culture et histoire - Page 1237
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Alexis de Tocqueville (De la démocratie en Amérique) | Au cœur de l’histoire | Europe 1
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1429 : La légitimité confirmée
Le royaume échappait à Charles VII. La France était livrée aux grands félons, à l'Université, au haut-clergé, tous ralliés à l'occupant. « Tout devait demeurer en l'air, tant qu'il n'y aurait pas un commandement politique affermi... »
Cette année-là, la septième de son règne encore fictif, Charles VII, vingt-six ans, recevait enfin l'onction divine en la cathédrale de Reims, où il entrait accompagné d'une jeune fille qui s'était fait connaître deux mois plus tôt, le 8 mai, en reprenant contre toute attente Orléans aux Anglais. Depuis lors, Charles croyait fermement en la mission divine de Jeanne d'Arc, car seule une envoyée de Dieu pouvait sortir la France du gouffre où elle était tombée sous le règne de son père, le roi dément Charles VI.
Un Anglais roi de France
La France avait même cessé d'exister en 1421, quand la reine Isabeau de Bavière totalement dépassée par les événements, avait signé au nom de son mari hébété le honteux traité de Troyes, acceptant que le roi anglais devînt roi de France !
On assistait là aux conséquences de longues décennies de désordres politiques, intellectuels, moraux et religieux. L'incapacité du roi Charles VI à gouverner avait rendu la situation tout simplement républicaine (voir L'AF 2000 du 1er mai et du 3 juillet 2008) et tous les individualismes s'étaient déchaînés à commencer par ceux des propres parents du roi (frères et neveux de Charles V le Sage). Un parti bourguignon s'était créé autour des ducs de Bourgogne (Philippe le Hardi, Jean Sans Peur, puis Philippe le Bon), qui, unis à l'opulente maison de Flandre, reprenaient le vieux rêve anti-capétien de reconstituer, avec l'aide de l'Angleterre, une Lotharingie reliant les puissances commerciales du Nord européen, d'Allemagne et d'Italie. Contre le parti bourguignon, un parti Armagnac s'était créé. Tout cela sous l'oeil amusé du roi d'Angleterre qui gardait prisonnier le délicieux poète Charles d'Orléans, neveu du roi, et qui rêvait de ne faire de la France qu'une bouchée.
Politique d'abord !
Quand, un an après le traité de Troyes, Charles VI mourut, suivi de peu dans la tombe par Henri V, « roi d'Angleterre et de France » (sic), le jeune Charles était devenu Charles VII, mais son royaume lui échappait, livré aux grands félons, à l'Université, au haut-clergé, tous ralliés à l'occupant qui dévastait les campagnes et maltraitait le petit peuple. Charles n'était plus guère respecté en dehors de la région de Bourges où il résidait chichement avec son épouse Marie d'Anjou, fille de la riche Yolande d'Aragon. Il se croyait toutefois abandonné de tous, et doutait d'être réellement le fils de son père. Tout semblait humainement perdu, tandis qu'à Paris le duc de Bedford s'était emparé du pouvoir au nom de son neveu le « roi d'Angleterre et de France » (sic) Henri VI, orphelin âgé d'un an.
Dieu n'abandonnait pourtant pas la France. Jeanne d'Arc, confiante dans ses Voix célestes, était venue de Domrémy pour en persuader le vrai roi qu'elle appelait encore « gentil dauphin » et qu'elle avait rencontré à Chinon. La suite est connue de tous jusqu'à Orléans, cette dernière poche de résistance française que les Anglais se flattaient déjà d'avoir réduite définitivement. Ici, nouvelle surprise : les militaires, avec un certain bon sens, voulaient d'Orléans courir vers la Manche pour chasser les Anglais. Jeanne dit non. Maurras a expliqué lumineusement pourquoi : « Ses Voix allaient d'accord avec les vues saines de Politique sage qui eussent calculé qu'en définitive l'heureuse aventure du débloquement d'Orléans, accomplie comme elle l'avait été, représentait malgré tout un beau risque et un beau miracle, mais que, pour le reste, il fallait se plier à la Nature des choses. Or, dans cette Nature, tout devait demeurer en l'air, tant qu'il n'y aurait pas un commandement politique affermi. Avant de rien tenter de nouveau, il fallait qu'il n'y eût plus de dauphin, si gentil soit-il, mais bel et bien un Roi, un Roi certain pour tous, un Roi reconnu, acclamé, enfin sacré : le Roi. » Pour Jeanne, Politique d'abord s'accordait dans l'ordre des priorités avec sa devise : Dieu premier servi.
Le souvenir de Jeanne
L'indomptable paysanne sut vaincre les hésitations des poltrons : le 17 juillet 1429, dans Reims que les habitants ornèrent en hâte, Charles VII fut sacré et la foule fit au roi un triomphe : « Noël, Noël ! » Le rétablissement de la légitimité confirmait le pacte de Clovis avec le Ciel ; la mission de Jeanne à la jonction du spirituel et du temporel était accomplie. Comme le dit Marie-Madeleine Martin, « Reims est le signe avec lequel personne n'osera entrer en lutte, l'Oint du Seigneur sera bientôt Charles VII le Victorieux ».
Il allait quand même falloir à ce roi restaurateur et avisé batailler jusqu'en 1435 avant de faire la paix avec son cousin de Bourgogne et jusqu'en 1453, huit ans avant sa mort, pour mettre fin à cette maudite guerre de Cent ans. Il n'abandonna jamais le souvenir de Jeanne, martyre des Anglais : il entreprit sa réhabilitation et anoblit sa famille tandis qu'il exemptait d'impôts les habitants de Domrémy.
Michel Fromentoux L’ACTION FRANÇAISE 2000 du 21 janvier au 3 février 2010
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La philosophie de Heidegger et ses conséquences politiques
Ivan Blot, conférence donnée à l’Institut Iliade
♦ Qu’est-ce que l’Institut Iliade ?
Les citoyens actuels de l’Europe mésestiment le rôle joué par leur civilisation dans l’histoire du monde. Cet effacement mémoriel anticipe l’acceptation d’une disparition collective.
Refusant une telle extinction, l’Institut ILIADE pour la longue mémoire européenne entend œuvrer à l’affirmation de la richesse culturelle de l’Europe et à la réappropriation de leur identité par les Européens.Par cette initiative, nous entendons participer de manière originale, novatrice et la plus décisive possible à un effort plus général – et impérieux : le réveil de la conscience européenne.
1/ La philosophie existentielle
Heidegger est l’héritier du courant des philosophies existentielles qui distinguent la vie (biologique, commune à l’animal et à l’homme) et l’existence. L’homme sait qu’il va mourir et cherche à donner du sens à son existence, pas l’animal. Selon le philosophe français Pascal, l’homme a le choix entre une vie de divertissement (pour oublier la mort) ou une vie religieuse où il est missionné sur terre par Dieu pour participer à l’œuvre de création divine. Pour le Danois Kierkegaard, l’homme a le choix entre une vie tournée vers l’instant fugitif, une vie insérée dans l’histoire, ou une vie tournée vers la perspective de l’éternité. La première, dite « vie esthétique », est une vie de plaisirs égoïstes et irresponsable, un peu animale. La deuxième, dite éthique, consiste à se marier et avoir des enfants, avoir un métier et une vie civique : elle vise à s’inscrire dans le temps historique et est reliée au bien commun, donc à autrui qui n’est plus un simple instrument de satisfaction de l’ego. La troisième vie est la vie religieuse.
Heidegger, lui, distingue la vie authentique, où l’homme assume son être véritable de mortel à la destinée tragique, donc disposée à l’héroïsme pratiqué dans la joie, et la vie inauthentique, où l’homme a une vie dominée par ses instincts chaotiques, vie stérile hors de l’histoire et ponctuée d’Erlebnisse (de sensations vécues purement ludiques). La première est créatrice d’histoire à travers des événements (Ereignisse). L’homme civilisé n’atteint sa plénitude que dans l’authenticité où il sort de l’oubli de l’être
2/ Le monde
Pour Heidegger, parler de l’individu isolé n’a pas de sens. La personne humaine est insérée dans un monde qui donne du sens à l’existence structurée par quatre pôles :
L’honneur
↑
Le Divin ← → la personne
↓
Les racines
Comme dit Heidegger, l’homme n’est pas jeté dans l’absurde mais « missionné » dans l’histoire (dimension ignorée de l’animal), ce qui l’oblige à une certaine « tenue » qui l’élève au-dessus de lui-même, qui le conduit à des exploits à signification historique, même s’ils sont modestes.
D’où vient la mission ? Elle vient des racines qui nous préexistent. La langue, la raison, l’héritage de la civilisation préexistent à notre naissance : on ne les a pas créés. L’homme ne peut donc sans dommages renier son héritage. Une révolution est de ce point de vue une gigantesque perte d’informations et l’homme régresse.
3/ Le Gestell
Heidegger considère que l’Occident à partir de Descartes va évoluer vers un rationalisme abstrait qui va lui faire « oublier son être ». Un « im-monde » va se substituer au monde autour de quatre idoles qui vont étouffer l’héritage civilisationnel. Dieu est remplacé par l’ego qui connaît une boursouflure croissante. La personne et ses qualités sont noyées dans la masse. La technique va remplacer les racines et on assiste à une destruction de la terre. Le ciel de l’idéal est obscurci et l’argent devient la valeur suprême.
C’est le monde dit moderne où l’homme devient « la plus précieuse des matières premières du système ». L’Occident actuel est un tel système que Heidegger appelle « le Gestell », qui est un mécanisme d’arraisonnement utilitaire de l’homme. Celui-ci n’est plus capable de méditer sur lui-même et sur le sens de son existence. Il est balloté par le système techno-économique qui s’impose à lui. Son humanité régresse.
4/ Les régimes politiques
Heidegger distingue trois sortes de Gestell : la société communiste, la société nazie et la société occidentale. Dans les trois cas, l’ego, à commencer par celui du ou des chefs, devient un absolu, en l’absence de la Divinité. Dans les trois cas, le peuple est massifié par la consommation et les moyens de communication de masse.
Dans les trois cas, l’utilitarisme étouffe les valeurs morales de la tradition, au profit de la collectivité ou de l’individu. Les « communautés » traditionnelles sont détruites ou mises au pas. Comme le système doit se justifier, il met en avant des « valeurs » qui vont être utilisées pour combattre l’être. Par exemple, les « valeurs » justifient de laisser son pays envahir par des réfugiés sans limites. Les « valeurs » sont utilisées pour créer une pensée politiquement correcte où la nation est interdite du droit d’autodéfense. Le système des valeurs de « l’im-monde moderne est le suivant :
Egalitarisme
↑
Droits de l’homme ←« valeurs universelles »→ « démocratie »
↓
Progrès utilitariste
Ces valeurs sont des escroqueries : au nom de l’égalitarisme et des droits de l’homme, on s’attaque aux traditions considérées comme discriminantes. C’est ainsi que le droit au mariage homosexuel devient une obligation même si l’opinion publique est contre. La démocratie mise en avant est une farce : en fait, on est en oligarchie. Le « progrès » est aussi mis en avant pour détruire les traditions, c’est-à-dire l’héritage civilisationnel.
Tous les régimes politiques du XXe siècle sont donc analogues métaphysiquement. Cette affirmation a valu à Heidegger de nombreux ennemis.
5/ Le retour à l’être
Ce retour est-il possible afin que l’homme retrouve ce qui fait son humanité, notamment sa dimension héroïque et spirituelle ? Heidegger pense que « l’histoire de l’être » ne dépend pas des volontés humaines. On ne peut qu’accompagner l’événement (Ereignis) qui permet seul le retour à l’être. L’événement est porté par des hommes, bien sûr, mais il ne dépend pas d’eux. Sans la seconde guerre mondiale, De Gaulle n’aurait pas été De Gaulle au regard de l’histoire. Comme il disait lui-même, un grand homme est le produit de circonstances et d’un grand caractère. L’homme ne peut maîtriser le destin. Imaginons que l’attentat commis par le monarchiste Johann Georg Elser à Munich contre Hitler ait réussi (8 novembre 1939), la mémoire de Hitler ne serait pas la même. Il n’y aurait sans doute pas eu de deuxième guerre mondiale et Hitler aurait des statues pour avoir vaincu le chômage et le Traité de Versailles. L’Allemagne n’aurait peut-être pas attaqué l’URSS. Le politiquement correct serait très différent, etc. Tout le destin tenait dans un simple changement d’emploi du temps qui fait que la bombe a explosé 13 minutes trop tard. Hitler est parti plus tôt car le climat interdisait de reprendre son avion, et il devait alors prendre un train.
On voit que l’histoire peut dépendre d’un simple détail. L’action de l’homme a-t-elle alors un sens ? Heidegger répond que oui.
6/ Le « ménagement de l’être »
Pour Heidegger, l’homme doit adopter une attitude susceptible de permettre à l’Ereignis de reconstituer un monde civilisé. L’Ereignis n’est pas prévisible : ainsi, la montée de l’islam terroriste inventé par quelques lettrés en Egypte avant la deuxième guerre mondiale (comme Sayyid Qutb ; 1906-1966) peut changer l’Occident et permettre la chute du Gestell.
Le « ménagement » du monde a quatre aspects : permettre le retour du Divin et l’accueillir. Eclairer le ciel qui a été obscurci par le Gestell (retour du primat de l’honneur sur l’argent, par exemple). Sauver la terre (et l’héritage civilisationnel qui lui est lié). Permettre aux mortels de redevenir des mortels conscients du tragique de l’existence et de ne pas rester de simples « matières premières » du système techno-économique.
7/ L’Ereignis russe
Avec la chute de l’URSS s’est produit un « Ereignis » qui a surpris presque tout le monde. L’effondrement du communisme a permis en Russie un retour progressif au « monde » et aux racines qui lui sont liées. Un penseur russe comme Alexandre Douguine a d’ailleurs écrit un livre sur Heidegger La Possibilité d’une philosophie russe et d’un nouveau commencement. Il imagine un nouveau système politique et social distinct des trois variantes du Gestell du XXe siècle.
C’est une erreur de croire que la Russie aujourd’hui obéit à un régime fondé sur la seule volonté de puissance. C’est le Gestell occidental qui est ainsi et qui ne s’en rend pas compte puisqu’il vit dans l’oubli de son être propre. Le président Poutine a donné des indications sur sa pensée (Védrine fait remarquer que c’est un homme qui médite et lit beaucoup, à la différence des politiciens occidentaux). Il a fait envoyer à ses hauts fonctionnaires pour Noël 2014 trois livres de philosophie à méditer : La Philosophie de l’inégalité, de Nicolas Berdiaev, La Justification du Bien, de Vladimir Soloviev, et Nos missions, d’Ivan Ilyine.
Berdiaev est un philosophe existentiel, comme Heidegger, qu’il cite parfois (rarement). Il considère que l’homme doit vivre dans la liberté pour être créateur, co-responsable de la création avec Dieu selon une conception propre à l’orthodoxie. Soloviev fait une critique du « Gestell » en attaquant l’utilitarisme occidental qui détruit les trois bases de la morale : le sens de l’honneur qui nous distingue des animaux, l’amour des autres jusqu’au sacrifice de soi (héroïsme) et la ferveur à l’égard du Sacré. Ilyine défend les traditions contre l’ensauvagement de l’homme et met parmi celles-ci l’amour de la famille et de la patrie. Il appelle à un Etat fort mais enraciné dans les valeurs traditionnelles de la Russie.
On peut dire de ces trois philosophes qu’ils incitent aux combats suivants :
–Berdiaev défend la liberté créatrice contre l’égalitarisme qui fait des hommes des esclaves ; il appelle l’homme à retrouver le sens de la véritable aristocratie ;
–Soloviev défend la « justice sacrificielle » contre l’utilitarisme, le relativisme et le matérialisme de l’Occident ;
–Ilyine défend le patriotisme, la lignée et l’héritage qui permettent de mener une existence authentique. Il combat le cosmopolitisme et appelle à un Etat fort, avec une composante monarchique au sommet et une composante démocratique à la base (les traditions populaires).
Les trois philosophes sont aussi très religieux, puisant dans la tradition spirituelle de la religion orthodoxe. Ils défendent les trois vertus théologales que sont la foi, l’espérance et la charité : la foi empêchant la trahison ; l’espérance donnant le courage pour éviter la désertion ; et la charité sans laquelle l’homme ne se reproduit plus et ne crée plus (stérilité). Trahison, désertion et stérilité ne sont-elles pas les trois causes de l’autodestruction de l’Occident aujourd’hui ?
Conférence de Ivan Blot, 29/11/2015
Institut Iliade pour la longue mémoire européenne
http://www.polemia.com/la-philosophie-de-heidegger-et-ses-consequences-politiques/
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La transparence : un outil du totalitarisme
Les médias, la presse et toute une mode exigent toujours plus de transparence dans la vie politique. Si le but est d'éviter la malhonnêteté, personne ne peut y trouver à redire. Mais l'exercice a ses limites : si le vote n'était pas secret, beaucoup d'électeurs voteraient différemment en raison de la pression sociale pesant sur eux.
L'individu n'est pas une monade autonome. Il est plongé dans le milieu social et en interaction d'influence avec lui. L'exigence de transparence est celle de tout pouvoir totalitaire. George Orwell avait imaginé une telle société où le pouvoir vous disait : « Big Brother vous regarde ! ».
La propriété privée est un espace de liberté précisément parce que les tiers en sont exclus. Si les médias peuvent pénétrer dans votre propriété et commenter tout ce que vous faites, il est évident que c'est une atteinte à vos libertés.
Tocqueville a bien montré la puissance de l'opinion publique qui contraint tous les citoyens à afficher un grand conformisme.
Dans toute société, quatre obstacles peuvent entraver la liberté d'expression :
la cause matérielle, pour reprendre la terminologie d'Aristote, est le manque de moyens financiers ;
la cause formelle est l'interdiction légale, le régime légal de la censure ;
la cause motrice, ce sont les hommes, pas seulement les censeurs professionnels mais l'opinion publique, plus ou moins conditionnée par le pouvoir dominant ;
la cause finale de l'absence de liberté peut être l'idéologie officielle du régime.
Les deux dernières « causes » de l'absence de liberté peuvent utiliser l'exigence de transparence pour étouffer une pensée non conformiste. Ainsi, le « politiquement correct » dans certaines universités américaines restreint la liberté de parole sur beaucoup de sujets. Selon le système social, chaque cause pèsera d'un poids différent.
En démocratie, c'est l'opinion et l'idéologie dominantes qui peuvent faire obstacle à la liberté d'expression. La loi de censure et les moyens financiers peuvent jouer un rôle mais il est second. Il est difficile d'échapper à cette contrainte. Soljenitsyne s'en est aperçu : en Russie, on lui disait « Tais toi » ! En Occident, on lui dit « Cause toujours » !
Des organisations qui ont pu craindre dans le passé des persécutions comme la franc-maçonnerie ne pratiquent pas la transparence. Car l'opacité est source de pouvoir et d'influence et protège ceux qui agissent. Certains estiment cette pratique critiquable : les magistrats en Grande-Bretagne sont obligés de déclarer leur appartenance à la franc-maçonnerie.
En fait, l'exigence de transparence ne frappe pas tout le monde de la même manière. Elle touche les hommes politiques beaucoup plus que les journalistes ou les chefs d'entreprise, ou la haute administration. C'est sans doute un signe que le pouvoir réel n'est sans doute pas chez les hommes politiques. Exiger la transparence de quelqu'un, c'est réduire ses pouvoirs. Beaucoup de « lobbies » qui influencent le pouvoir politique ne pratiquent pas la transparence mais l'exigent de la part des hommes politiques.
On sait bien que le domaine de la défense nationale est aussi celui du secret légal, sinon l'ennemi pourrait affaiblir le dispositif de défense. Dans ce domaine, la transparence totale de l'Etat pourrait entraîner sa destruction ! Il en est de même pour les secrets technologiques des entreprises. Le secret ne peut pas être exclu de la vie sociale. Le secret de votre code de carte de crédit vous protège des voleurs. Il faut donc un équilibre entre secret et transparence pour qu'une société de liberté puisse réellement exister. Quand tout est secret, le citoyen n'a plus de pouvoirs pour contrôler les dirigeants politiques. Mais si tout est transparent, le citoyen transparent perd alors lui aussi sa liberté. Réclamer toujours plus de transparence peut être une façon de détruire la liberté au nom de la liberté.
Un film a bien montré ce paradoxe. Il s'agit du film allemand « La vie des autres » qui montre comment la police politique de l'Allemagne de l'Est communiste espionnait les citoyens afin d'empêcher toute critique du régime. Lorsque l'Etat veut tout connaître de la vie des autres, il réduit les autres à un statut d'esclave.
Bien entendu, il ne faut pas faire d'angélisme et il est normal qu'un Etat écoute et espionne les grands criminels ou ceux qui préparent des attentats terroristes. Comme dans beaucoup de domaines, la vertu réside dans le juste milieu, comme les philosophes grecs l'ont toujours affirmé. C'est pourquoi la pensée manichéenne est toujours à proscrire. C'est celle des fanatiques. Il y a aussi des fanatiques de la transparence : qu'ils le sachent ou non, comme disait Sartre, qu'ils soient salauds ou naïfs, ils préparent toujours une forme de destruction des libertés.
Yvan BLOT, 19/03/08 -
L’empereur Hadrien | Au cœur de l’histoire | Europe 1
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Perles de Culture n°66 - Mathilde Gibelin présente son ouvrage "Tour d'Europe"