La décentralisation comme priorité dans le marasme politico-financier actuel ?
« Je souhaite présenter un grand acte de décentralisation, de clarification et de liberté locale au Parlement. [...] Il faut que l’on définisse ce qu’on attend de l’État, au moment où les attentes seront de plus en plus fortes, notamment sur le régalien », a ainsi déclaré le nouveau Premier ministre. Tout cela est très beau, mais l'histoire de la décentralisation montre qu'elle ne peut s'effectuer que par un gouvernement et une majorité solides, comme ce fut le cas sous de Gaulle, en 1992 avec les lois Defferre ou encore en 2003 avec loi constitutionnelle et loi organique sous le gouvernement Raffarin. Ces choses-là se font en général avec des majorités absolues et au début d'un nouveau mandat présidentiel (1982, 2003). Autre condition : ces lois nécessitaient d'importants transferts financiers. Lecornu ne dispose d'aucun de ces leviers indispensables à un nouvel acte décentralisateur. On voit mal comment il pourrait porter des lois de décentralisation sans majorité, sans l'assurance du soutien des élus locaux, déjà ulcérés par les baisses de dotation, et à quelques mois d'élections municipales et peut-être de législatives anticipées... Ou il rêve. Ou il nous enfume. Ou il a un autre calcul.
Pour réduire les dépenses ?
Réduire les dépenses de l'État, bien sûr ! « Le mille-feuille administratif a parfois conduit à une dilution des responsabilités et à des surcoûts. [...] Les administrations doivent être sous l’autorité directe soit des ministres, soit des préfets, soit d’un élu local. Faisons simple », précise Sébastien Lecornu, qui pense qu’à « la sortie du Grand Débat, on aurait dû renverser la table en disant que le moment était venu de repenser l’organisation de l’État ». On en revient au même point : comment le macronisme étriqué et moribond de 2025 parviendrait-il à réaliser ce qu'il n'a pas fait à ses débuts flamboyants ? Si sa décentralisation revient à fusionner ou supprimer des doublons, des agences, tout le monde est pour ! Et le mieux serait de sortir la tronçonneuse, pas une énième consultation, puisqu'il prévoit de consulter « tout le monde, citoyens compris » (c'est gentil de penser à consulter les citoyens !), sans expliquer comment...
Se défausser sur les collectivités ?
Mais, à la tête d'un État en quasi-faillite, et en tout cas à la note dégradée depuis deux jours, Lecornu n'a peut-être pas d'autre idée que de refiler une partie du déficit et des dépenses aux collectivités locales (communes, départements, régions). C'est d'ailleurs ce qui s'est régulièrement passé, ces dernières décennies : l'État leur a demandé d'assumer une part croissante de missions sans revaloriser les dotations afférentes. On cite souvent l'exemple de l'aide à l'enfance, confiée aux départements et dont le coût a explosé sous l'afflux des migrants mineurs non accompagnés. Pire : l'État les a privées de ressources fiscales qui auraient pu leur permettre d'assumer ces nouvelles charges ! N'est-ce pas Emmanuel Macron qui a supprimé la taxe d'habitation, qui manque aujourd'hui cruellement aux communes, comme le rappelait Georges Michel ? En fait, Lecornu fait son gentil, pour son premier tour de piste : une maison médicale pour tous à moins de 30 kilomètres de chez soi, pas de suppression des deux jours fériés, une tentative de séduction des élus locaux. On devrait y avoir droit encore une semaine ou deux. Mais à un moment, il faudra bien rentrer dans le dur des coupes dans les dépenses et du vote du budget. Les pendules de l'Élysée et de Matignon ont bien été remontées par notre maître des horloges. Pour quelques semaines, seulement.