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Djihadisme, mineurs radicalisés, attentats : quand la démographie devient un fait de guerre

islamisme

Le Figaro publie sous la plume de Jean Chichizola un article glacé comme un rapport d’état major, où les chiffres tombent un à un, 51 enquêtes antiterroristes pour djihadisme ouvertes par le Parquet national en 2025, soit en moyenne une par semaine, après 67 en 2024, 98 en 2019, 86 en 2020. Près de 90 % des procédures concernent l’islamisme, le reste se partage entre une ultra droite très surveillée et quelques dossiers d’État étranger. C’est un tableau précis, inquiet, honnête dans l’ensemble. Il lui manque pourtant l’essentiel, la variable que notre époque ne veut plus voir, la démographie.

On nous parle de projets déjoués, de gilets explosifs saisis à temps, de lycéens de 17 ans rêvant de frapper des bâtiments publics parisiens, de trois jeunes femmes de 18 à 21 ans arrêtées avant de passer à l’acte. On nous dit que, cette année encore, la France a connu trois attentats islamistes, deux mortels, et que, dans l’ombre de ces coups d’éclat, un « bruit de fond judiciaire » d’apologies, de menaces, de délits d’inspiration islamiste continue de gronder, du forum de jeux vidéo où un jeune de 21 ans écrit qu’il veut « faire péter tous les Blancs » jusqu’au drapeau de l’État islamique accroché dans une mosquée le 13 novembre.

Ce sont des symptômes, non des causes. Le Figaro fait son travail, il décrit la fièvre. Il laisse à d’autres le soin de parler de l’épidémie. Jünger rappelait que les batailles ne sont jamais que la surface visible de mouvements plus profonds, tectoniques. Ici, la plaque qui bouge n’est pas seulement religieuse ou idéologique, elle est démographique.

Chaque année en France, le nombre d’adolescents de culture ou de confession musulmane augmente. Les prénoms des registres scolaires le disent plus sûrement que les discours. Une partie d’entre eux grandit dans un double sentiment d’aliénation. Ils se vivent comme rejetés par un monde européen, sécularisé, chrétien de culture, qui les regarde avec suspicion. Ils se sentent simultanément sommés d’adhérer à des normes qui heurtent l’éducation reçue à la maison. De ce tiraillement naît souvent une crise d’identité ordinaire, banale, qui se résout par un compromis, parfois par une intégration sincère. Chez d’autres, le malaise se fossilise en ressentiment, en haine froide, et l’islamisme offre alors un récit, un vocabulaire, une explication globale, comme le marxisme en son temps pour certains jeunes ouvriers.

Le Parquet antiterroriste constate, impuissant, ce rajeunissement de la menace, 20 mineurs mis en examen pour djihadisme au 27 novembre 2025, contre 2 seulement en 2022, près de 130 mineurs interpellés depuis 2023 pour des faits en lien avec cette mouvance. Une fillette de 13 ans, à peine sortie de l’enfance, envisage de viser une synagogue ou une mosquée chiite. Des garçons de 16 ou 17 ans rêvent d’attaques au couteau contre des chrétiens, contre des policiers, contre n’importe quel symbole à leur portée. Le système judiciaire s’affole, la presse s’émeut, les ministres promettent de « ne rien laisser passer », alors que tout est déjà passé, dans les berceaux d’hier.

On s’interroge sur les filières, les prédicateurs, les réseaux sociaux, les vidéos de propagande qui séduisent ces jeunes esprits, comme si l’on cherchait la source d’un fleuve dans le dessin de ses méandres. La vérité est simple, presque brutale, elle tient en une loi d’airain, chaque année, le réservoir de jeunes musulmans augmente, chaque année, une fraction, même infime, de ce réservoir bascule dans une hostilité radicale à l’ordre français, et cette fraction suffit largement à alimenter une enquête antiterroriste par semaine, quelques attentats, des dizaines de projets déjoués, et surtout une atmosphère de peur diffuse qui s’accroche aux synagogues, aux églises, aux écoles.

Un détail, dans cet article, mérite pourtant attention, la cible juive. On y lit qu’une adolescente voulait frapper une synagogue, que deux garçons de 16 ans, dont un Tchétchène, visaient « la communauté juive ». Depuis des années, le thermomètre de la violence islamiste en Europe se lit d’abord sur le fronton des synagogues, sur le corps des enfants en kippa, sur les chiffres de l’aliyah. Les Juifs, comme si souvent dans l’histoire, sont les premiers avertis, les premiers touchés, les premiers à comprendre que quelque chose a changé dans la ville, dans la rue, dans le regard du voisin.

Il serait confortable d’en conclure que le problème se limite à eux, qu’il suffit d’entourer les écoles juives de CRS, de condamner avec force « l’antisémitisme » pour conjurer la montée d’une hostilité plus large. Ce serait une erreur tragique. Les chrétiens sont déjà sur la liste, ils y figurent de facto. Un enseignant catholique à Arras, un prêtre dans son église, des fidèles attaqués à Lyon, la liste s’allonge discrètement. L’article évoque un Franco Algérien de 17 ans qui voulait frapper Notre Dame, une boîte de nuit ou un concert de rap, mélange révélateur d’obsessions religieuses et de détestation d’un mode de vie tout entier.

Car, après les Juifs et les chrétiens, c’est tout ce qui, en France, vit en porte à faux avec la charia qui se trouve, potentiel, dans le viseur, les artistes jugés blasphémateurs, les couples non mariés, les femmes qui refusent le voile, les buveurs de bière en terrasse, les homosexuels que certains milieux islamistes n’acceptent d’épargner que dans les hashtags d’intersectionnalité. Ceux là commencent à mesurer l’ampleur du paradoxe, comment concilier une solidarité automatique avec « les opprimés » musulmans, et la connaissance intime du sort que leur réserverait un ordre islamique appliqué à la lettre.

La démographie féminine rebat pourtant partiellement les cartes. Les filles musulmanes, surtout en ville, s’intègrent souvent plus vite que leurs frères. L’école, l’université, le monde du travail, leur offrent des espaces de protection relative où elles respirent mieux que dans certains appartements surpeuplés. Elles trouvent parfois dans la laïcité française une alliée, dans le droit, une cuirasse, dans la mixité, un répit. Beaucoup adoptent des codes vestimentaires, des manières d’être, qui les rapprochent de leurs camarades françaises d’origine européenne. Leur présence dans les filières d’excellence, dans la fonction publique, dans les professions de santé, en atteste.

Cette réussite partielle nourrit en retour le ressentiment d’une partie des garçons, qui voient leurs sœurs, leurs cousines, s’émanciper dans un monde dont ils se sentent exclus. La loi d’airain reprend ses droits, plus il y a de jeunes hommes convaincus d’être des perdants dans le système français, plus la tentation d’un islamisme compensatoire augmente, réhabilitant la virilité blessée en héroïsme sacrificiel. Les services antiterroristes peuvent multiplier les fichiers, les surveillances, les interpellations, ils agissent sur les flammèches, non sur l’entrepôt d’essence.

On objectera que tout cela n’a rien d’inéluctable, qu’il existe des conversions heureuses, des quartiers apaisés, des mosquées paisibles, des imams qui prêchent la concorde. C’est vrai. Il existe aussi des milliers de jeunes hommes qui, nés musulmans, ne deviendront jamais ni salafistes ni djihadistes, qui aimeront le football, le bricolage, la France et peut être même le vin. La démographie n’est pas un destin individuel, elle est une contrainte collective. Elle ne dit pas qui frappera, elle dit que, statistiquement, quelqu’un frappera.

Dans une chronique précédente, en commentant un papier de Mediapart obsédé par les risques de « radicalisation d’ultradroite », j’avais déjà noté ce déséquilibre, presque indécent, entre la masse de dossiers islamistes et la poignée de procédures visant des groupuscules blancs exaltés. Le Figaro le rappelle, sur l’année 2025, cinq enquêtes seulement ont été ouvertes pour ultra droite radicale, contre des dizaines pour le djihadisme, et près de 90 % de l’ensemble des dossiers terroristes relèvent de l’islam. L’ennemi principal est là, non dans les fantasmes commodes d’une extrême droite fantomatique.

Reste la question que nul n’ose formuler jusqu’au bout, comment en est on arrivé là. Répondre par les seules fautes de la politique de la ville, par l’insuffisance des budgets d’intégration, par la ségrégation urbaine, c’est faire semblant de croire que la France serait un pays fermé, soudainement surpris par l’irruption d’une population nouvelle. Les flux migratoires sont connus, documentés, revendiqués parfois. Des responsables politiques, des hauts fonctionnaires, des universitaires, ont théorisé l’ouverture des frontières, la nécessité d’« accueillir l’autre », la promesse d’un enrichissement mutuel, en sachant que l’écrasante majorité des entrants provenait de sociétés islamisées, souvent jeunes, toujours patriarcales.

Un jour viendra, je ne sais ni quand ni comment, où l’on regardera en arrière cette période comme on regarde aujourd’hui les années trente. On voudra comprendre qui savait, qui se taisait, qui encourageait et qui mettait en garde. On dressera la liste de ceux qui, par calcul idéologique ou intérêt de parti, ont contribué à transformer le vieux pays catholique et rationaliste en terrain d’expérience pour la cohabitation entre charia implicite et droit républicain. On pèsera leur responsabilité.

J’ignore si ce sera un tribunal, une commission d’historiens, un Nuremberg symbolique de l’ère migratoire. Je sais en revanche que les chiffres du Parquet antiterroriste, les noms des victimes, les trajectoires des mineurs radicalisés, les prénoms des auteurs, tout cela restera, massé dans les archives, à la disposition de ceux qui voudront juger à froid ce que nous n’osons plus voir à chaud. La démographie, elle, aura continué de dicter sa loi d’airain, silencieuse, implacable, indifférente aux éditoriaux comme aux émotions.

Balbino Katz
Chroniqueur des vents et des marées
balbino.katz@pm.me.

Illustration : DR
[cc] Article relu et corrigé (orthographe, syntaxe) par ChatGPT.

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