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"J'irai danser sur vos cendres" : l'indigne fête.

Revolte-paysanne

Les paysages de l’Aude ont été dévastés par les incendies cet été, et cela a aussi entraîné la destruction de nombreux vignobles qui ne seront pas remplacés avant de nombreuses années. Les spécialistes expliquent aussi que les 16.000 hectares ravagés par le feu constituent la plus grande catastrophe de ce genre en France depuis la fin des années 1940. De nombreuses habitations ont été carbonisées, des animaux brûlés vifs, une femme morte chez elle… Les cendres sont encore chaudes, et les larmes des populations locales n’ont pas eu le temps de sécher que, pourtant et déjà, quelques fêtards ont décidé de danser là où les flammes ont noirci les terres et tout à côté, là où quelques terrains ont juste été frôlés par l’incendie : une attitude irrespectueuse encore plus qu’irresponsable, et qui scandalise autant qu’elle interroge.

Le scandale tient dans l’irrespect et dans l’absence de compassion des envahisseurs fêtards à l’égard de ceux qui ont tout perdu et qui, pourtant, cherchent déjà à ressemer, à replanter, à reconstruire. Au lieu de venir pour aider à déblayer ou à redonner vie aux terres, ces personnes viennent juste pour… danser ! Au lieu de la solidarité, elles prennent le parti de l’égoïsme ludique, en bons individualistes nihilistes qu’elles semblent être. Quand la colère saisit les victimes de l’incendie, les envahisseurs opposent leur « droit à la fête » (sic) et rétorquent aussi que, de toute façon, il n’y a plus rien à détruire, preuve d’un effroyable cynisme de ceux qui profitent sans fonder. Je sais que nombre d’habitués de ce genre d’événements sont aussi mécontents de l’image déplorable que ces fêtards venus dans l’Aude donnent à toute leur communauté festive, conscients aussi que ces excès peuvent leur nuire dans les mois et années à venir. J’ai toujours considéré que ces fêtes pouvaient trouver leur place dans des friches industrielles mais qu’elles étaient périlleuses pour les milieux naturels et ruraux, autant pour les sites eux-mêmes que pour leur biodiversité, fort malmenée par les véhicules autant que par la puissance des sons issus des murs du même nom…

Mais cet événement interroge aussi sur l’État et son impuissance à contrer l’installation en force de ces envahisseurs souvent issus (souvent mais pas toujours…) des classes bourgeoises urbaines les plus libertaires au sens fort peu politique du terme : la simple verbalisation des contrevenants n’a pas grand effet, ceux-ci considérant que cela entre dans la liste des frais liés à la fête… Un État qui ne sait plus faire respecter les droits du pays réel face à ceux du monde festif (homo festivus, aurait dit Philippe Muray) est condamné à n’être plus obéi du tout et laisse la porte ouverte à des réactions populaires qui peuvent être terribles. La démission de l’État n’est jamais un bon signal pour l’avenir : or, là encore, la République s’avoue incapable de réagir aux abus des envahisseurs fêtards. Symbole de sa déliquescence ? Sans doute… La République, ce « désordre établi » qu’évoquait Emmanuel Mounier dans les années trente, ressemble de plus en plus au pouvoir d’un Créon impuissant. Là encore, face à cette légalité défaillante, il est temps de repenser la légitimité, celle d’Antigone et non celle de l’homo festivus et de sa société distractionnaire qui défont la société quand il faudrait, aujourd’hui encore plus qu’hier, refonder, refaire société : « l’homme est société », disait le maurrassien Henri Massis, et quand les hommes oublient cette règle simple, ils sont condamnés à vivre le désordre et l’injustice qui ne sont rien d’autre que la féodalité des plus forts, des plus violents.

Le respect dû aux vivants et à leur douleur devant la destruction de leur patrimoine, de leur travail, de leur terroir, doit s’imposer à tous : quand nous nous inclinons devant eux, les envahisseurs les piétinent. La réaction est alors légitime, et cette révolte du pays réel devant l’indécente injustice représentée par cette fête indigne ne peut que nous inspirer et, sans doute, en appeler à une véritable refondation sociale et civilisationnelle : Français, nous sommes, nous formons aussi une civilisation qui mérite d’être défendue. La légitime colère des vignerons de l’Aude en annonce d’autres : il nous faudra les entendre, et les faire entendre à une République devenue sourde et impotente…

https://jpchauvin.typepad.fr/jeanphilippe_chauvin/2025/09/jirai-danser-sur-vos-cendres-lindigne-f%C3%AAte.html

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