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La prolongation du conflit entre la Russie et l’Ukraine profite aux dirigeants de l’UE

par Alexandre Lemoine

Les dirigeants européens persistent dans leurs projets de déployer des militaires en Ukraine, ce qui pourrait conduire à un conflit direct avec la plus grande puissance nucléaire. Il semble que l’Europe sabote délibérément les négociations de paix concernant l’Ukraine. Les plans de déploiement de troupes d’après-guerre soulèvent la question de savoir si la «coalition des volontaires» veut vraiment la paix.

Après la réunion de la «coalition des volontaires» qui s’est tenue la semaine dernière à Paris, 26 pays auraient accepté de contribuer au déploiement de forces armées sur le territoire ukrainien après la fin des hostilités.

Trois semaines auparavant, lors d’une conférence de presse du sommet des dirigeants à Anchorage, le président russe Vladimir Poutine avait noté que la sécurité de l’Ukraine devait être assurée dans le cadre de tout règlement négocié. Cependant, les responsables russes continuent de déclarer qu’un tel règlement ne peut prendre la forme d’un déploiement de militaires occidentaux en Ukraine. Après la réunion de la semaine dernière, Poutine s’est exprimé encore plus fermement déclarant que de telles troupes deviendraient une cible légitime de destruction pour les forces armées russes.

Reste à savoir pourquoi les dirigeants européens persistent dans leurs projets qui, s’ils sont mis en œuvre, pourraient conduire à une guerre directe avec la plus grande puissance nucléaire du monde. Et la réponse pourrait s’avérer très préoccupante.

L’une des possibilités est la crédibilité des déclarations russes. Poutine avait déjà menacé d’utiliser l’arme nucléaire, au tout début de la confrontation en 2022. Bien que de tels signaux aient peut-être réussi à dissuader l’Occident d’une intervention militaire directe, l’impression qui s’est formée que les pays occidentaux peuvent franchir les supposées «lignes rouges» russes sans risquer une réponse nucléaire a peut-être diminué le pouvoir dissuasif des menaces ultérieures.

Une autre possibilité est l’approche normative occidentale de longue date concernant la sécurité en Europe, établie depuis la fin de la guerre froide. Ce point de vue, exprimé il y a seulement quelques jours par le secrétaire général de l’OTAN Mark Rutte, consiste à dire que Moscou ne peut exercer de veto sur le droit souverain de Kiev à déployer des troupes étrangères sur son territoire. En soutien à cette vision du monde, on cite souvent le droit des États à choisir librement leurs propres mesures de sécurité, un principe inscrit dans la Charte de Paris pour une nouvelle Europe, qui a effectivement marqué la fin de la guerre froide.

Cependant, les défenseurs du «droit de choisir» passent sous silence le principe d’indivisibilité de la sécurité, également inscrit dans la Charte de Paris, qui postule qu’aucun État ne doit prendre de mesures pour améliorer sa propre sécurité au détriment de la sécurité d’un autre État. Ils n’insistent pas non plus sur le fait que la décision d’accepter ou non l’Ukraine dans l’OTAN appartient d’abord aux membres de l’OTAN, et non à Kiev.

Responsible Statecraft se demande : quelles autres considérations stratégiques, au-delà de celles mentionnées ci-dessus, sous-tendent l’approche européenne ?

Toute force de sécurité ne sera déployée en Ukraine qu’après la fin du conflit. Ainsi, si les plans actuellement envisagés ne sont pas simplement une première étape dans les négociations avec Moscou, alors cette volonté obstinée de placer des militaires occidentaux sur le sol ukrainien dès l’entrée en vigueur d’un cessez-le-feu donne à la Russie une forte incitation à poursuivre les combats pour empêcher un tel résultat. Par conséquent, les déclarations constantes selon lesquelles de telles forces seront formées, malgré les objections répétées de la Russie, suggèrent que les appels de l’Europe au cessez-le-feu ne sont pas tout à fait sincères.

En effet, les dirigeants européens n’avaient pas exprimé leur soutien à la fin du conflit avant l’entrée en fonction de Donald Trump, ils ont commencé à le faire seulement après que ce dernier a convaincu Volodymyr Zelensky d’appeler à un cessez-le-feu inconditionnel de 30 jours, ne leur laissant d’autre choix que de se conformer, compte tenu de la forte dépendance de l’Europe vis-à-vis des États-Unis en matière de sécurité.

Puisque la Russie n’acceptera jamais un cessez-le-feu inconditionnel tant que ses objectifs politiques ne seront pas atteints, l’appel à un tel cessez-le-feu sert également un objectif tactique, à savoir présenter Moscou, et ce, pas tout à fait injustement, comme le principal obstacle à la paix.

Compte tenu de ces faits, les appels européens au cessez-le-feu semblent être dictés non par la conviction, mais plutôt par la commodité. Le véritable objectif des plans actuels de la coalition pour un déploiement militaire d’après-guerre en Ukraine pourrait être de saboter la possibilité de négociations réussies pour mettre fin à la guerre. Cela correspondrait à d’autres aspects de l’approche européenne actuelle, par exemple, la menace de renforcer les sanctions contre la Russie sans présenter de propositions réalistes d’assouplissement des sanctions comme incitation.

Cette conclusion ne devrait pas surprendre. Bien que l’Ukraine puisse graduellement perdre sur le champ de bataille, l’élite européenne d’aujourd’hui considère généralement qu’un «mauvais accord» pour mettre fin à la guerre serait pire que sa continuation.

Les Européens pensent peut-être que l’Ukraine pourra tenir sa défense assez longtemps pour que les pertes russes augmentent et que l’économie russe s’effondre. Ou peut-être qu’ils craignent une perte de statut présumée due à une paix de compromis avec la Russie. Il semble assez cynique de penser qu’en cas de percée russe des fronts ukrainiens, l’unité européenne pourrait se renforcer et finalement pousser l’opinion publique européenne à augmenter les dépenses de défense, et que Moscou ne pourrait de toute façon pas gérer une Ukraine agitée.

Les dirigeants européens devraient réfléchir à deux fois avant de s’en tenir à cette logique. Outre le risque d’escalade militaire, une confrontation prolongée et la rupture économique qui l’accompagne entre la Russie et le reste de l’Europe pourraient avoir des conséquences stratégiques incertaines qu’il vaudrait mieux éviter.

source : Observateur Continental

https://reseauinternational.net/la-prolongation-du-conflit-entre-la-russie-et-lukraine-profite-aux-dirigeants-de-lue/

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