
Il est un paradoxe français dont on peine encore à mesurer la profondeur : ce pays, jadis si sourcilleux de ses libertés, accepte désormais qu’une nébuleuse d’associations militantes s’érige en nouveau magistère moral, surveillant, sermonnant, admonestant l’État lui-même au nom d’un progressisme devenu dogme officiel. Une étrange inversion des rôles : l’État financé par les contribuables se voit rappelé à l’ordre… par des organismes également financés par les contribuables.
Dans le cas récemment évoqué — où plusieurs associations se félicitent d’avoir fait condamner l’État pour « retard » dans l’application d’un programme éducatif — s’exprime parfaitement cette captation idéologique. On ne parle plus ici de solidarité, de santé publique ni même de lutte contre les discriminations, mais d’une ambition autrement plus intrusive : façonner la société selon les normes d’un militantisme hyper progressiste, impatient d’imposer à l’école des programmes où l’initiation précoce aux questions identitaires, sexuelles ou sociétales tient lieu de nouvel horizon pédagogique.
La confusion savamment entretenue entre instruction et rééducation sociale
On peut tout reprocher à l’école sauf de trop enseigner. Ce qui lui manque, ce sont les fondamentaux : le goût de l’effort, la maîtrise de la langue, la rigueur du raisonnement, l’exigence. Mais au lieu de redresser ces piliers, on préfère substituer à l’instruction une forme d’endoctrinement doux, présenté comme progrès indiscutable.
Pendant des siècles — et jusqu’à une période très récente — la distinction était claire :
- L’État instruisait.
- La famille éduquait.
Dans ce partage des rôles, chacun trouvait sa place. C’est en brouillant cette frontière que s’installe l’ère de la « ré ingénierie sociale », portée par des groupes dont la représentation réelle dans la population reste infime mais dont l’influence sur les politiques publiques est démesurée.
La tentation d’un magistère idéologique permanent
Le citoyen observe avec sidération l’assurance avec laquelle certaines associations parlent au nom de « la société ». Leur vision engagée — parfaitement légitime dans le débat public — se transforme soudain en norme obligatoire dès qu’elles obtiennent une oreille complaisante dans certaines administrations ou juridictions.
Le pluralisme ? Relégué.
La prudence pédagogique ? Écartée.
La liberté des familles ? Considérée comme un archaïsme dont il faudrait protéger l’enfant.
Le tout chapeauté par la tyrannie des minorités agissantes.
Ainsi se constitue un progressisme de commande, un nouveau pouvoir qui n’a pas reçu de mandat démocratique, mais qui oriente pourtant des pans entiers de l’action publique.
La société sous tutelle morale
Ce qui se joue ici dépasse largement un programme scolaire ou une querelle institutionnelle. C’est la volonté d’imposer une vision du monde unique, où la contestation devient soupçonnable, où les réticences sont pathologisées, où la complexité du réel doit céder la place au récit militant.
L’État, qui devrait rester arbitre et garant de la neutralité scolaire, devient instrument docile d’un agenda idéologique extérieur à sa mission première. Et le contribuable finance ainsi deux fois sa propre mise sous tutelle : par l’État qui applique, et par les associations qui exigent.
Retrouver la raison
Il ne s’agit pas d’interdire ni de censurer : il s’agit de rappeler un principe simple, presque oublié dans le tumulte contemporain :
L’école n’a pas vocation à modeler les consciences mais à former les esprits.
Le reste appartient aux familles, aux citoyens, au libre débat.
L’heure est venue de restaurer cette frontière que le progressisme militant rêve de dissoudre.
Jean-Jacques Fifre
https://ripostelaique.com/le-nouvel-et-nuisible-empire-moral-des-associations.html