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Le Japon crée son premier ministère de l’Immigration pour contrôler les flux

Capture d'écran
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Dans un virage à droite assumé, le Japon s’équipe pour la première fois d’un poste ministériel spécifiquement chargé des étrangers, sous la houlette du nouveau Premier ministre conservateur Sanae Takaichi, élu le 21 octobre dernier. Nommée ministre d’État chargé de la « société de coexistence ordonnée avec les étrangers », Kimi Onoda, 42 ans, née aux États-Unis d’un père américain et d’une mère japonaise, aura pour mission de coordonner les politiques migratoires. L’instauration de ce nouveau ministère vise à répondre aux préoccupations nées de l’augmentation du nombre d’étrangers, qui représentent environ 3 % de la population japonaise - dont la population a augmenté de 10 % au cours de la seule année 2024. Face à un pays vieillissant - près de 30 % de la population a plus de 65 ans -, l’immigration est vue comme une nécessité, mais strictement encadrée. Le nouveau Premier ministre refuse catégoriquement d’ouvrir les vannes de l’immigration de travail, de résidence ou de tourisme, comme il l’a affirmé, peu après son élection. Ce ministère incarne donc une philosophie claire : accueillir ceux qui respectent les règles, sanctionner ceux qui ne s’y conforment pas. 

Une fermeté conservatrice face au déclin démographique

Le Japon, au pouvoir quasi ininterrompu du Parti libéral-démocrate depuis 1955, opte pour une immigration sélective, privilégiant des programmes temporaires de travailleurs choisis. Dans son discours de politique générale, le Premier ministre a promis de « revoir à partir de zéro » les politiques d’immigration pour mettre fin aux « abus du système par certains étrangers ». Des réformes récentes illustrent cette fermeté : restriction de la conversion des permis de conduire étrangers - seuls les résidents de long terme y auront droit, avec un examen écrit passant de dix à cinquante questions -, contrôle accru sur les acquisitions immobilières par des étrangers, notamment l’interdiction d’achat de terrains agricoles pour les visas temporaires, et lien plus strict entre renouvellement de visas et régularité fiscale. Ces mesures, réunies sous le terme de « coexistence ordonnée », traduisent le refus des Japonais d’une immigration incontrôlée, préservant ainsi une identité nationale millénaire menacée par le déclin démographique.

Kimi Onoda, ancienne directrice de campagne de Takaichi, actuellement chargée des incidents liés aux étrangers (criminalité, nuisances), a pour mission de passer en revue les systèmes existants : visas, permis de tous types, biens immobiliers. L’objectif ? Resserrer les règles jugées trop permissives en s'adaptant aux « situations actuelles ». Pour Yuka, militante tokyoïte du Parti libéral-démocrate contactée par Boulevard Voltaire, cette initiative est un jalon qui correspond aux attentes du peuple nippon : « C’est un signe fort pour le Japon, c’est une manière de rejoindre le grand courant conservateur qui souffle partout, que ce soit aux États-Unis ou en Europe ».

Leçon française : le fiasco du ministère Sarkozy

En France, la seule expérience d’un tel ministère, sous Nicolas Sarkozy en 2007, s’est soldée par un échec retentissant, ouvrant les vannes d’une immigration massive au lieu de les verrouiller. Créé pour durcir les expulsions et contrôler les flux, ce ministère, tenu à sa création par Brice Hortefeux, puis Éric Besson, ancien socialiste, a fait tout l’inverse. Le nombre de nouvelles entrées sur le territoire national n’a fait qu'augmenter, passant de 234.000 en 2006 à 278.000 à la fin du mandat Sarkozy. À l’époque, ce dernier promettait une « immigration choisie », mais les résultats ont été inverses : de son arrivée au pouvoir à son départ de l’Élysée, son mandat aura vu le nombre d’entrées nouvelles croître de près de 20 %.

Ce précédent alerte : un ministère dédié peut devenir un cheval de Troie si l’idéologie n’est pas assez ferme. Au Japon, la tendance semble être tout autre - l’héritage historique faisant son œuvre. Le pouvoir en place opte pour une approche souverainiste et pragmatique qui doit répondre aux préoccupations populaires : protéger l’identité japonaise plutôt que de la diluer. « Le fait de créer un ministère de l’Immigration est vraiment une très bonne chose, car l’immigration est devenue l’un des sujets de préoccupation majeure pour les Japonais », ajoute Yuka, soulignant la volonté majoritaire des Japonais de préserver la cohésion de l’archipel face à la mondialisation.

Julien Tellier

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