« Inacceptable », mais accepté...
Dans la tribune réservée aux spectateurs, des femmes mais aussi des fillettes recouvertes d’un voile islamique, , appartenant apparemment à un groupe scolaire, assistaient à cette séance. Après coup, la présidente de l’Assemblée nationale s’en est émue dans un message sur X : « Au cœur même de l’hémicycle de l’Assemblée nationale, où a en particulier été votée la loi sur la laïcité à l’école, il me paraît inacceptable que de jeunes enfants puissent porter des signes religieux ostensibles dans les tribunes. » « Inacceptable », mais accepté puisque ce groupe a pu accéder sans difficulté, visiblement et ostensiblement, au « saint des saints » de notre République laïque qu’est l’Hémicycle. Une première qui ne se reproduira pas, a prévenu la présidente qui va sans doute remettre de l’ordre dans sa maison. C'est sans doute ce qu'elle a fait après que des syndicats de gauche avaient organisé une manifestation dans l’enceinte du Palais Bourbon pour empêcher nos confrères de Frontières de faire leur métier… « Nous n’avions pas été confrontés à cette situation par le passé. J’ai appelé chacun à une extrême vigilance pour que cela ne se reproduise pas. C’est une question de cohérence républicaine. », a ajouté dans son tweet Mme Braun-Pivet. C’est comme tout, il faut bien une première fois.
« Cohérence républicaine » ? Il fallait s’y attendre, LFI, dans une cohérence toute autre qu’on vous laissera deviner, a réagi ipso facto à cette réaction de la locatrice du perchoir, notamment par le truchement d’un tweet de Sarah Legrain, députée de Paris, plus précisément de la XVIe circonscription de Paris recouvrant une grande partie du XIXe arrondissement. « Je rêve où [NDLR : pardon pour la faute d’orthographe, elle n’est pas de nous mais de l’"autrice" du message] la Présidente de l’Assemblée nationale est en train de réagir à une polémique infâme lancée par le média d’extrême droite Frontières [NDLR : Frontières a posté une photo de la tribune] et de confirmer que de jeunes femmes musulmanes ne seraient pas les bienvenues pour assister aux débats publics ? ».
Et si ça avait été des bonnes soeurs et des curés ?
Très intéressant ce message. D’abord, on voit que la politique fait des miracles : de « jeunes enfants » deviennent, comme ça, d'un coup de baguette magique idéologique, des « jeunes femmes ». Cela mériterait de creuser le sujet. Ensuite, c’est clair, c’est officiel, on arrête de tourner autour du pot : le voile est bien un signe ostensible religieux puisque la députée LFI « essentialise », comme on dit aujourd’hui, ces personnes, en les qualifiant de « musulmanes ». Cela va permettre de gagner un temps fou sur les débats sans fin et parfois filandreux sur le sujet. Merci infiniment à Mme Legrain.
Outre la réaction de Sarah Legrain, celle d’un autre député LFI - en l'occurrence Idir Boumertit, élu à Vénissieux dans la banlieue de Lyon - mérite qu’on s’y arrête quelques instants. Réagissant au tweet sur cette affaire du député Identités Libertés, apparenté au groupe RN, Eddy Castermann, ce député LFI a posté : « Parce que la démocratie, c’est la souveraineté du peuple. Et le peuple français est aussi de toutes les religions ». Très intéressant, là aussi, cette leçon de laïcité à la sauce LFI. Imaginons, maintenant, juste un instant, que des gamins d’une école catholique hors contrat, dans leur petit uniforme impeccable, soient venus dans les même conditions à l’Assemblée, encadrés par des bonnes sœurs voilées et des curés en soutane. Juste un instant, imaginons…
Faut pas s'étonner...
On ne ratiocinera pas ici – car, au fond, ce n’est pas le sujet – sur les éventuelles failles du règlement intérieur de l’Assemblée nationale qui avait pu être excipées, on s’en souvient, lors de l’audition de la vice-présidente de l’Unef Maryam Pougetoux. La dame s’était présentée en 2020 voilée devant les députés. Le sujet est, pour ceux qui n’avaient pas encore tout à fait compris, que La France insoumise, très clairement, est le parti de la communautarisation de notre pays et qu'il a choisi sa communauté. Et, plus largement encore, le sujet, que soulève cette photographie tellement symbolique, n’est pas d’ordre réglementaire, ni même législatif, car, finalement, les règlements et les lois ne font, trop souvent, que courir derrière les événements. Le sujet est d'ordre existentiel car il tourne encore et toujours autour de la vieille maxime : « À Rome, fais comme les Romains ». Mais que voulez-vous, quand on voit qu’un Laurent Nunez, ministre de la République, ose dire, devant la représentation nationale, qu’il est mal à l’aise avec la notion d’assimilation, pourtant inscrite dans le Code civil, et qu’il préfère celle d’intégration, on se dit qu’il ne faut pas s’étonner que l’on vienne tester, provoquer ces fameuses valeurs de la Républiques au sein même de « l'enceinte sacrée » qu’est supposé être l’Hémicycle.