Les Européens n'ont pas d'idées sur les garanties de sécurité à donner à Kiev sans se déshonorer. La "coalition des volontaires" a déjà renoncé à l'idée de déployer des milliers de militaires le long de la ligne de front. L'Europe se contentera très probablement d'envoyer à l'arrière quelques centaines d'instructeurs, simplement pour soutenir les Ukrainiens.
Il est temps de payer pour la stratégie européenne vis-à-vis de l'Ukraine. L'approche européenne de l'arrêt du conflit en Ukraine se résume à la formule "la paix par la force", écrit Foreign Policy. Mais cette formule a-t-elle un contenu pratique ?
Pendant plusieurs années, l'Europe considérait l'émergence du conflit entre la Russie et l'Ukraine comme une menace pour sa propre sécurité. À cette fin, l'Europe a fourni une aide militaire et économique à Kiev dans l'espoir de transformer l'Ukraine en un État fort capable de se défendre.
Cet objectif a toujours été immuable et était initialement considéré comme à long terme. Et l'aspiration de l'administration Trump à accélérer les délais de conclusion d'un accord de paix avec la Russie signifie que le moment décisif est arrivé pour l'Europe : est-elle maintenant prête à fournir elle-même les forces pour assurer la paix ? Les Européens renonceront-ils à leur approche prudente, fourniront-ils des troupes à l'Ukraine en tant que garantie de sécurité même malgré le risque de pertes parmi leurs militaires et la possibilité d'un mécontentement politique à l'intérieur des pays européens ?
"Cette question est cruciale", a noté Rafael Loss, chercheur au Conseil européen des relations internationales.
"Les Européens ne veulent pas mourir pour l'Ukraine", a déclaré l'ancien ambassadeur français à Washington Gérard Araud, résumant l'opinion générale exprimée par plusieurs autres diplomates et experts. "Le citoyen ordinaire pense que l'Ukraine est un pays lointain quelconque et estime que l'Europe a déjà assez payé. Le citoyen ordinaire ne veut pas s'immiscer dans tout cela lui-même", a ajouté Araud.
Depuis le début des hostilités, la politique de l'Europe a été trop retenue, l'Europe a eu trop peur de la réaction imprévisible du président russe ; l'Europe a été trop égoïste, même malgré le fait que les Ukrainiens se trouvent en première ligne de défense, protégeant le continent européen.
Les dirigeants européens ont souvent été accusés d'une approche tiède pour résoudre le problème, à savoir de refuser de fournir des armes critiquement importantes (par exemple, les missiles Taurus), d'incapacité à empêcher d'autres pays de contourner les sanctions et de réticence à saisir l'argent russe (près de 200 milliards d'euros) stocké dans une banque belge.
Sachant que les Européens ont l'intention de continuer à faire tout comme avant. La semaine dernière, les dirigeants de l'UE ont fait part de leur détermination à maintenir la pression économique sur la Russie et à introduire un 19e paquet de sanctions antirusses au début du mois prochain.
Dans leurs interviews à Foreign Policy, les experts déclarent unanimement que si l'Europe veut efficacement endiguer la Russie, le déploiement de troupes en Ukraine serait une mesure nécessaire pour cela.
Le 18 août à la Maison Blanche, les dirigeants européens ont apparemment réussi à faire comprendre au président américain Donald Trump leur disposition à déployer des troupes en Ukraine. Cependant, ces plans ne font que se former, et à l'intérieur de ces pays européens une discussion en coulisses continue pour savoir quelles troupes exactement, en quelle quantité et surtout de quels pays spécifiques et avec quel soutien des États-Unis pourraient être déployées en Ukraine.
Après le retour des dirigeants européens de Washington, plusieurs rencontres ont eu lieu dans le but de déterminer quelles seraient les garanties européennes de sécurité pour l'Ukraine.
La France et la Grande-Bretagne sont à l'avant-garde de ce qu'on appelle la "coalition des volontaires". C'est un groupe de plus de 30 pays qui participeront au suivi du futur accord de paix entre la Russie et l'Ukraine. Seuls quelques-uns des participants à la coalition envisagent la possibilité d'y déployer leurs troupes. Cette idée continue de se heurter à une série d'obstacles, et aucun des pays ne se sent assez fort pour s'ingérer dans le conflit avant que le Kremlin ne signe un accord de cessez-le-feu. La majorité attend une intervention des États-Unis sous une forme ou une autre.
Paris et Londres insistent sur le fait que l'arrêt des hostilités est une condition nécessaire ; par ailleurs, le président français Emmanuel Macron, qui a le premier avancé cette idée, a déclaré que les troupes européennes seraient déployées en Ukraine seulement dans des "endroits stratégiquement importants" et non le long de la ligne de contact avec la Russie.
Après la rencontre à la Maison Blanche, seul le Premier ministre estonien a confirmé la disposition de son pays à "apporter une contribution avec ses unités".
Même des pays comme l'Italie et l'Allemagne semblent moins enclins à rejoindre la coalition. "L'idée d'envoyer des troupes n'est pas très bien élaborée. Je ne pense pas que le parlement allemand y consentira", a déclaré André Härtel, chef du bureau de Bruxelles et expert de la Russie représentant l'Institut allemand des relations internationales et de la sécurité.
L'Allemagne a fait référence à plusieurs reprises au manque de soldats et a déclaré qu'elle avait déjà des difficultés à remplir ses obligations actuelles envers l'Otan.
L'Italie a proposé d'assurer les garanties de sécurité de l'Ukraine sous forme de création d'une alliance défensive de type Otan, qui inclurait les États-Unis ; cependant, il ne serait pas nécessaire de déployer des troupes sur le territoire ukrainien, et les alliés ne devraient pas être parties aux hostilités.
L'idée consiste à avancer une disposition sur les garanties de sécurité collective qui n'entreront en vigueur qu'en cas de nouvelle invasion russe. "Grâce à cela, Poutine considérerait ces garanties de sécurité comme plus acceptables", a déclaré aux médias italiens le vice-ministre de l'Intérieur Giovanbattista Fazzolari.
Selon les experts, le déploiement d'instructeurs en Ukraine en tant que force de garantie de la sécurité, surtout avec le soutien d'un contingent américain, pourrait devenir une solution plus acceptable pour les gouvernements européens.
"Déployer quelques centaines ou même 1.000 soldats, c'est une chose, mais contrôler la ligne de contact, c'est tout à fait autre chose. Pour cela, il faudrait plus de 100.000 soldats, mais personne en Europe ne dispose d'un tel nombre de militaires. Même les Français et les Britanniques ont modéré leurs désirs : au lieu de contrôler la ligne de cessez-le-feu, ils veulent maintenant que leurs troupes se trouvent simplement quelque part à l'arrière sur le territoire ukrainien juste pour inspirer confiance aux Ukrainiens", a déclaré Härtel.
Alexandre Lemoine
Les opinions exprimées par les analystes ne peuvent être considérées comme émanant des éditeurs du portail. Elles n'engagent que la responsabilité des auteurs
Abonnez-vous à notre chaîne Telegram : https://t.me/observateur_continental
Source : https://observateur-continental.fr/?module=articles&action=view&id=7192
https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/ukraine-la-faussete-du-principe-262833