Roman Joch est directeur exécutif du think tank conservateur tchèque Civic Institute. Nous nous sommes entretenus avec lui au sujet des récentes élections législatives en République tchèque et de la victoire de l’ancien Premier ministre Andrej Babiš. Le parti patriotique et souverainiste ANO de Babiš devrait former un gouvernement avec deux forces de droite, le parti anti-immigration Liberté et démocratie directe (SPD) et le parti anti-Bruxelles Automobilistes pour eux-mêmes.
Notre confrère l’a interviewé pour The European Conservative, traduction par nos soins.
Quelles sont les principales raisons de la victoire d’Andrej Babiš ?
Roman Joch : La principale raison est que de nombreuses personnes étaient mécontentes de la politique intérieure du Premier ministre Petr Fiala. Elles le considéraient comme éloigné des besoins et des préoccupations de la population, trop élitiste dans son comportement, trop aristocratique dans son attitude. Beaucoup craignaient qu’il veuille devenir un leader international important au détriment des intérêts des citoyens tchèques.
De plus, en raison de l’agression russe contre l’Ukraine et de la hausse des prix de l’énergie, il a rompu sa promesse de ne pas augmenter les impôts. En conséquence, les gens de gauche le considéraient comme trop élitiste et indifférent aux citoyens ordinaires, tandis que les gens de droite le voyaient comme trop gauchiste en raison des augmentations d’impôts. Certains le soutenaient, mais très peu le faisaient avec enthousiasme.
Andrej Babiš, en revanche, s’est présenté comme plus sympathique et plus proche du peuple. Il a passé une grande partie de son temps à voyager à travers le pays, à discuter avec les citoyens plutôt qu’à siéger au parlement, et à promettre qu’il n’augmenterait pas les impôts, mais qu’il les percevrait plutôt à partir d’autres sources.
La deuxième raison était l’émergence d’un nouveau parti, Motorists for Themselves (Les automobilistes pour eux-mêmes), un petit parti libéral classique ou libertarien situé à droite de Fiala. Ils étaient tellement mécontents du Premier ministre qu’ils ont décidé de soutenir Babiš. Le succès de ce nouveau parti a fait pencher la balance du pouvoir au Parlement de manière décisive en faveur de Babiš.
Fiala était-il donc trop concentré sur la politique internationale au détriment des questions nationales ?
Roman Joch : Il nierait cela, mais c’était la perception du public. La plupart des citoyens partageaient ce sentiment.
Et quelles étaient les principales questions nationales qui mécontentaient les gens ?
Roman Joch : La hausse des prix de l’énergie et du coût de la vie en général. Fiala et Babiš s’accordent sur deux points : le pacte migratoire de l’UE doit être révisé (nous devons refuser la redistribution des migrants illégaux) et le Pacte vert européen doit être reconsidéré car il détruit l’économie tchèque. Mais pendant les quatre années de mandat de Fiala, l’inflation et les coûts énergétiques étaient trop élevés, et les gens estimaient qu’il ne faisait pas assez pour y remédier.
Il semblait également que Fiala, en raison de ses partenaires de coalition pro-UE, ne faisait rien pour s’opposer à Bruxelles.
Roman Joch : Exactement. Le parti de Fiala, les Démocrates civiques, est eurosceptique, mais ses partenaires de coalition étaient europhiles. Le gouvernement ne s’est donc opposé à presque rien au niveau européen. Babiš a promis d’adopter une position plus ferme.
Quelles seront les priorités de son nouveau gouvernement ?
Roman Joch : Il sera plus assertif au niveau européen, plus généreux dans les dépenses intérieures et promettra de plafonner les prix de l’énergie. Il prévoit également de réintroduire l’enregistrement électronique des transactions afin d’améliorer le recouvrement des impôts.
Pensez-vous qu’il sera vraiment en mesure de s’opposer au pacte migratoire et au Green Deal de l’UE ?
Roman Joch : Il l’a promis, mais je reste sceptique. Concernant le Green Deal, il pourrait essayer de renégocier certains aspects avec l’Allemagne ou d’autres pays d’Europe centrale partageant les mêmes idées, car l’industrie allemande sait que cela lui nuit. Cependant, un pays seul ne peut pas changer grand-chose.
Mais il a désormais des alliés en la personne de Viktor Orbán en Hongrie et de Robert Fico en Slovaquie, qui s’opposent tous deux aux politiques néfastes de l’UE.
Roman Joch : Oui, mais cela ne suffit pas, et il y a un autre facteur qui complique les choses : Babiš aime se présenter comme anti-Bruxelles au niveau national, mais il apprécie également d’être vu en compagnie de dirigeants tels que Macron et Scholz, et d’être perçu par eux comme un bon Européen. Il devra finalement décider s’il veut se rapprocher davantage d’Orbán ou rester plus proche des dirigeants d’Europe occidentale. Il ne peut pas jouer ce jeu trop longtemps.
Mais le fait que son parti, ANO, ait quitté l’année dernière le groupe libéral Renew d’Emmanuel Macron au Parlement européen et se soit associé au Fidesz de Viktor Orbán dans le groupe Patriots for Europe doit avoir une signification, non ?
Oui, cela indique un changement. Je suis d’accord avec cela.
Un autre changement est que dans son précédent gouvernement, les partenaires de coalition de l’ANO étaient les sociaux-démocrates, tandis que les communistes lui apportaient un soutien parlementaire externe. Cette fois-ci, il gouvernera avec deux partis de droite, tous deux très opposés à l’UE.
Roman Joch : L’un de ces partis, le SPD dirigé par Tomio Okamura, a même proposé un référendum sur la sortie de l’UE et de l’OTAN, mais Babiš a refusé. Cependant, sa coalition avec deux partis de droite signifie clairement qu’il sera plus radical dans son opposition à Bruxelles qu’il ne l’était lors de son premier mandat.
Quels sont les objectifs de ces partenaires de coalition ?
Roman Joch : Tous trois s’accordent pour mettre fin au financement des ONG de gauche libérale. C’est une position qu’ils partagent tous. Mais il faut comprendre que Babiš est avant tout pragmatique. Ce n’est pas quelqu’un de très idéologique. Il préfère suivre des politiques de bon sens, qui sont populaires auprès des électeurs. Ainsi, si l’opinion des électeurs évolue, il se déplacera lui aussi un peu dans cette direction.
Peut-on le qualifier de populiste ?
Roman Joch : Dans son approche des électeurs, certainement oui. Dans son style de gestion, je le qualifierais de technocrate, un technocrate pragmatique.
Et quelle sera, selon vous, la position du gouvernement sur l’Ukraine ?
Roman Joch : Il maintiendra son soutien diplomatique, mais réduira son aide financière et militaire. Il pourrait même mettre un terme à l’initiative tchèque de financement occidental des munitions, dans le cadre de laquelle les diplomates tchèques ont obtenu des armes de pays du tiers monde pour l’Ukraine. Il a qualifié ce programme de contre-productif. Sur le plan diplomatique, il maintiendra le cap, mais dans la pratique, il limitera les efforts de la République tchèque en faveur de l’Ukraine.
Pensez-vous qu’il jouera un rôle plus actif dans la politique internationale ?
Roman Joch : Je ne pense pas. Selon lui, les Tchèques sont plutôt isolationnistes, égocentriques et ne s’intéressent pas beaucoup aux affaires internationales. Il estime que Petr Fiala a commis une erreur en consacrant trop de temps aux questions internationales. Cela s’est retourné contre lui, les électeurs n’ont pas apprécié.
Pouvons-nous nous attendre à une coopération plus forte entre l’Europe centrale et Orbán et Fico ?
Roman Joch : Oui, sans aucun doute. Il sera plus amical que son prédécesseur envers Fico et Orbán, et s’éloignera de la proximité de Fiala avec la Pologne.
Illustration : VOX España, CC0, via Wikimedia Commons
[cc] Article relu et corrigé (orthographe, syntaxe) par ChatGPT.
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