Un contrôleur particulièrement hostile
Ainsi, Joseph*, père de famille nombreuse (sept enfants), qui partait pour trois jours de pèlerinage, s'est vu infliger une amende de 200 euros, au mois de juin 2025, pour « transport d'objet dangereux ou encombrant dans un train » : il a décidé de porter plainte contre la SNCF. Les circonstances et les motifs de son affaire laissent songeur : « Lors de l’enregistrement, j’ai été informé que l’objet dépassait la taille autorisée de 20 cm, ce que j’ignorais parfaitement. En aucun cas il ne m’a été stipulé qu’il était interdit de monter à bord avec, et encore moins qu’il pouvait être dangereux », rapporte-t-il à BV. Ce n'est qu'une fois la petite famille installée dans le train en marche que le contrôleur - qui, pourtant, lors de l'embarquement, « avait pris soin de vérifier l'objet en le montrant à son collègue sans signifier au propriétaire que cet objet pouvait être "dangereux ou encombrant" » - s'est approché du père de famille pour le verbaliser.
Dans sa plainte déposée auprès du procureur de la République, Joseph dénonce « l'attitude hostile du contrôleur tentant de l'intimider avec menaces répétées d’usage de la force de police devant [ses] enfants [présents au moments des faits] pour [le] contraindre à payer immédiatement la contravention, ce qui ne correspond pas au règlement des agents de bord ». De plus, ajoute-t-il aux motifs de sa plainte , « l'agent a refusé de me faire lire la contravention avant signature, m’empêchant de signer le document sans lecture préalable ». Le tout « pour une contravention manifestement abusive et disproportionnée, l'objet du litige n'étant autre qu'une tringle à rideau de 130 cm de longueur et de 1,5 cm de diamètre que j'avais pris soin d’empaqueter aux deux extrémités pour éviter que ledit objet puisse faire des traces », précise-t-il auprès de BV.
Ce que le texte de la plainte ne précise pas, en revanche, c'est que ce jour-là, Joseph s'en revenait de trois jours de marche avec sa femme et ses sept enfants muni de cette tringle à rideau destinée à... porter une bannière de pèlerinage. De là à imaginer que l'allure un peu trop « mili » du pseudo-délinquant, les tenues vestimentaires du groupe, la coupe de cheveux des enfants et l'allure générale un peu trop « catho tradi » auraient été pour quelque chose dans la sévérité du contrôle... D'autant qu'une autre mésaventure de ce type est arrivée, à quelques jours d'intervalle, à d'autres jeunes gens tout aussi « bien mis ».
« Tous ceux qui portaient l'uniforme »
Autre ligne SNCF, le 19 juin. Une trentaine de candidats au bac s'installent dans un wagon SNCF, direction Alençon, pour aller passer leurs épreuves de spécialité. Les Bas-Normands qui voyagent en train sur les petites lignes direction Sées, dans l'Orne, sont devenus familiers de ces usagers d'un certain type : même coupe courte, cravate bleue et jaune, chemise blanche, pantalon bleu marine et pull arborant le blason de leur école, ils sont élèves à l'Institut Croix des Vents, une école et pensionnat catholique. Ce jour-là, Rémi L., qui voyage avec ses camarades, raconte à BV : « Avant l'arrivée du train, un garçon de mon groupe commet une grande imprudence : il descend sur les voies pour récupérer sa bouteille d'eau qu'il a fait tomber. » Une grave infraction qui aurait pu lui coûter 150 euros mais ne lui vaudra, en l'espèce, aucune contravention ; les accusations des agents de la SNCF seront autrement plus graves...
Une fois le groupe installé dans le train en marche, le contrôleur procède à la vérification des billets. « On a vite senti qu'on n'était pas les bienvenus, raconte Rémi. Ils nous ont demandé nos cartes d'identité - ce que les contrôleurs ne font quasiment jamais - et les cinq agents sont ensuite venus nous voir pour nous dire que le conducteur nous avait vus ramasser des cailloux sur la voie pour les lancer sur le train. Ils ont été jusqu'à nous menacer de ne faire sortir personne des wagons tant que nous ne nous serions pas dénoncés. » Ces caillassages ? Des actes gravissimes qui ont tendance à se multiplier : ils sont sévèrement punis, à condition, bien sûr, que les « vrais » coupables soient identifiés et poursuivis.
La situation demeure tendue, chacun tente de s'expliquer et les lycéens essaient de faire reconnaître leur innocence en vain, jusqu'à ce qu'un jeune passager plus âgé et extérieur au groupe sorte de sa réserve et explique aux contrôleurs : « Je vous écoute depuis tout à l'heure, tout est cohérent, ils n'ont absolument pas caillassé le train, les choses ne se sont pas passées ainsi. » Seule son intervention a permis de ramener les contrôleurs à la raison, l'un d'entre eux allant jusqu'à appeler le conducteur du train « pour lui dire qu'il s'était trompé », témoigne Rémi. Malgré tout, l'aventure laisse un goût amer aux lycéens : « Ces agents de la SNCF ciblaient vraiment toutes les chemises blanches, donc tous ceux qui portaient l'uniforme ; les gens trop propres sur eux, trop solvables, cela devient un phénomène de société. »
Phénomène de société ou pas, la grogne des voyageurs « trop bien mis » injustement accusés ou verbalisés pour des broutilles commence à monter.