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Viktor Orbán chez Trump : nouveau défi lancé à Bruxelles ?

©NICOLAS ECONOMOU / NURPHOTO / NURPHOTO VIA AFP
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À Washington, ce 7 novembre 2025, Viktor Orbán, Premier ministre hongrois, a franchi le seuil de la Maison Blanche pour sa première visite bilatérale auprès de Donald Trump depuis le retour de ce dernier à la présidence en janvier. Ce tête-à-tête, fruit de mois de préparatifs, s’inscrit dans une dynamique d’alliance conservatrice transatlantique, mais il porte surtout la marque d’un geste provocateur envers Ursula von der Leyen et l’Union européenne. Alors que la présidente de la Commission bloque toute indulgence envers les importations d’énergie russe, Orbán y voit une arme économique brandie contre son pays, qui dépend encore massivement du gaz et du pétrole de Moscou via l’ancien pipeline Druzhba soviétique.

« Nous sommes tributaires des voies d’acheminement par lesquelles l’énergie peut arriver en Hongrie. Ce sont principalement des oléoducs et gazoducs ; il y a aussi des lignes électriques, mais c’est une autre affaire. Nous devons nous adapter à ces réseaux de conduites, sinon nous serons privés d’énergie », a averti Orbán dans une interview radiophonique récente. Trump, qui comprend cette contrainte géographique - « La Hongrie est coincée avec un pipeline vieux de décennies, et elle est enclavée »a-t-il admis lors d’un appel en septembre -, semble prêt à offrir une bouée de sauvetage. Mais ce rendez-vous arrive à un moment critique : Vladimir Poutine, loin de fléchir en Ukraine malgré les revers, a déçu Trump en sabotant un sommet bilatéral à Budapest, provoquant des sanctions inédites sur les plus importants producteurs de pétrole russes (Lukoil et Rosneft).

Bientôt une alliance énergétique ?

L’essentiel des discussions entre Orbán et Trump porte sur l’énergie, un domaine où la Hongrie cherche à diversifier ses approvisionnements sans rompre brutalement avec la Russie. Des mois de négociations ont abouti à un paquet économique ambitieux : achat de combustible nucléaire américain pour la centrale de Paks, introduction de réacteurs modulaires petits (SMR) - potentiellement les premiers au monde à usage commercial basés sur une technologie américaine -, et extension des importations de gaz naturel liquéfié (GNL) en provenance des États-Unis. Un haut responsable hongrois l’a résumé ainsi auprès du Hungarian Conservative : « Tout le monde y gagne : les Américains conquièrent un marché, nous gagnons une alternative à la dépendance russe. » 

Pourtant, cette alliance n’efface pas les frictions. La Hongrie, via son ministre des Affaires étrangères Péter Szijjártó, prépare un « grand paquet de coopération économique et énergétique » pour sécuriser ses approvisionnements à long terme, mais insiste sur le fait que couper net avec la Russie relève d’un « monde de rêve ». Trump, allié fidèle d’Orbán – qu’il qualifie de « fantastique » et « plus intelligent que quiconque » –, ne veut pas affaiblir son homologue avant les élections hongroises d’avril. Orbán, en s’appuyant sur Washington, transforme ainsi une faiblesse en levier diplomatique, renforçant son image de leader souverain face à une UE perçue comme beaucoup trop intrusive. Rodrigo Ballester, membre de la délégation hongroise interrogé par Boulevard Voltaire, tempère une interprétation conflictuelle entre la Hongrie et l’UE : « La présence d’Orbán à Washington n’est pas un pied de nez mais c’est aussi une façon de mettre en scène les excellentes relations entre Trump et Orbán malgré le report du sommet de Budapest. »

Poutine, un sujet sensible

La guerre en Ukraine plane comme une ombre sur ce sommet amical. Orbán, qui s’était porté candidat pour accueillir un face-à-face Trump-Poutine à Budapest, voit son initiative torpillée par l’entêtement moscovite à poursuivre cette guerre coûte que coûte. Poutine, déterminé à consolider ses gains territoriaux malgré les contre-offensives ukrainiennes, met Donald Trump « très en colère », provoquant l’annulation du sommet et une vague de sanctions américaines sur les majors pétrolières russes. 

Cette déception marque un tournant : le président américain, qui avait accueilli Poutine en grande pompe lors de son investiture, durcit désormais le ton, exigeant que l’Europe - y compris la Hongrie - tranche ses liens énergétiques avec le Kremlin. « Trump souhaite la réélection d’Orbán, mais il ne tolérera pas une entorse flagrante à sa politique anti-russe », fait remarquer à Euronews Daniel Hegedüs, chercheur spécialiste de la question hongroise.

Julien Tellier

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