Six centimes en plus sur le litre de carburant
Comme l’explique sur son site 40 millions d’automobilistes, « on assiste à la montée en puissance du dispositif des Certificats d’économie d’énergie (CEE), dont l’enveloppe annuelle passera de 6 à 8 milliards d’euros, conformément à un décret publié en octobre 2025 ». Un vocable « économie d’énergie » qu’il convient, comme toujours lorsqu’il tinte comme une mesure écologique, d’entendre comme une justification à une imposition nouvelle. Les CEE, c’est un système basé sur le principe du « fournisseur payeur » qui contraint les fournisseurs d’énergie – en l’occurrence, ici, de carburants fossiles pour véhicules - à financer des actions d'économies d'énergie. Louable et vertueux principe sur le papier, donc. Sauf que les fournisseurs répercutent ensuite les montants sur leurs clients par augmentation mécanique des tarifs à la pompe. 40 millions d’automobilistes précise que « les CEE représentent un surcoût d'environ 11 centimes par litre à la pompe, soit une charge annuelle moyenne de 76 euros par automobiliste. » Or, avec la réforme des CEE prévue en 2026, « cette contribution atteindra 16 à 17 centimes par litre ». Cinq à six centimes de plus par litre de carburant en moyenne, dont l’essentiel sera plus ou moins rapidement répercuté sur le prix à payer par les automobilistes.
Pour le délégué général de 40 millions d’automobilistes, Pierre Chasseray, contacté par BV, « on nous dit que c'est de l'écologie, comme toujours. Mais il ne faut pas se leurrer. L'écologie, c'est de la taxe. » Envoyé faire le service après-vente de cette hausse annoncée, le ministre en charge de l’Industrie, Sébastien Martin, a tout d’abord prétexté que les six centimes d’augmentation restent inférieurs, par exemple, aux sept centimes de baisse récente du prix du sans-plomb 95. Le ministre se garde bien d’évoquer l’évolution de ce prix sur les années Hollande puis Macron, durant lesquelles la part des taxes dans le coût des carburants n’a cessé d’augmenter.
De l’éolien à la bagnole, les ravages des éco-punisseurs
Et comme le note le site 01net, si « les taxes "classiques" sur le carburant n’ont pas bougé depuis la crise des gilets jaunes, une mécanique bien plus discrète s’est mise en marche en coulisses » avec le système des CEE. Mais au fait, que va financer cette nouvelle hausse des taxes sur les carburants ? Pour un gouvernement qui refuse de rompre avec une idéologie écologique punitive, les « salauds pollueurs » utilisateurs de voitures thermiques doivent payer la transition vers le tout électrique automobile, comme la facture d’une électricité essentiellement nucléaire doit financer l’éolien. Or, l’automobile électrique se vend peu et la part de l’électrique dans les ventes plafonne à 20-25 %. Pour espérer faire décoller les ventes, le gouvernement table sur un « bonus à l'achat du véhicule électrique » encore plus convaincant, que la hausse des CEE sur les carburants fossiles va donc financer, nous explique Pierre Chasseray. Progressif en fonction des revenus du bénéficiaire, le bonus électrique va passer de 4.200 à 5.700 euros maximum en 2026, et un bonus additionnel de 2.000 euros sera proposé si la batterie du véhicule est de fabrication européenne.
Voilà qui paraît alléchant au premier abord, mais pour Pierre Chasseray, on est en réalité là dans l’incohérence la plus totale, puisque le véhicule électrique ne concerne qu’une minorité « de foyers qui ont déjà au moins un véhicule et qui ont la capacité financière d’en avoir encore un de plus ». En définitive, cela veut dire que l’on impose aux moins aisés « un malus à l'achat de leur véhicule thermique, puis de nouvelles taxes (CEE) », et, conclut-il, tout cela permet de « financer le véhicule électrique que les plus aisés vont s’offrir avec des aides. Alors là, moi, j'en perds mon latin. »
Taxe électrique au kilomètre : il fallait y penser
Mais ce n’est pas tout. « Au Mondial de l’automobile de 2012, c’était le début du grand rêve électrique et on nous vendait un paradis à terme 100 % électrique », se rappelle Pierre Chasseray. « Mais en regardant la fiscalité des carburants de l’époque, je voyais qu’elle rapportait environ 40 milliards d'euros par an, c'est-à-dire la moitié de l'impôt sur le revenu. » Passer au 100 % électrique, « ce serait alors passer au zéro carburant et, donc, au zéro taxe. Un manque à gagner inimaginable », et c’est pourquoi, comme les Suisses et maintenant les Anglais, nous devons nous attendre à la prochaine instauration « d’une taxation de la voiture électrique », prévient Pierre Chasseray. Or, taxer plus fortement l’électricité pénaliserait tous les Français consommateurs d'électricité et pas seulement les automobilistes. L’idée s’avère si impopulaire que le gouvernement Lecornu, après avoir voulu augmenter la part de taxe dans nos factures électriques (voir notre récent entretien avec le spécialiste Fabien Bouglé), envisage maintenant de la baisser en la compensant par une hausse des taxes sur le gaz. Si le gouvernement ne peut donc pas taxer l’automobile électrique via son énergie, il lui faut le faire autrement. « On a vendu des voitures électriques en expliquant aux gens qu’il n’y avait pas de taxes, que ce serait moins cher », rappelle le délégué général de 40 millions d’automobilistes. « Mais on va bientôt les taxer au kilomètre parcouru, en le justifiant par le fait que plus ils roulent, plus il est juste qu’ils payent. » Mais en faisant cela, « on pénalise une fois encore ceux qui ont besoin de rouler le plus, ceux des campagnes. Cette France périphérique largement paupérisée, qui paye aujourd’hui pour les urbains aisés via les CEE sur l’essence et le diesel, et qui paiera demain la taxe au kilomètre sur l’électrique qu’on veut lui imposer contre son gré. »
Le génie fiscal de l’État se déploie une fois encore, et c’est toujours Nicolas qui paie… Nicolas modeste et Nicolas des campagnes en priorité !