le-signe-des-dieux/