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culture et histoire - Page 1461

  • Lucy n'est pas notre ancêtre commun

    Entretien avec Yves Coppens : «En finir avec Lucy».

    Elle n'est ni la plus vieille femme du monde, ni notre ancêtre direct. Le paléontologue, codécouvreur de l'australopithèque africaine en 1974, règle aujourd'hui son compte au mythe Lucy et décrypte le succès mondial de ce petit bout de femme de 1,10 mètre.

    Quarante ans de paléontologie derrière lui avec un terrain de prédilection ­ l'Afrique de l'Est ­ et une maison prestigieuse pour l'abriter ­ le Collège de France ­Yves Coppens, codécouvreur de Lucy, règle aujourd'hui ses comptes avec sa petite australopithèque de 3 millions d'années. Surgie dans le désert de l'Afar en Ethiopie en 1974, appelée ainsi à cause de la chanson des Beatles Lucy in the Sky with Diamonds que les membres de l'expédition écoutaient, Lucy allait devenir une vedette dans le monde entier. Elle fut identifiée comme Australopithecus afarensis; australopithèque car elle fait partie de ces «préhommes» dont on ne sait pas encore lequel est notre ancêtre direct. Afarensis à cause de la région de l'Afar. A l'occasion de la sortie de son dernier livre le Genou de Lucy (1), le plus médiatique des paléontologues, inventeur et défenseur de l'East Side Story qui fixe le berceau de nos origines en Afrique, à l'est de la Rift Valley (2), prend des distances avec son héroïne. Certes, c'est grâce à son genou qu'Yves Coppens et son équipe ont compris que les préhumains pouvaient être à la fois bipèdes et grimpeurs. Mais non, elle n'est pas la plus vieille, «dès qu'on découvre plus vieux que Lucy, je reçois du courrier: ça y est, elle est battue. Mais elle a toujours été battue». Non, elle n'est pas notre grand-mère, comme le soutiennent les Américains. Par-delà ces points qu'il défend depuis un bon moment, Coppens analyse «l'effet» Lucy en dressant un catalogue des chansons, nouvelles, films écrits en son honneur: «L'effet Lucy m'a dépassé quand il s'est développé en fiction, en dessins, bande dessinée, etc., reconnaît-il. Il n'était pas question de suivre, c'était débridé, Lucy me trompait avec tous les poètes de la terre.» Depuis dix ans, il a accumulé les éléments d'un dossier Lucy, symbole de toute cette histoire. La mise au point tombe à pic au moment où, en Afrique du Sud, un magnifique squelette d'australopithèque, plus vieux et plus complet, est en train d'être dégagé. Il pourrait bien voler la vedette à Lucy d'ici peu. Revue de détail par l'auteur.

    Une grande fille «Lucy n'est pas et n'a jamais été comme l'ont trop claironné les médias, la "plus vieille femme du monde, mais le squelette le moins incomplet d'une préhumaine parmi les plus anciennes. Ce livre est une certaine manière d'en finir avec Lucy. C'est un peu méchant, mais Lucy a été "lancée avec suffisamment de vigueur et d'élan pour avoir atteint son autonomie et pour être aujourd'hui tout à fait indépendante. Et j'ai envie de prendre des distances avec tout ça. Elle est installée dans ce rôle de maman de l'humanité et ça lui va bien mais je ne crois pas du tout qu'elle soit une vraie ancêtre de l'homme. J'avais envie d'écrire un ouvrage de science et d'humeur, d'autant plus que les collègues m'agacent, cela va de soi: ils ne disent pas tout à fait les mêmes choses que moi et au fond, j'ai voulu marquer mon territoire, en expliquant des choses en partie nouvelles.»

    Effet de mode «Son nom, Lucy, a beaucoup joué dans sa célébrité. Mais aussi le fait que ce soit une forme ancestrale, petite, un sujet féminin. Il y avait beaucoup d'australopithèques connus, mais c'était la première fois que l'on trouvait 52 ossements ou fragments d'ossements d'un même individu qui permettaient de tout replacer dans un seul personnage et d'étudier les articulations, notamment la manière dont l'articulation du genou s'accordait avec celle du coude, c'était un ensemble. Quand elle a été reconstituée par deux Suisses qui se sont pris en photo à côté d'elle, ça a beaucoup frappé les esprits parce que 1,10 mètre, ce n'est pas haut. Tout ça était attendrissant, inquiétant, émouvant. Mais il y avait déjà depuis longtemps un intérêt public, presque de mode, pour l'ancienneté de l'homme peut-être dû à une certaine désaffection religieuse ou plutôt une désaffection des croyances de charbonnier. Si les mythes et les religions ne répondent plus aux questions ­ qui est-on, d'où vient-on et où va-t-on?­ il fallait que quelqu'un d'autre y réponde. Et les malheureux scientifiques pas du tout préparés, se sont trouvés projetés dans la peau de prêtres. Je grossis le trait bien sûr. Aujourd'hui, cette origine animale de l'homme rassure. C'est amusant, je raconte toujours que ma grand-mère disait: "Si toi tu descends du singe, moi sûrement pas. C'est une sacrée évolution: cette génération a franchi le pas: elle n'est pas exceptionnelle dans l'histoire de l'univers et donc elle se raccroche à l'histoire de la terre, des étoiles, de la matière.»

    Les Américains «Lucy est partie comme une fusée. L'Amérique a joué un rôle important et notamment National Geographic. Le vieux Louis Leakey (paléontologue britannique, "maître de Coppens) avait accepté de raconter régulièrement dans cette revue l'histoire de ses prospections, de sa recherche. Et la revue a été fidèle à cette tradition. Dans les années 60, la vieille Europe n'était pas encore mûre pour médiatiser la paléontologie. Les savants interrogés étaient réticents, gênés vis-à-vis des pairs, ils freinaient. Lorsque j'ai donné ma première conférence de presse en 1963, la critique était sourde et un grand patron de la géologie a dit: "Il se prend pour de Gaulle, il donne une conférence de presse. Mais j'ai choisi d'y aller: quand la presse m'appelle je suis là et du coup tout m'arrive.»

    Une autre voie «Entre 1974 et 1978, année où on a publié son baptême Australopithecus afarensis, j'ai marché avec les Américains. On considérait sa filiation comme allant directement à l'homme. Mais je n'étais pas très convaincu: Lucy me paraissait suffisamment différente de l'homme pour représenter une autre voie qui n'était pas la nôtre. D'autant plus que les premiers hommes que je mets à 3 millions d'années sont quasiment contemporains de Lucy dans deux modes de vie bien différents. L'un est debout, ne grimpe plus et chasse; l'autre marche, grimpe, mange des fruits, des légumes et un peu de gibier. Avant 1983, pour la démarquer, j'avais appelé Lucy "pré-australopithecus, mais je ne suis pas sûr que ce soit un genre à part. J'ai été suivi par quelques collègues. Don Johanson (l'un des codécouvreurs, américain) pense désormais que Lucy marchait et grimpait alors que pendant longtemps, il a défendu l'idée qu'elle ne grimpait pas et il aimerait que Lucy soit l'ancêtre de l'homme.»

    Complexe et syndrome «Lucy a prêté son nom à beaucoup de choses, notamment à un complexe et à un syndrome. Un professeur de psychologie clinique et pathologique de l'université de Reims m'a écrit en 1992: "Il existe un transfert phylogénique qui nous renvoie à chaque naissance au monde originaire des tout premiers hominidés. Selon lui, chacun de nous dans son enfance passe par une étape où il n'est conscient ni du passé ni du futur et ceci jusqu'à 3 ans. On peut retrouver ce passage chez des adultes malades, chez certains schizophrènes désorientés dans l'espace et le temps qui ressentiraient une espèce de rappel de ce que pouvait ressentir le préhumain de ces années-là, de 3 millions d'années. Un prof de la fac de médecine de Bobigny a quant à lui décrit le syndrome de Lucy. On est debout sur nos pattes de derrière et on s'est redressé très vite, trop vite disent les médecins du sport, au point que l'on a les muscles des cuisses trop courts. Du coup, lorsque l'on fait un sprint, on est presque obligé de se mettre à 4 pattes pour replacer le muscle ischio-jambien en position de quadrupédie. Moyennant quoi, on peut démarrer vite. Le malheureux footballeur est appelé à se mettre en position anormale pour courir très vite un temps très court, ce qui entraîne souvent chez lui des problèmes de claquage notamment.»

    Etait-elle un homme?

    «Un chercheur de Zurich a défendu la thèse que Lucy était un homme. Pour des raisons anatomiques, avec les personnes de mon équipe, nous sommes presque sûrs que le bassin de Lucy ne peut être masculin. Mais nous ne disposons, parmi tous les restes d'australopithèques retrouvés, que de deux bassins totalement reconstituables: l'un est celui de Lucy, l'autre a été trouvé en Afrique du Sud. Ces deux bassins se ressemblent beaucoup et ça peut vouloir dire qu'il s'agit deux bassins féminins. Mais nous ne connaissons pas le bassin masculin. Scientifiquement, on est obligé de poser la question: va-t-on trouver des bassins masculins différents? Ou bien tous les bassins d'australopithèques ressemblent-ils à des bassins de femelles d'aujourd'hui?»

    Le milieu «Le rôle du milieu me semble prépondérant. Au point que je me demande s'il n'intervient pas sur les gènes: il finirait par orienter le modelage des êtres, leur adaptation qui me paraît toujours bien réussie. Dans le terrain sud-éthiopien que j'ai fouillé pendant dix ans, une centaine d'espèces se sont transformées dans le sens du milieu qui devenait plus aride: cinq lignées de cochons, indépendamment les unes des autres, ont développé les tubercules de leurs molaires, plusieurs lignées d'éléphants ont augmenté le fût de leurs molaires, tout ça parce que quand on mange des feuilles, on use moins ses dents que quand on mange de l'herbe. Les chevaux ont vu se développer leur "digitigradie, c'est-à-dire que courant sur un seul doigt, ils se sont mis à courir plus vite, un certain nombre d'espèces d'antilopes aussi parce que dans un terrain plus découvert, on est plus vulnérable. Il n'y avait plus d'arbre: les rongeurs arboricoles sont devenus des rongeurs fouisseurs. Un des australopithèques, sans doute Lucy, a développé une denture lui permettant de manger des graines et des fruits durs auxquels elle n'avait pas accès avant. Une autre espèce d'australopithèque a donné naissance à l'homme, c'est-à-dire à un personnage qui utilisait la réflexion ­ on peut déjà le dire ­ et qui s'en tirait en mangeant des végétaux et de la viande: une alimentation omnivore.»

    Le concurrent: «Australopithecus anamensis»

    «C'est un peu celui qu'on attendait. Découvert au Kenya, il a 4 millions d'années. Et je pense que l'on en a trouvé des traces à côté de Lucy dans l'Afar. Dans le matériel recueilli là-bas, il y a un coude archaïque, celui qui correspond à l'espèce de Lucy et un coude très moderne, on dirait un bonhomme actuel, puis deux types de genou, une forme ancienne et une forme moderne, même chose pour une vertèbre. Meave Leakey, paléontologue, a publié en 1995 son article sur Australopithecus anamensis (3) de Kanapoï, à 145 kilomètres du lac Turkana, au Kenya et je pense qu'il s'agit du même australopithèque que celui de l'Afar. Il était exclusivement bipède, il y a 4 millions d'années, c'est sûrement le plus proche de l'homme. Quand on se pose la question: Quel australopithèque pour quel homme? On a sans doute la réponse pour la première partie, aujourd'hui c'est, je pense anamensis. Cela dit, les choses vont encore évoluer, certaines de mes déclarations vont être amendées voire rectifiées mais je vous garantis qu'en l'état actuel des connaissances, je propose un scénario cohérent, ce qui ne veut pas dire juste.».

    (1) Le Genou de Lucy, Odile Jacob, 1999, 250 pp., 139 F.

    (2)La Rift Valley est un fossé d'effondrement qui coupe l'Afrique du nord au sud dans sa partie équatoriale. Selon Yves Coppens, cette coupure divisa nos ancêtre, ceux de l'ouest vécurent dans les forêts et engendrèrent les chimpanzés. Ceux de l'est, en savane, s'humanisèrent jusqu'à l'homme.

    (3) Anamensis du mot Turkana anam qui signifie lac.

    BRIET Sylvie

    http://www.liberation.fr/sciences/1999/02/02/entretien-avec-yves-coppens-en-finir-avec-lucy-elle-n-est-ni-la-plus-vieille-femme-du-monde-ni-notre_263861

    http://www.europe-identite.com/index.php/Actualite/A-lire/Lucy-n-est-pas-notre-ancetre-commun.html?mosmsg=Merci+d%60avoir+vot%E9.+Pour+voir+les+r%E9sultats%2C+cliquez+sur+le+bouton+R%E9sultats

  • Ecole : mauvais résultats ? Supprimons les notes

    Alors que le ministre de l'Éducation Najat Vallaud-Belkacem visitait il y a 15 jours un collège du Gers ayant remplacé la note pour les points verts et rouges, le président du Conseil supérieur des programmes, Michel Lussault, a proposé de supprimer les notes.

    Un document de 11 pages préconise l'abandon des moyennes, ces «calculs artificiels»,et suggère la mise en place d'une nouvelle échelle comportant quatre à six «niveaux de maîtrise». La note chiffrée deviendrait un élément d'évaluation parmi d'autres. Elle serait «indicative», et non «perçue exclusivement comme un moyen de récompense ou de sanction et un instrument de tri et de hiérarchisation sociale des élèves».

    Le Snalc, syndicat d'enseignants, défend la traditionnelle notation et dénonce «une démarche purement démagogique». «Focaliser l'attention du public sur l'évaluation permet d'évacuer les vraies difficultés, liées aux apprentissages», poursuit le syndicat, qui pointe «le mythe du collège unique» et «l'illusion d'un succès uniforme».

    Michel Janva

  • Maurras ou les permanences d’un nationalisme français

    charles-maurras-2-4f8d9.jpgCharles Maurras. Le maître et l’action

    Dard Olivier

    Éditeur : Armand Colin

    Résumé : La modernité à contre-courant ? Une biographie intellectuelle du chef de l’Action française pour évaluer les fluctuations de son influence dans le champ politique et intellectuel français. acte de l’absence de biographie historique universitaire sur Charles Maurras, cet ouvrage entend être la nouvelle synthèse de référence sur le sujet, accompagnée d’un bilan historiographique sur les recherches récentes – quand bien même l’auteur rappelle la gageure d’écrire de nouveau sur Maurras : « [la] masse documentaire pourrait rendre vaine la tentative de vouloir proposer une synthèse et un nouveau regard sur une figure dont les grandes étapes de l’itinéraire sont balisées et dont les principales lignes de la doctrine sont connues » .

    Olivier Dard livre ici une biographie intellectuelle du personnage et cherche à en restituer toutes les dimensions : Charles Maurras y est présenté tour à tour comme homme de lettres et homme de plume à la tête de l’Action française, intellectuel et maître à penser pour de nombreuses générations appartenant ou non à la droite nationaliste, et enfin comme une figure politique, puisque, sans avoir jamais exercé le pouvoir, Maurras traverse la Troisième République, contre laquelle il développe une éthique d’opposition. En prenant pour principe que « la définition du maurrassisme doit être mise en contexte et territorialisée » , l’historien se dégage d’une histoire des idées politiques et prend le contre-pied d’une approche systémique : revenant sur les étapes d’élaboration de la pensée maurrassienne, il insiste sur les contingences des circonstances et la diversité de ses réceptions – au sein des courants de droite et à l’extérieur, au temps de Maurras comme dans sa postérité. Cette biographie historique est enfin intéressante pour sa dimension collective, lorsque l’auteur replace Maurras au sein de son école, de son milieu et de ses réseaux de sociabilité .

    Une biographie solide, de facture classique

    L’ouvrage, de facture classique, est inégal dans ses apports. Les quatre premiers chapitres traitent de la période de la formation. L’historien analyse l’enfance sous l’angle d’un triple traumatisme, le décès du père, la surdité développée à la suite d’une maladie et la perte de foi, faisant appel à une grille de lecture psychanalytique, reprise en fin d’ouvrage , artificielle et peu convaincante. Il revient sur la formation littéraire de Maurras et son entrée en politique par le biais du journalisme. S’appuyant largement sur les travaux de Stéphane Giocanti , il rappelle l’éclectisme de ses goûts d’étudiant et sa formation autodidacte marquant son parcours d’homme de lettres. Il souligne son implication dans les querelles littéraires de son temps, avec la fondation de l’Ecole romane, affirmant un classicisme latin en réaction au romantisme germanique, et son engagement pour le félibrisme. Il aborde enfin les sociabilités intellectuelles de Maurras, s’acheminant vers le nationalisme intégral, avec l’expérience journalistique de La Cocarde et son reportage aux Jeux olympiques de 1896.

    Les trois chapitres suivants couvrent la période de l’Affaire Dreyfus, la fondation de l’Action française et la victoire de 1918. On est relativement déçu par les analyses convenues consacrées à l’Affaire Dreyfus ou la fondation de l’Action française : pas de renouvellement de perspective sur deux dossiers bien connus. Le chapitre 6, consacré au passage « de Maurras au maurrassisme », permet de conceptualiser la notion de « maître à penser » en reprenant les thèmes de l’engagement politique de Maurras, la défense de l’Eglise, de la patrie et de la Revanche, même si l’auteur, spécialiste d’histoire politique, apparait nettement moins à l’aise sur la partie religieuse . Un chapitre consacré au rôle de Maurras pendant la guerre permet d’éclairer la trajectoire de ce non-combattant (en raison de son âge et de son infirmité) et ouvre des pistes, restées inachevées, de comparaison avec celle de Barrès et l’impact de leurs expériences de guerre respectives sur leur nationalisme. Le temps de l’Union Sacrée est l’occasion d’un ralliement temporaire des maurrassiens au régime républicain et se solde par une intégration plus marquée à la vie politique. Elle se traduit, socialement, par une normalisation de la mouvance et une notabilisation de ses cadres et se poursuit, durant l’entre-deux-guerres, par la présentation de candidats d’Action française aux élections , quand bien même la rhétorique maurrassienne reste antiparlementaire et antirépublicaine. [....

    La suite sur nonfiction.fr, le quotidien des livres et des idées

    En vente à la Librairie de Flore

    http://www.actionfrancaise.net/craf/?Maurras-ou-les-permanences-d-un

  • Un jour, un texte ! La Patrie selon Adrien Loubier

    « La civilisation française, héritière de la civilisation hellénique, a travaillé pendant des siècles pour former des hommes libres, c'est-à-dire pleinement responsables de leurs actes : la France refuse d'entrer dans le Paradis des Robots. »

    Georges Bernanos, La France contre les robots

    Cette nouvelle rubrique a pour objet de proposer des textes pour aider tout un chacun à réfléchir sur des sujets précis et si possible, d'actualité, aujourd'hui : la Patrie. (2)

    Jeanne d'Arc aux sources du patriotisme français

    A Brignoles en Provence

    Au début du XVème siècle, Brignoles était l'une des huit sénéchaussées de la Basse Provence. Sa situation géographique la mettait, semble-t-il, bien à l'écart de la terrible guerre avec les Anglais, qui ravageait surtout le Nord et le Sud-ouest de la France. Le paisible roi René y séjournait souvent. Comme les autres provinces, la Provence avait son parlement, ses franchises ; elle était gouvernée en 1429 par Louis II, comte de Provence, fils de la reine Yolande (1417 –1434).

    Quel pouvait bien y être le sentiment patriotique français ? Comment pouvait-on y ressentir l'occupation anglaise, qui n'affectait pas cette région ? La Normandie, la Guyenne, la Bourgogne étaient loin ! L'unité française était constituée d'un réseau complexe de suzerainetés qui, nous dit-on dans les manuels républicains, ne concernait les populations que de très loin !

    Et puis, les communications étaient longues et difficiles ! Pas de trains, pas de téléphones, pas de journaux ! Que pouvait-on savoir, à Brignoles, d'un siège des Anglais devant Orléans, ou du dauphin Charles VII, encerclé dans son Berry, et pas même couronné ou sacré roi de France ?

    Qu'était même la France pour les Provençaux ?

    Orléans n'était-il pas à 600 kilomètres (à vol d'oiseau) de Brignoles, en un temps où le meilleur cavalier ne pouvait parcourir que quelques 50 kilomètres par jours ?

    Toutes ces questions, que l'on peut se poser, trouvent une étonnante réponse dans l'analyse d'un « compte trésoraire de Brignoles », que nous avons découvert dans une monographie de F. Mireur, intitulée : "Procession d'actions de grâces à Brignoles en l'honneur de la délivrance d'Orléans par Jeanne d'Arc en 1429".(Communication faite au congrès des sociétés savantes à la Sorbonne en avril 1893).

    Dans les anciennes chroniques provençales, on trouve bien mention de la dureté du temps, mais cependant bien lointaine.

    Honoré Bouche parle des « temps calamiteux de l'occupation d'une grande partie de la France par les Anglais et du temps de la Pucelle d'Orléans, si renommée dans les histoires, environ l'an 1429 .... » (1)

    C'est « arrivé en l'année 1429, dit Nostradamus, que la pucelle Jeanne, tant illustrement chantée par les histoires françoises, allait au secours de sa ville, couverte d'armes blanches contre les Anglois, ausquels elle fit quitter et abandonner le siège d'Orléans. » (1)

    Mais, selon notre auteur (2) aucune de ces chroniques « n'ont produit aucun témoignage direct et contemporain de l'impression que les nouvelles extraordinaires de France causèrent en Provence. »

    Or voici que 550 ans après, l'analyse d'un feuillet comptable de la ville de Brignoles, au fin fond de la Provence, nous livre le témoignage d'une explosion spontanée de joie et de liesse populaire, lorsque, quelques jours après le 8 mai 1429, la nouvelle de la délivrance parvient au peuple de cette bourgade.

    La France vient de remporter une victoire décisive contre l'envahisseur. Pas en Provence, qui vit en paix à cette heure, mais bien en France, avec laquelle tout le petit peuple vibre et souffre.

    Certes les souverains sont parents. Le comte Louis II de Provence est le beau-frère de Charles VII. Sa mère, la reine Yolande, joue un rôle politique important à la cour de France. Mais ce ne sont pas les grands qui descendent dans la rue pour fêter l'événement ; c'est le peuple. Le peuple qui est la famille de ses princes, et qui est chez lui, dans sa patrie, en Provence comme à Orléans !

    Et puis, tous savent bien que si Orléans tombe, bien qu'elle soit loin ; si Charles VII est détrôné, bien qu'il soit loin... qui arrêtera l'Anglais et l'empêchera d'arriver jusqu'à Brignoles avec ses bandes, et son cortège de sang et de misère ?

    L'élan populaire est tel que les syndics en exercice sont débordés, et prennent sur eux les dépenses dont ce feuillet de compte atteste, sans même réunir le conseil pour les soumettre à sa délibération.

    Or on ne plaisantait pas à Brignoles sur ce chapitre. Les registres en témoignent. Pas un sou ne devait sortir des caisses sans vote du conseil pour en donner l'aval.

    Ici, dans l'urgence, cette règle n'a pas été respectée. Écoutons notre auteur : (2)

    « Le bruit s'étant répandu dans cette ville (Brignoles) de la délivrance d'Orléans, l'enthousiasme fut si soudain que, sans même consulter comme d'ordinaire le conseil, on organisa des réjouissances publiques pour fêter l'éclatant succès dû à l'intervention de cette jeune fille étrange illius Piuselle dont la renommée avait volé jusqu'en notre lointaine contrée. Une procession d'actions de grâces fut ordonnée, et, pour en relever l'éclat, les syndics de la communauté prirent sur eux d'y envoyer des ménétriers (3), aux frais de la ville, certains d'avance de l'adhésion de leurs collègues du conseil. »

    "Item ponit Idem thesaurarius solvisse, ex precepto sindicorum, menisteriis qui fecerunt festum, dum fecerunt processionem ad amorem Dei, dum venerunt nova illius Piuselle que erat in partibus Francie, videlicet grossum unum." (4)

    Ce texte de ce qu'on est convenu d'appeler le "bas-latin" (en somme le latin vivant de l'époque), peut se traduire ainsi :

    « De même, le même trésorier pour rendre grâce, à la demande du syndic, paye des ménestrels (3) qui font la fête, pendant une procession pour l'amour de Dieu, quand venaient des nouvelles de cette pucelle qui était dans la partie de la France, visiblement une chose capitale. »

    Mais ce qui n'est pas moins étonnant, c'est la rapidité avec laquelle cette nouvelle est arrivée à Brignoles.

    Notre savant archiviste, par divers recoupements, situe la date de cette procession et de ces réjouissances entre le 15 mai 1429, et au plus tard le 20 juin. Plus probablement peu après le 15 mai.

    Or la date de la délivrance d'Orléans peut être fixée au 8 mai. Et il est bien improbable que dès le lendemain, un courrier soit parti directement pour Brignoles. Même si c'eut été le cas, par monts et par vaux, et en changeant de cheval chaque jour, il lui fallait au moins 15 jours pour franchir les 6 à 700 kilomètres qui séparent Orléans de Brignoles, en tenant compte de l'état des routes de l'époque, et des nombreux obstacles tels que fleuves, forêts peu sûres, montagnes, etc.

    Une étude chrono topographique serait d'ailleurs nécessaire pour obtenir un trajet et un décompte de temps fiable.

    Mais bien plutôt que l'hypothèse peu vraisemblable d'un messager visant spécialement Brignoles, c'est celle de la rumeur publique, propagée de proche en proche par le bouche à oreille, qui doit être retenue. Ce qui donne une idée très vivante de l'anxiété de nos provinces, avides de nouvelles, et de la joiepopulaire déclenchée par cette bonne nouvelle tant espérée par le patriotisme français, en éveil dans le fond des coeurs de nos plus lointaines provinces !

    Enfin la chance a tourné !

    Enfin Dieu prend la France en pitié.

    Alors « faisons procession pour l'amour de Dieu ! »

    Et concluons avec notre auteur : (2)

    « La véritable importance historique du document (4), son intérêt général, résident surtout dans le témoignage nouveau qu'il nous apporte de l'étonnante popularité de Jeanne, et du grand et rapide retentissement de son admirable campagne d'Orléans. »

    Adrien Loubier

    Extrait de : « Sous la Bannière ».

    Numéro 107, mai – juin 2003.

     

    Lire la suite "Un jour, un texte ! La Patrie selon Adrien Loubier"

    Lois Spalwer

  • Conférence : L'aventure du journal "Présent"

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    Le vendredi 5 décembre à 19 h 30, Dextra aura la joie et l’honneur de recevoir Francis Bergeron, directeur de rédaction, qui nous parlera de L'aventure du journal Présent. 

    Nous vous attendons nombreux pour cette conférence 

    au El Siete, 283 rue Saint Jacques, Paris Ve.

  • la paix est un souhait la guerre est un fait

     Editorial du hors série n° 1 d’hiver 2014 de la revue Conflits

    Comme celle de géopolitique, et pour des raisons comparables, la notion de guerre économique est longtemps restée taboue après la Seconde Guerre mondiale. Elle renvoyait au protectionnisme des années 1930, elle était rendue responsable de la durée de la crise, elle était soupçonnée d’avoir contribué à l’éclatement du conflit. La situation s’est à peine améliorée. C’est que l’idée de guerre économique s’inscrit en faux contre les idées libérales qui se sont imposées dans le monde. 

    Depuis l’élaboration de la théorie des avantages comparatifs, le libéralisme part de l’idée que l’échange permet à chaque pays de se procurer au mieux ce dont il a besoin. En plus de rendre la guerre difficile à cause des liens commerciaux par lesquels il entrave les nations, le « doux commerce » la rendrait inutile puisqu’il permet à chaque pays d’atteindre le seuil de prospérité le plus élevé possible.

    La réalité est bien différente. Depuis le XIXème siècle, les entreprises réclament que l’État intervienne en leur faveur dans la défense comme dans l’attaque, pour être protégées, pour être subventionnées, pour se faire ouvrir des marchés. « [La bourgeoisie] abat toutes les murailles de Chine et contraint à capituler les barbares ayant la haine la plus opiniâtre de l’étranger » se réjouissait Marx dans Le Manifeste du Parti Communiste. Mais qui fournit les canons, qui signe l’acte de capitulation ? Les libéraux réclamaient la « porte ouverte » dans l’Empire du Milieu. Qui a enfoncé la porte à coups de pied ? Pour que règne la paix par le commerce, il fallait imposer le commerce par la guerre.

    Chers amis libéraux, bienvenue dans le monde des réalités. Les chefs d’entreprise, qui sont l’objet de vos attentions, ne croient pas en vos discours sur ce sujet car eux sont confrontés à la compétition plus ou moins loyale de leurs concurrents.

    Une fois les portes ouvertes, encore faut-il que toutes les nations respectent les règles de l’échange « loyal ». Sinon c’est le « dumping social », le « dumping fiscal », le « dumping environnemental » que certains États rendent possibles en adoptant des réglementations minimales et en réduisant les impôts et les cotisations sociales (quand elles existent !). Faute de gouvernement mondial (ce qui risque de perdurer un certain temps…), c’est aux États-nations de faire respecter un minimum de règles, de protéger leurs économies, de mieux les armer pour qu’elles partent à l’assaut de territoires nouveaux. C’est cela la guerre économique et il suffit qu’un seul État la déclare pour que tous soient entraînés dans le tourbillon. Les philosophes des Lumières écrivaient en une époque où les économies étaient peu ouvertes ; on peut leur pardonner de ne pas avoir prévu toutes ces évolutions. Ce n’est pas une raison pour croire aux utopies des XVIIIème et XIXème siècles.

    Chers amis libéraux, bienvenue dans le monde des réalités. Les chefs d’entreprise, qui sont l’objet de vos attentions, ne croient pas en vos discours sur ce sujet car eux sont confrontés à la compétition plus ou moins loyale de leurs concurrents. Les États-Unis, que vous donnez volontiers en exemple et qui se prétendent le pays le plus libéral du monde, se conduisent, dans ce domaine et dans bien d’autres, comme le plus guerrier de tous. Et, en fin de compte, ne prônez-vous pas la libre concurrence qui permet aux meilleurs de l’emporter et provoque la disparition des perdants ? D’un côté vous dites « Vive la paix par le commerce », de l’autre vous vous exclamez « Malheur aux vaincus de la compétition ». N’y a-t-il pas un risque de contradiction ? [...]

    Pascal Gauchon

    La suite sur le site de la revue Conflits

    http://www.actionfrancaise.net/craf/?la-paix-est-un-souhait-la-guerre

     

  • Un jour, un texte ! La Patrie selon Claire Martigues

    « La civilisation française, héritière de la civilisation hellénique, a travaillé pendant des siècles pour former des hommes libres, c'est-à-dire pleinement responsables de leurs actes : la France refuse d'entrer dans le Paradis des Robots. »

    Georges Bernanos, La France contre les robots

    Cette nouvelle rubrique a pour objet de proposer des textes pour aider tout un chacun à réfléchir sur des sujets précis et si possible, d'actualité, aujourd'hui : la Patrie. (1)

    Aux origines de la France : la loi salique

    La Loi salique, on appelle ainsi le recueil des anciennes coutumes des tribus franques, se divise en deux parties : le Prologue, qui contient le "Décret" ajouté par Clovis après sa conversion, et l'ensemble des coutumes et dispositions légales et juridiques. Seuls, le prologue et le décret nous intéressent ; ils contiennent l'essentiel, qui donne aux lois proprement dites tout leur sens. En voici le texte intégral :

    "La nation des Francs, illustre, ayant Dieu pour fondateur, forte sous les armes, ferme dans les traités de paix, profonde en conseils ; noble et saine de corps, d'une blancheur et d'une beauté singulières ; hardie, agile et rude au combat, depuis peu convertie à la foi catholique, libre d'hérésie ; lorsqu'elle était encore sous une croyance barbare, avec l'inspiration de Dieu, recherchant la clef de la science, selon la nature de ses qualités, désirant la justice, gardant la piété ; la loi salique fut dictée par les chefs de cette nation qui, en ce temps, commandaient chez elle.

    "On choisit, entre plusieurs, quatre hommes, à savoir : le Gart de Wise, le Gart de Bade, le Gart de Sale, le Gart de Winde, dans les lieux appelés Canton de Wise, Canton de Bade, Canton de Sale et Canton de Winde.

    "Ces hommes se réunirent dans trois Mahls, discutèrent avec soin toutes les causes du procès, traitèrent de chacune en particulier et décrétèrent leur jugement en la manière qui suit :

    "Puis, lorsqu'avec l'aide de Dieu, Clovis, le chevelu, le beau, l'illustre Roi des Francs, eut reçu le premier le baptême catholique, tout ce qui, dans ce pacte, était jugé peu convenable fut amendé avec clarté par les illustres Rois Clovis, Childebert et Clotaire, et ainsi fut dressé le «décret» suivant :

    "Vive le Christ qui aime les Francs ; qu'il garde leurs Royaumes et remplisse leurs chefs de la lumière de la grâce ; qu'il protège leurs armées ; qu'il leur accorde des signes qui attestent leur foi : les joies de la paix et la félicité. Que le Seigneur Jésus-Christ dirige dans les voies de la piété les règnes de ceux qui gouvernent, car cette nation est celle qui, brave et forte, secoua de sa tête le joug des Romains et qui, après avoir reconnu la sainteté du baptême, orna somptueusement d'or et de pierres précieuses les corps de saints martyrs, que les Romains avaient brûlés sur le feu, mutilés par le fer ou fait déchirer par les bêtes féroces".

    La suite de la loi salique est le code chrétien des Francs, les dispositions législatives et pénales.

    Claire Martigues

    Extrait de : « Le Pacte de Reims ».

    Ed. Saint-Michel - 1962

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  • Histoire : Le cardinal de Richelieu et les finances de l’Etat

    Par Jean-Baptiste Noé.

    On parle peu du cardinal de Richelieu, principal ministre de Louis XIII de 1624 à sa mort en 1642. Pendant dix-huit ans, il fut l’homme rouge qui restaura la paix, les finances et les arts d’un pays en proie aux luttes intestines.

    Il laissa un mémoire au roi, publié après sa mort, ce Testament politique, où il évoque notamment la façon de conduire les finances publiques. Sans théorisation excessive, façonné par l’expérience, son regard porté sur la situation de l’Etat ne demeure pas moins d’une grande clairvoyance. Il rappelle que l’Etat doit dépenser peu afin de prélever faiblement sa population, l’argent public étant l’argent des Français : « Les dépenses absolument nécessaires pour la subsistance de l’Etat étant assurées, le moins qu’on peut lever sur le peuple est le meilleur. Pour n’être pas contraint à faire de grandes levées, il faut peu dépenser et il n’y a pas de meilleurs moyens pour faire des dépenses modérées que de bannir toutes les profusions et condamner tous les moyens qui sont à cette fin. » [...]

    Bien avant la fameuse courbe de Laffer, il comprend que plus l’Etat pressurise la population, moins les impôts rentrent : « L’augmentation du revenu du roi ne se peut faire que par celle de l’impôt qu’on met sur toutes sortes de denrées, et, partant, il est clair que, si on accroît par ce moyen la recette, on accroît aussi la dépense, puisqu’il faut acheter plus cher ce qu’on avait auparavant à meilleur marché. […] Il y a plus : l’augmentation des impôts est capable de réduire un grand nombre de sujets du roi à la fainéantise, étant certain que la plus grande partie du pauvre peuple et des artisans employés aux manufactures aimeront mieux demeurer oisifs et les bras croisés que de consommer toute leur vie en un travail ingrat et inutile, si la grandeur des impôts les empêche de recevoir le salaire de la sueur de leur corps. » [...]

    L’Opinion

    http://www.fdesouche.com/540941-histoire-cardinal-richelieu-les-finances-letat