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Ce ne sont que des mots !

Par Morgan Cordier

Voilà une expression bien méprisante envers cette petite chose qu’est le « mot », qui est pourtant au cœur de notre être et de notre pouvoir. Le « mot » veut, car il décrit la réalité et nos pensées, il a le pouvoir d’exprimer notre rationalité et notre perception. Son utilité est indiscutable, l’humanité en son absence serait bâillonnée. Cet être inestimable vaut bien l’atome dans la matière, une brique tirée du réel pour l’édification de notre pensée. L’antithèse philosophique rattrapera inévitablement mon propos en posant comme axiome que la pensée préexiste au verbe. Mais que le mot soit une origine ou une fin, il est au cœur de l’échange humain, cette tour de Babel qui a besoin de définitions communes pour contrer son émiettement. Or, la diversité devient enrichissante à condition d’évoluer dans un langage régulé, au risque de n’être qu’un principe errant.

Un fond commun est nécessaire pour l’échange et faire briller le mot de tous ses sens. Le tiraillement des diversités de l’homme le pousse à toujours plus d’entropie, asséchant son esprit en l’isolant des autres. Les cadres érigés sont les bienfaits de la rationalité. Les mots ne peuvent pas n’être que des mots ou bien ils n’auraient plus de raison d’exister. Cette existence, les mots la doivent à leur histoire car on ne crée pas un langage ex nihilo – l’esperanto n’a toujours pas détrôné la moindre langue humaine –, toutes apparues de manière très pragmatique, par l’usage et l’échange. C’est véritablement faire la guerre aux mots que de les utiliser en fonction de ce que l’on veut leur faire dire ou de ne pas en maîtriser leur histoire. Même après avoir évolué, le mot garde son essence, la maîtrise de son étymon révélera infailliblement la clairvoyance du propos juste induisant toujours une meilleure compréhension.

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Prenons par exemple deux mots aussi communs que « république » et « absolutisme » que l’on connaît depuis notre scolarité, qui sont pourtant bien mal utilisés. Sans déborder d’érudition, il est à portée de tous de se référer, à tout moment, à l’origine des mots. Leur naissance conditionne leur sens. Ce n’est même pas une méthode, ce n’est qu’un réflexe vital, il faut connaître leur composition pour les utiliser.

Concernant le mot république, chacun en connaît l’articulation mais rejette immédiatement sa composition après l’avoir disséqué, dans une attitude désinvolte mais consciente d’afficher son savoir, alors qu’il mérite pourtant de s’y attarder. Oui, il s’agit bien de la res publica. Pas un système de gouvernement mais le but même de la politique, celui de la gestion du commun qui sous-entend le bien commun. La république est bien l’intérêt pour la communauté. La démocratie n’est que l’un des trois moyens pour y parvenir avec l’aristocratie et la royauté, auxquels on peut ajouter le quatrième qui serait la mixité de ces trois éléments. Les démagogues se sont arrogé le droit de parler seuls de la république. Or, toute personne ayant pour objectif la bonne gestion de la société est un bon républicain. Bienvenue aux aristocrates sincères et aux bons rois sous le palladium de la république. Concernant le terme « absolutisme », comme beaucoup le présentent, c’est un « vilain » mot. Sa laideur vient de son suffixe « isme » puisqu’« absolu » reste attaché à une quête spirituelle de perfection à classer plutôt dans la catégorie positive – « isme » n’est pourtant qu’une déclinaison grecque à l’origine qui ne permet pas de jugement moral. Reste alors « absolu » qui nous vient du latin absolutus, signifiant parfait, abouti, sans lien, détaché, qui existe par soi-même, sans dépendance, il exprime la souveraineté, ce qui n’implique pas une domination de type maître à esclave. Les rois français, souverains, exerçaient l’autorité légitime, sans entraves, mais à l’intérieur de leurs prérogatives délimitées par les lois fondamentales et toutes les coutumes du royaume. L’autorité du roi absolu est pleine dans les frontières déterminées par l’Esprit français. L’absolutisme n’est donc pas synonyme de tyrannie. L’historiographie a d’ailleurs redressé cette extrapolation en substituant à ce terme dévoyé celui de monarchie « administrative ». Louis XIV a bien été un roi ayant fait progresser son administration aux dépends des libertés locales, mais tout en restant dans le giron de la république car il souhaitait rationaliser son royaume pour une plus grande efficacité de sa politique, pour le bien de ses peuples.

Le retour à l’essence des mots est salvateur pour la pensée honnête qui ne veut pas se laisser leurrer par les utilisateurs inconscients, ou malveillants, de l’une des plus belles inventions de l’humanité : le mot.

(Illustration : Jupiter et Mnémosyne par Marco Liberi, XVIIe siècle. Mnémosyne est la fille de Gaïa et d’Ouranos. La Titanide Mnémosyne (du grec Μνημοσυνη) est la déesse de la mémoire. Elle passait pour avoir inventé les mots et le langage. C’est elle qui a donné un nom à chaque chose rendant ainsi possible la possibilité de s’exprimer)

https://www.actionfrancaise.net/2025/11/13/ce-ne-sont-que-des-mots/

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