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culture et histoire - Page 1594

  • Il y a 60 ans, Dien Bien Phu...

    Du 13 mars au 7 mai 1954, l'élite de l'armée française, retranchée à Dien Bien Phu, affronta l'armée vietminh du général Giap. Retour sur un holocauste.

    Le 13 mars a sonné un anniversaire tragique, celui du commencement, voilà 60 ans, de la bataille de Dien Bien Phu. Peu après 17 heures, ce jour-là, l'artillerie vietminh, dont la présence et l'importance devait considérablement surprendre le commandement français, ouvrit le feu contre le camp retranché.

    Pour les Français comme pour le Vietminh, le combat qui s'engageait devait être une démonstration de puissance. Il manifesta la défaite de la France dans ce conflit commencé au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, après la déclaration d'indépendance de la République démocratique du Viêt Nam par Hô Chi Minh en septembre 1945.

    Le vietminh, qui bénéficie pleinement de l'appui de la Chine depuis la victoire définitive de Mao Tsé-Toung en 1949, a déjà infligé aux Français une défaite sur la RC4 en 1950. Le général de Lattre de Tassigny, envoyé par Paris pour rétablir la situation, a renoué avec les victoires, mais il est mort en janvier 1952. Le général Salan, qui lui a succédé, a lui aussi connu le succès contre le général viet Vo Nguyen Giap, en remportant la bataille de Na San, fin 1952, avant d'être remplacé en mai 1953 par le général Henri Navarre, qui doit empêcher le vietminh de progresser au Laos. À cette fin, Navarre se rallie à la stratégie du « hérisson », qui a réussi à Na San : l'implantation de camps retranchés à partir desquels peuvent être lancées des opérations offensives. Pour implanter son nouveau camp, il choisit une petite plaine de 17 kilomètres de long sur 7 de large, entourée de collines, traversée du nord au sud par une rivière, la Nam Youn, et au centre de laquelle se trouve un village : Dien Bien Phu. Pendant la Deuxième Guerre mondiale, les Japonais y ont installé un aérodrome.

    Le 20 novembre 1953, le 6e Bataillon de parachutistes coloniaux (6e BPC) et le 2e Bataillon du 1er régiment de chasseurs parachutistes (1er RCP), respectivement commandés par les commandants Bigeard et Bréchignac, s'emparent de Dien Bien Phu, où d'autres unités paras sont larguées les jours suivants. Pendant quatre mois, des troupes et du matériel sont aéroportés dans le camp retranché, organisé autour de la principale piste d'aviation qu'entourent plusieurs centres de résistance, baptisés de noms féminins : Anne-Marie, Huguette, Françoise, Claudine, Junon, Eliane, Dominique, Béatrice au nord-est, Gabrielle, Isabelle à part, 5 kilomètres plus au sud. Ces centres de résistance sont eux-mêmes divisés en points d'appui: Dominique 1, Dominique 2, etc.

    Des canons en pièces détachées

    Giap réagit rapidement, en ordonnant à quatre divisions d'élite vietminh de faire mouvement vers Dien Bien Phu, pour une attaque qu'il fixe au 25 janvier, et qui sera finalement reportée. Dans la perspective d'une conférence qui doit se tenir en avril, à Genève, entre les puissances occidentales, la Chine et le vietminh, une victoire spectaculaire contre l'armée française serait évidemment très bienvenue.

    Les militaires français, pour leur part, envisagent le bras de fer avec optimisme. Ils considèrent que Giap, trop éloigné de ses bases, sera confronté à de sérieux problèmes d'approvisionnement, alors que l'aérodrome garantira le ravitaillement du camp retranché et l'acheminement des renforts ; et que l'ennemi ne pourra amener sur place qu'un faible nombre de pièces d'artillerie, que les canons français, de plus fort calibres, n'auront pas de mal à contrebattre. C'est pourquoi les fortifications, à Dien Bien Phu, ne sont pas bétonnées, mais construites en terre, rondins, sacs de sable et tôles...

    Or, Giap a compris le raisonnement de ses adversaires et trouvé la solution. Cette solution, c'est l'utilisation de 260 000 coolies, hommes, femmes (surtout) et enfants, qui accompliront, souvent pieds nus, des centaines de kilomètres, de jour comme de nuit, en portant des charges d'une quarantaine de kilos ou en poussant des milliers de vélos Peugeot bricolés pour pouvoir véhiculer jusqu'à 250 kg de matériel. « Pour l'état-major français, il était impossible que nous puissions hisser de l'artillerie sur les hauteurs dominant la cuvette de Diên Bien Phu et tirer à vue, expliquera le général viet. Or, nous avons démonté les canons pour les transporter pièce par pièce dans des caches creusées à flanc de montagne et à l’insu de l'ennemi. Navarre avait relevé que nous n'avions jamais combattu en plein jour et en rase campagne. Il avait raison. Mais nous avons creusé 45 km de tranchées et 450 km de sapes de communications qui, jour après jour, ont grignoté les mamelons. »

    Des combats d'une âpreté inouïe

    Les Français sont placés sous le commandement du colonel Christian de Castries (nommé général pendant la bataille). La garnison du camp retranché, d'un effectif de 10800 hommes au début de la bataille, 14000 à la fin, regroupe l'élite de l'armée française, parachutistes, légionnaires, tirailleurs algériens et marocains, plus deux bataillons thaïs, appuyés par des unités de génie, de l'artillerie et dix chars.

    En face, Giap aligne 65 000 hommes en mars, 80 000 en mai, pas d'aviation, mais une artillerie nombreuse et enterrée, qui dès le 13 mars crée la surprise chez les Français.

    D'entrée de jeu, en effet, leurs défenses sont écrasées sous les obus ennemis de gros calibre : pas plus que l'aviation, les canons français ne sont capables de faire taire les pièces ennemies, nombreuses et bien protégées. Le colonel Piroth, commandant l'artillerie française, s'en jugeant responsable, se suicidera le 15 mars.

    Le 13, sur Béatrice, premier centre de résistance attaqué par les viets, le chef de bataillon Pégot, qui commande le 3e bataillon de la 13e demi-brigade de Légion étrangère, est tué dans son abri avec ses adjoints. Un autre projectile tombe un peu plus tard sur l'abri du lieutenant-colonel Gaucher, chef de corps de la 13e DBLE et commandant du sous-secteur, et lui arrache les deux bras.

    Les combats prennent tout de suite une âpreté et une sauvagerie inouïes. Tout au long de la bataille, les viets creusent, comme des taupes, des tranchées dont ils surgissent pour donner l'assaut, sans souci des pertes humaines, sous les obus de leur propre artillerie, précédés par les « volontaires de la mort » portant des charges de plastic au bout de longs bambous. « Les minces silhouettes surgissent devant les tranchées en rangs serrés, au coude à coude, elles tombent sous les rafales des défenseurs et sous les obus viets, et d'autres sans cesse les remplacent, montant sur les rangées qui sont tombées », écrit Georges Blond(1). Vague après vague, elles finissent par submerger les légionnaires, qui se battent à un contre dix et se font tuer sur place.

    Des antennes médicales débordées

    Après Béatrice, vient le tour de Gabrielle. Deux régiments attaquent le 5e bataillon du 7e régiment de tirailleurs algériens, qui se défend si farouchement que la 308e division vietminh doit être relevée : en six heures, elle a eu 1200 tués et le double de blessés. Mais Gabrielle finit aussi par tomber, le 15 mars, malgré une contre-attaque de secours trop tardive, conduite par des parachutistes et appuyée par des chars.

    La prise des deux centres de résistance a cependant coûté très cher à Giap, qui se contente jusqu'à la fin du mois de mars de bombarder copieusement le camp retranché et en particulier la piste d'aviation, rendue définitivement inutilisable à partir du 27 mars. Cela non plus, n'avait pas été prévu. Dien Bien Phu est désormais isolée, le ravitaillement, les munitions et les renforts ne peuvent qu'être parachutés, sous les tirs de la DCA ennemie, et l'évacuation des blessés devient impossible. Le médecin-commandant Grauwin, en revanche, gagne une aide précieuse avec l'arrivée d'une jeune convoyeuse de l'air, Geneviève de Galard, bloquée à Dien bien Phu.

    Très vite, les antennes médicales, prévues pour accueillir quelques dizaines de blessés, sont d'ailleurs débordées. 4000 hommes y seront soignés avec des moyens de fortune, dans des conditions abominables.

    Grauwin évoquera plus tard le pullulement des asticots « grouillant dans les couvertures sales, les draps, les plâtres, les pansements », ainsi que le « trou des amputés », « où l'on jette les membres broyés que l'on a séparé du vif en salle d'opération. .. ». Servent aussi comme infirmières les prostituées du BMC, des Algériennes de la tribu des Ouled-Naïl dont Georges Blond saluera le courage et qui ne reviendront pas des camps viets.

    Les attaques reprennent le 30 mars, les soldats de Giap s'emparant de nombreux points d'appui. Le lendemain, Dominique 2 et Eliane 1 sont réoccupées à grand prix par les parachutistes des 8e et 6e BPC, qui doivent néanmoins abandonner les positions reprises, faute de pouvoir y être relevés.

    À partir du 20 avril, commence la mousson, les fortes pluies tropicales, qui gêne l'aviation et dont un ancien de Dien Bien Phu a décrit les effets : « Dix, vingt centimètres d'eau dans les tranchées encombrées de macchabées. Dans les abris, dix centimètres de boue. Plus jamais rien de sec, ni la nourriture, ni les vêtements. Ne plus jamais se dévêtir ni se déchausser la peau des pieds pourrie. Et l'horreur des latrines, dégoulinantes, répandant leurs ruisseaux atroces... »(2). L'odeur de la mort y plane, comme sur les champs de bataille de 14 : « Entre la mi-avril et la capitulation, la plus grande partie de la surface du camp retranché est devenue une juxtaposition de charniers affreux qui ont plusieurs fois changé de mains. »(3).

    Le hurlement des orgues de Staline

    Tout au long du mois d'avril, les Viets rongent en effet les positions françaises, dont le périmètre diminue. Jusqu'au début de mai, des renforts sont pourtant parachutés dans la fournaise - non seulement les régiments paras, comme le 2e BEP ou le Ie1 BPC, mais aussi des volontaires dont c'est le tout premier saut et que n'effraie pas le risque de la casse, ni celui de tomber chez l'ennemi. Malgré cela, le 15 avril, il ne reste que 3500 hommes en état de se battre. Les derniers jours, on voit des blessés graves, y compris des manchots ou des unijambistes, rejoindre les postes de combat: à Dien Bien Phu, l'héroïsme est quotidien.

    Saignés à blanc, les défenseurs du camp retranché tiennent toujours. Le 6 mai, cependant, le dénouement approche ; les combattants encore à peu près valides envisagent de tenter de percer les lignes vietminh, pour échapper à la capture et tenter de rejoindre une colonne de secours, la colonne Crèvecoeur. Mais le piège est solide et vers 19 heures, après une nouvelle préparation d'artillerie, les troupes de Giap attaquent partout. Les Français se battent à un contre cent, se faisant tuer sur place. Et soudain, « un bruit effroyable retentit, une sorte de hurlement suivi d'une explosion », écrit Geneviève de Galard(4). Ce sont les redoutables « orgues de Staline », lance-roquettes tirant douze torpilles à la fois, qui font pour la première fois leur apparition dans la bataille. Les Viets ont creusé une sape sous Eliane 2, y font sauter une charge qui éventre le sommet du point d'appui.

    Dien Bien Phu tombe le lendemain, 7 mai. A 5 kilomètres au sud, sur Isabelle, seul point d'appui que les viets ne tiennent pas encore, les survivants des deux bataillons du colonel Lalande tentent la percée. Une centaine d'entre eux seulement parviendra à forcer la souricière et à atteindre vivants Muong Saï, poste français à 200 km à l'ouest. Beaucoup d'autres mourront, perdus dans la jungle.

    Quant à leurs camarades, ils prennent par milliers le chemin des camps de concentration viets. Sur 11 721 prisonniers, 3 290 seulement en reviendront.

    Hervé Bizien monde & vie 18 mars 2014

    1.2.3. : Georges Blond, la Légion étrangère, Stock. 

     

    4. Geneviève de Galard, Une femme à Dien Bien Phu, Les Arènes.

  • Le jugement

    Juger revient à établir un rapport entre deux notions. On peut par exemple juger les autres, ce qui peut paraître insupportable pour certains : « Un tel est un minable », « Telle femme est belle ou laide », « Un tel est un psychopathe ».

    Dans tout jugement il y a une part de création de vérité, d'affirmation de soi, d'engagement, ce qui peut s'opposer à l'humilité judéo-chrétienne : « Qui suis-je pour juger ? » (Pape François). On ne juge pas uniquement les autres, mais aussi tout objet, tout acte. En plus des jugements de valeurs et de faits (« le toit est gris »), existent les jugements de goûts (« telle œuvre est belle ou réussie »). Juger est en fin de compte lié à l'activité de penser. Penser, c'est juger. Penser est aussi dominer, car juger est aussi s'approprier le monde ou les autres.

    Kant

    Dans la critique du jugement (Urteil) Kant analyse le terme. En logique, tout énoncé relie deux concepts : le sujet et le prédicat. « Le mur est blanc » (S est P). Ce jugement peut être vrai ou faux. La critique du jugement analyse la raison en tant qu'elle a la faculté de porter des jugements.

    Dès que nous parlons nous jugeons. Le philosophe distingue les jugements analytiques et les jugements synthétiques.

    Il y a aussi les jugements a priori nécessaires et universels. Ils ne viennent pas de l'expérience. Ils conditionnent notre pensée comme les énoncés mathématiques. Les jugements empiriques viennent de l'expérience « la mer est bleue ».

    Un jugement est analytique lorsque le prédicat ne fait que dire ce qui est déjà dans sujet (« les corps sont étendus »). Dans la notion de corps se trouve déjà l'étendue.

    Dans le jugement synthétique, le prédicat ajoute quelque chose au sujet (« les corps sont pesants »).

    Pour Kant seuls les jugements synthétiques a priori sont « scientifiques ». Ils nous apprennent quelque chose tout en étant nécessaires et universels.

    Le philosophe dans « Critique de la raison pure » se pose la question : comment les jugements synthétiques a priori sont-ils possibles ? Il verra dans le sujet les formes a priori qui constituent l'objet.

    Les deux sources de la connaissance sont la sensibilité par laquelle les impressions sont reçues et l'entendement qui permet de les penser. Sans résumer ici la critique de la raison pure, l'espace et le temps sont les formes a priori de la sensibilité.

    La sensibilité est passive, l'entendement est une fonction active.

    Les formes a priori de la pensée sont appelées par Kant catégories de l'entendement. La catégorie capitale est celle de la causalité. Elle est a priori et ne provient pas de l'habitude à la différence de Hume. Les catégories a priori viendraient sans qu'il le dise de la structure de notre cerveau.

    Descartes - Spinoza

    Pour Descartes, le jugement est l'expression de ma liberté. C'est décider en face de l'existant en engageant sa responsabilité. Juger est prendre parti dans un monde qui peut sembler sans signification.

    Spinoza qui a critiqué l'idée de la liberté ne voit bien sûr dans le jugement aucun acte libre. Si j'ai l'idée d'un triangle et que je vois une forme géométrique qui a l'aspect d'un triangle, comment pourrais-je juger autrement ?

    « Nul, ayant une idée vraie, n 'ignore que l'idée vraie enveloppe la plus haute certitude ; avoir une idée vraie, en effet ne signifie rien, sinon connaître une chose parfaitement ou le mieux possible ; et certes, personne ne peut en douter, à moins de croire que l'idée est quelque chose de muet comme une peinture sur un panneau et non un mode de penser, savoir l'acte même de connaître ». (Spinoza - Ethique)

    L'erreur n'est qu'une connaissance mutilée et imparfaite pour Spinoza, à la différence de Descartes pour qui l'erreur nait d'un acte de volonté. On accorde son assentiment alors qu'il n'y a pas lieu de la donner à une idée confuse. À la différence de Descartes, Spinoza ne voit pas l'engagement du sujet dans le jugement.

    Jugement et croyance

    Saint Augustin avait déjà remarqué que la foi n'est pas limitée au religieux. Toute connaissance est aussi une croyance. Dans toute connaissance, il y a un pari, comme dans le pari de Pascal sur la foi.

    « Savoir, c 'est toujours engager le sujet dans l'objet, risquer une hypothèse, une idée dans les faits et y croire d'autant plus qu'elle explique davantage. Toute connaissance est un mixte de science et de foi, une croyance : croire est le propre de l'homme » (Jean Lacroix).

    « J'ai donc du supprimer le savoir pour y substituer la croyance » (Kant, Critique de la raison pure).

    L'acte de juger ne se limite pas au monde des idées. Juger est un acte social qui agit sur les êtres. Le psychiatre qui jugeant qu'un tel est fou, quels que soient les termes techniques à sa disposition, décide l'enfermement. Le juge au tribunal déclare un tel « coupable » ou « irresponsable ». Tel jugement sur une œuvre peut faire la gloire ou la ruine d'un artiste. L'homme politique juge parfois l'adversaire ou même l'ennemi. « Le Front National est le mal absolu » (Pierre Mauroy). Quelle métaphysique de la politique !

    Juger établit des relations entre les représentations, mais parfois à quel prix et avec quelle violence ? Le jugement des hommes avec ses effets autoréalisateurs peut parfois à juste titre faire peur.

     

    Patrice GROS-SUAUDEAU

  • 1108 : Louis VI, le père des communes de France

    Cette année-là trépassait à Melun à l’âge de cinquante-cinq ans le roi Philippe Ier. Son fils aîné Louis, vingt-huit ans, n’étant alors que “roi désigné”, se hâta de se faire sacrer par l’évêque Yves de Chartres, mais avant même qu’il ne devînt le roi Louis VI le Gros, dit aussi le Batailleur, avait affirmé sa volonté d’en finir avec l’anarchie féodale, de mater les brigands, de raser les donjons insolents et de libérer les communications. Assurer la sécurité était pour lui le premier devoir d’un roi. Le peuple allait pouvoir souffler, dans les campagnes comme dans les villes.

    Depuis déjà quelques décennies se manifestait le mouvement communal, lourd de belles promesses mais aussi de grands dangers. Les villes s’étaient jusqu’alors développées sous la protection des châteaux forts, mais, profitant de l’augmentation des échanges commerciaux au cours du XIe siècle, on avait vu apparaître une “classe moyenne” forgée par le travail et l’épargne, et qui supportait de moins en moins la tutelle, parfois capricieuse, du seigneur. Depuis déjà quelques générations, estimant inutiles et humiliantes les tracasseries fiscales et judiciaires de l’ordre féodal, des bourgeois se prêtaient mutuellement serment de maintenir eux-mêmes la paix et la tranquillité des individus et des métiers et de garantir ainsi leurs intérêts communs : ainsi naquirent les “communes” revendiquant aussitôt des libertés propres.

    Sagesse capétienne

    Parfois les bourgeois arrivaient à conquérir ou à acheter les droits féodaux, notamment de police, et les seigneurs s’accommodaient tant bien que mal du mouvement, mais quand ceux-ci résistaient, les communes en étaient réduites à devenir insurrectionnelles, comme à Cambrai où le seigneur évêque, estimant cette agitation peu recommandable, l’avait vers 1076 noyée dans un bain de sang. Dès son avènement, Louis VI comprit, avec une sagesse toute capétienne, tout empirique, que le mouvement, résultant du progrès économique et de la sûreté rétablie, était irrésistible, mais aussi qu’un ferment insurrectionnel pouvait s’y glisser et porter les communes, livrées à elles-mêmes, à s’ériger à leur tour en nouvelles féodalités. Pour protéger le mouvement contre ses propres excès, il fallait du doigté, chose dont seul un roi, même “gros”, est capable, n’étant lié par aucun intérêt ou aucune idéologie.

    Il manifesta sa sympathie pour le mouvement en créant lui-même des “villes-neuves” dotées d’une charte des libertés, dont la communauté rurale de Lorris-en-Gâtinais, affranchie de corvées féodales, allait pour longtemps servir de modèle. Puis il alla soutenir entre autres les habitants de Mantes (lesquels, défendant leurs propres libertés seraient de meilleurs soldats contre le roi d’Angleterre...) ou ceux d’Amiens, les plus aptes à contenir la turbulence des seigneurs de la contrée. À Laon les choses se passèrent mal : les émeutiers poussés par un scélérat nommé Thomas de Marle envahirent en 1112 le palais épiscopal et tuèrent à coups de hache l’évêque caché... dans un tonneau. Seule la justice royale pouvait trancher un tel conflit : Louis VI imposa l’ordre, puis dix ans plus tard, les esprits enfin calmés, il accorda à la ville de Laon tout ce qu’elle réclamait de juste. L’affaire se terminait sans rancune.

    Le grand mérite de Louis pendant tout son règne allait être non seulement d’accepter l’espèce de révolution en train de se produire, mais d’en prendre la tête pour en faire valoir ce qu’elle avait de juste. Lui-même et ses descendants qui confirmèrent sans cesse les libertés des villes ont offert à la France l’occasion d’un grand progrès des libertés.

    La chose mérite d’être évoquée dix siècles plus tard, à quelques jours des élections municipales, où l’on va voir la politicaillerie républicaine instrumentaliser les plus précieuses libertés reçues de nos rois.

     

    Michel Fromentoux L’Action Française 2000 n° 2743 – du 5 au 19 mars 2008

  • Les Enseignants pour l’Enfance écrivent à Benoît Hamon

    La lettre est ici. Extrait :

    "Comme vous le savez sans doute, le passage à la rue de Grenelle de votre prédécesseur aura laissé la marque de blessures profondes. Animée du projet d’avoir voulu « changer les mentalités », comme ce dernier aura pu l’écrire le 4 janvier 2013 dans une lettre aux rectrices et recteurs d’Académie, son action aura été une succession de maladresses et de violences. Les mensonges, reniements et falsifications dont il a fait preuve s’expliquent par la volonté qu’il a manifestée de vouloir inculquer aux jeunes les rudiments de l’idéologie du genre. Légitime à titre d’hypothèse scientifique, cette doctrine n’a pas sa place à l’École de la République, dont la mission première réside dans la transmission des connaissances. 

    Mais il y a eu pire encore. Ayant voulu entrer jusque dans la conscience des enfants, l’entreprise de Monsieur Peillon aura eu pour effet d’éveiller, chez bien des parents, une vive suspicion à l’endroit de l’autorité scolaire. Pour la première fois en effet dans l’histoire de notre institution, des milliers de parents ont retiré leurs enfants de l’École. Spontané et signifiant, ce geste a montré le divorce qui s’est installé au cœur de notre République et qui sépare désormais l’État des familles.

    Pour toutes ces raisons et dans un souci d’apaisement, nous vous demandons, au nom de notre association et de tous les parents qui soutiennent celle-ci, de retirer l’ABCD de l’Égalité de la programmation scolaire. Portés par un même désir d’unité, nous souhaitons que soit suspendue la diffusion du film « Tomboy » aux élèves du Primaire."

    Michel Janva

  • Compte-rendu de la soirée de solidarité du samedi 5 avril 2014

    Les militants et sympathisants du Cercle Non Conforme (réseau MAS) se sont retrouvés samedi soir avec les membres de l’association Zenit pour une conférence intitulée « Souveraineté populaire, solidarité nationale, fraternité européenne ».

    Les camarades de l’association Zenit ont débuté la conférence en présentant leur position sur le thème du soir, leur association, leur travail au sein de Solidarité Identités et en répondant à diverses interrogations du public.

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    Puis les deux responsables du projet Entraide Solidarité Famille ont expliqué et présenté les projets du MAS dans l’aide aux familles et ont également éclairé le public sur d’autres actions de Solidarité Populaire, l’association du MAS en charge de l’action sociale.

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    Très belle soirée marquée par une sincère et belle camaraderie européenne et qui nous aura permis de récolter de nombreux dons qui seront utilisés pour les Français en grande précarité.

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    Le Cercle Non Conforme http://cerclenonconforme.hautetfort.com/

  • De Napoléon à Louis XVIII

    Le Figaro Magazine - 28/03/2014
    En 1814, Talleyrand gagne le tsar au retour des Bourbons.
         Le 31 mars 1814, il y a deux cents ans, Alexandre Ier, tsar de toutes les Russies, entrait dans Paris en vainqueur. La veille encore, on s'était battu à Pantin et à Montmartre. C'était la fin de la campagne de France. Deux mois durant, Autrichiens, Prussiens, Russes, Britanniques et Suédois avaient affronté un Napoléon qui avait retrouvé l'énergie et le génie stratégique de sa jeunesse, comme le rappellent les témoignages réunis par l'historien Jean-Joël Brégeon (1). Vaincus à Montmirail, à Champaubert, à Montereau et à Reims, les coalisés l'avaient quand même emporté, leurs troupes ayant pour elles le nombre et l'expérience, et la volonté d'en finir, tandis que l'Empereur s'était battu avec les débris de la Grande Armée et des conscrits inexpérimentés, et que la lassitude pointait dans un pays qui, à l'issue de vingt années de guerre, aspirait à la paix.
         La suite n'était pas écrite d'avance : les souverains alliés n'étaient pas d'accord entre eux sur le sort à réserver à la puissance occupée. Talleyrand, ancien ministre des Relations extérieures, désormais brouillé avec Napoléon, estime que le rétablissement des Bourbons serait accepté par les vainqueurs comme par les Français, une fois leurs réticences dissipées. Le diplomate commence par en convaincre le tsar qui loge chez lui, rue Saint-Florentin, tout en lui exposant que cette nouvelle orientation politique ne doit pas émaner de l'étranger. Le 3 avril, le Sénat vote donc la déchéance de Napoléon et, deux jours plus tard, fait appel au comte de Provence (Louis XVIII), qui est invité à devenir « roi des Français (...) par le voeu de la nation ».
         Talleyrand a imposé une solution française, mais Alexandre Ier s'y est rallié, et amènera les autres souverains à cette solution, parce que le tsar, homme des Lumières, a reçu l'assurance que la Restauration ne serait pas la restauration de l'Ancien Régime. Cet épisode est connu, mais Marie-Pierrre Rey, une spécialiste de la Russie, l'éclaire d'un jour nouveau (2). C'est un paradoxe : l'institution d'une monarchie libérale, en France, en 1814, a été rendue possible par la rencontre du Diable boiteux, qui avait servi tous les régimes, et du tsar, qui était un autocrate.
    Jean Sévillia http://www.jeansevillia.com/index.php?page=fiche_article&id=327
    (1) Histoire de la campagne de France. La chute de Napoléon, de Jean-Joël Brégeon, Perrin, 400 p., 21 €.
    (2) 1814. Un tsar à Paris, de Marie-Pierre Rey, Flammarion, 332 p., 22 €.