
Les principaux pays de l’UE ont agité la menace de la guerre avec la Russie pour tenter d’unir leurs forces. Mais, aujourd’hui, c’est l’inverse qui se produit. Des tensions apparaissent entre ces partenaires, comme l’Allemagne, la France et maintenant la Pologne, le nouveau joueur dans l’UE.
Les dirigeants allemands rivalisent depuis longtemps avec les Français en faisant des prédictions sur la date d’un affrontement militaire avec la Russie. Récemment, le ministre allemand de la Défense, Boris Pistorius, a averti, selon la première chaîne de télévision allemande ARD, que la Russie pourrait être capable d'attaquer le territoire de l'OTAN d'ici 2029. En 2024, il avait évoqué « une possible attaque dans cinq à huit ans ».
Pour Pistorius, l’Allemagne doit « assurer la dissuasion pour empêcher toute escalade ». C'était la première fois qu'un représentant du gouvernement allemand lançait un avertissement aussi catégorique concernant une possible guerre entre la Russie et l'OTAN, en précisant un calendrier concret. « Depuis, cet avertissement a été réitéré à plusieurs reprises par des représentants de la Bundeswehr, comme l'inspecteur général Carsten Breuer : Vladimir Poutine serait capable de lancer une attaque contre le territoire de l'OTAN d'ici 2029 », souligne la ARD. « Ceux qui veulent tuer doivent pouvoir mourir », titre Die Zeit.
Depuis le départ de la chancelière Angela Merkel, l'Allemagne s'est engagée résolument sur la voie de la militarisation. L’actuel chancelier allemand, Friedrich Merz, augmente les dépenses de défense et, bien entendu, soutient activement l'armée ukrainienne. Naturellement, cela engendre des coûts importants, surtout compte tenu des exigences américaines d'accroître les dépenses de défense au sein de l'OTAN.
La Pologne, également, avertit, selon WNP, sur une guerre directe avec la Russie dans le même délai. « Selon des renseignements provenant de pays de l'UE et d'Ukraine, la Russie se prépare à une guerre à grande échelle d'ici 3 à 4 ans », a déclaré Donald Tusk, le Premier ministre polonais, tout en utilisant des sources allemandes.
Selon L’Express, ce délai, répété en boucle par les politiques et les médias des pays de l’UE, a été diffusé le 13 octobre dernier par le président du Service fédéral de renseignement allemand.
La même argumentation est construite du côté français. Médias, politiques, influenceurs bombardent les populations de cette rhétorique pour leur faire accepter cette guerre et les sacrifices financiers et humains.
Du côté français, le chef d'état-major français des armées (CEMA), le général Fabien Mandon a déclaré, le 22 d’octobre dernier, « l’armée française doit être prête à un choc dans trois, quatre ans » face à la Russie.
Mais les alliés de l'Allemagne s'opposent à sa militarisation. Elle mène des visées militaires et elle a pour objectif de posséder l’armée la plus puissante en Europe. Depuis des années, des observateurs constatent que Berlin a des ambitions de puissance et pas seulement dans l'armée. « Le réarmement de l’Allemagne bouleverse l’équilibre des puissances en Europe », titre Politico qui précise : « Alors que Berlin redevient la première puissance militaire européenne, Paris et Varsovie sont confrontées à un bouleversement politique majeur ».
Les conflits entre Berlin et Paris et Berlin et Varsovie éclatent au grand jour. Le moteur franco-allemand est un mythe. La presse allemande n’a jamais employé ce slogan. « L'Allemagne a refusé la demande d'indemnisation de la Pologne pour les dommages subis lors de la Seconde Guerre mondiale », a fait savoir Europe 1. Varsovie a réclamé le préjudice à 1.300 milliards d'euros.
En 2023, Observateur Continental rapportait que « la Lituanie a donné son feu vert à l’Allemagne pour déployer une brigade de la Bundeswehr sur son sol pour renforcer le potentiel militaire de l'OTAN près des frontières avec la Russie ». Euronews souligne : « La brigade [qui est installée dans une caserne allemande permanente], [à seulement 30 km au sud de Vilnius et à moins de 30 kilomètres de la frontière avec le Bélarus], comprendra des bataillons d'infanterie et de chars et elle devrait être pleinement opérationnelle d'ici 2027 ». De facto, la nouvelle Allemagne - nous sommes loin de l’époque de la RFA - occupe de nouveau son ancien territoire du Reich. Et la Pologne s’inquiète de cette évolution. En France, les élites continuent de vanter le moteur franco-allemand.
Politico plante le décor : « Alors que l'Allemagne ambitionne de devenir la première puissance militaire européenne, l'équilibre politique se modifie. En France, la lutte pour conserver son influence est intense, tandis qu'en Pologne, le réarmement allemand ravive de vieilles rancœurs et fait naître l'idée qu'une alliance Berlin-Varsovie serait le moyen le plus efficace de contenir la Russie ». « L'Allemagne, dotée de la plus grande armée d'Europe et équipée de chars, de missiles et d'avions de combat de pointe, est bien loin de la Bundeswehr désorganisée, moquée pour son faible moral et son matériel obsolète. Cette puissance militaire est indissociable d'un poids politique et économique considérable, et l'Europe devra s'adapter à une Allemagne dominante », constate le média politique anglophone.
« Un responsable de l'UE a qualifié l'évolution du potentiel militaire allemand de tellurique, voire de bouleversante », note Politico qui cite un autre diplomate qui exprime plus directement son analyse : « C'est l'événement le plus important qui se déroule actuellement au niveau de l'UE ». Le média politique anglophone constate que le moteur franco-allemand est une attrape : « Le gouvernement prévoit de s'appuyer fortement sur les cadres nationaux, notamment une nouvelle loi sur les marchés publics qui recourra systématiquement à l'article 346 du traité de l'UE. Cette clause permet aux pays de déroger aux règles de concurrence de l'UE afin de privilégier les marchés nationaux ».
« Ce changement se fait sentir jusqu'à Paris, où le réarmement de l'Allemagne est perçu avec un mélange de scepticisme et d'inquiétude » ; « Malgré les efforts déployés depuis 2017 par le président français Emmanuel Macron pour améliorer les relations franco-allemandes, la méfiance envers Berlin reste profondément ancrée dans les milieux de la défense français » ; « À Varsovie, les vieux souvenirs ont la vie dure, qu'il s'agisse de ceux de la [Seconde Guerre mondiale] ou de la politique de codépendance économique avec la Russie menée par l'ancienne chancelière Angela Merkel », conclut Politico.
L’Allemagne fait de nouveau peur en Europe et elle inquiète même d’autres membres de l’UE et de l’OTAN.
Philippe Rosenthal
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