« Ce sont surtout des Juifs assimilés et très attachés à leur citoyenneté française qui vont mettre le doigt dans l’engrenage d’une collaboration avec les autorités de Vichy »
(d’après l’avant-propos de Jean-Claude Valla publié dans son livre Ces Juifs de France qui ont collaboré, « Cahiers Libres d’Histoire n°8 », éditions Dualpha).
Des Juifs ont-ils réellement collaboré durant la IIe Guerre mondiale ?
Les sionistes ont flirté avec l’antisémitisme qu’ils considéraient volontiers comme leur meilleur allié contre l’assimilationnisme. Dans un discours prononcé en 1960 à l’ouverture du Congrès juif mondial, le Dr Nahum Goldmann, son président, semblait encore regretter que « la disparition de l’antisémitisme classique » ait eu « un effet très fâcheux » sur le comportement des Juifs. Pourtant, ce sont surtout des Juifs assimilés et très attachés à leur citoyenneté française qui vont mettre le doigt dans l’engrenage d’une collaboration avec les autorités de Vichy et, en zone occupée, avec le service antijuif de la SIPO-SD.
Paradoxalement, des antisémites ont choisi la Résistance ou la France libre ?
Oui, tandis que des Juifs ont reconnu la légitimité du gouvernement de Vichy et fait preuve d’une totale loyauté à l’égard du Maréchal. Il s’en est même trouvé quelques-uns, comme Kadmi Cohen, pour collaborer avec le Commissariat général aux Questions juives et apporter une contribution à la législation antisémite, en attendant que soient réunies les conditions d’un retour en Palestine. Kadmi Cohen était un sioniste intégral, parfaitement logique avec lui-même.
Une large part de ce cahier est précisément consacrée à l’Union générale des israélites de France (UGIF) ?
C’est un organisme où des Juifs ont accepté, bon gré mal gré, d’exercer des responsabilités. Les lecteurs ne seront pas surpris que Jean-Claude Valla se soit abstenu de tout manichéisme pour étudier un sujet aussi complexe. Il aurait pu reprendre à son compte les graves accusations portées contre les dirigeants de l’UGIF par Maurice Rajsfus dans plusieurs de ses livres et relancer ainsi la polémique. Fils de déportés juifs, Rajsfus n’était pas suspect d’antisémitisme. S’il avait mis les pieds dans le plat, c’était sûrement à bon escient.
Ces Juifs qui ont collaboré ont-ils été inquiétés à la fin de la guerre ?
Aucun rapport avec les condamnations qui ont frappé les goyim engagés dans le même combat. Combien de Français qui n’étaient pas de confession ou de culture israélite ont été fusillés, abattus comme des chiens, lourdement sanctionnés ou mis au ban de la société pour avoir voulu, eux aussi, ruser avec l’ennemi et sauver ce qui pouvait l’être ? Or, à l’exception de Joseph Joinovici qui a bénéficié d’un traitement de faveur et d’un supplétif de la Gestapo, moins chanceux, qui a été condamné à mort et exécuté, aucun Juif suspecté de collaboration n’a été traduit devant la justice. Ce sont des jurys d’honneur mis en place par le Conseil représentatif des Juifs de France qui ont jugé les suspects en catimini et les ont systématiquement acquittés. Ainsi furent soustraits aux lois communes de la République les ressortissants d’une communauté qui ne cesse d’en invoquer les mânes.
_ Jean-Claude Valla, (1944-2010) a été le premier directeur de la rédaction du Figaro Magazine et l’auteur de nombreux livres d’histoire. De même, il fut le directeur de Magazine Hebdo (1983-1985) avant de diriger La Lettre de Magazine Hebdo. Ancien collaborateur d’Historia, d’Historama, du Miroir de l’histoire et d’Enquête sur l’histoire, il collaborait depuis 2002 à la Nouvelle Revue d’Histoire de Dominique Venner. Il fut président d’honneur du Comité français des fils et filles de victimes des bombardements de la IIe Guerre mondiale (2001-2005).
Ses « Cahiers Libres d’Histoire ont, dès leur parution, rencontrés un énorme succès qui ne se dément pas et sont sans cesse réédités.
www.francephi.com.
culture et histoire - Page 1596
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Ces Juifs de France qui ont collaborés
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In memoriam - USA
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L'historien face à l'économie. Entretien avec Goff Le Jacques, historien.
Propos recueillis par Sylvain Allemand
Historien médiéviste, Jacques Le Goff est l'un des principaux héritiers de l'école des Annales, qui a révolutionné l'approche historiographique.
En quoi l'histoire de la pensée économique a-t-elle été utile à vos travaux de médiéviste ?
Sans être un spécialiste de cette pensée, j'y ai consacré de longs développements dans deux de mes livres: Marchands et banquiers au Moyen Age (1956) et La Bourse et la vie (1986), qui a pour sous-titre "Economie et religion au Moyen Age". J'appartiens par ailleurs à une génération d'historiens et à un mouvement historiographique (les Annales) qui ont accordé à l'économie et à la pensée économique un intérêt notoire par rapport aux historiens traditionnels. Cependant, en tant que médiéviste, je m'intéresse à une période où le fait économique à proprement parler et la pensée économique proprement dite tiennent peu de place et dont on peut même dire, à la limite, qu'ils n'existent tout simplement pas en tant que tels. Ainsi que l'a montré le théoricien américain d'origine hongroise Karl Polanyi, qui m'a personnellement beaucoup marqué, ce qui relève de ce que l'on appelle aujourd'hui l'économie était "encastrée" dans le social.
Même si cela ne m'a pas empêché de prendre en considération l'économie, je suis convaincu qu'il n'y a pas eu de pensée économique autonome au Moyen Age. En cela, je me démarque d'autres historiens qui, comme Raymond de Roover par exemple, ont jugé utile de parler de pensée économique pour cette période. Il me semble que c'est un anachronisme. Au Moyen Age, quand on parle d'économie, en particulier à partir du XIIIe siècle, c'est uniquement au sens aristotélicien du terme, c'est-à-dire d'oikonomia qui, en grec ancien, signifie la gestion de la maison. Et s'il existe des réflexions d'ordre économique, elles s'inscrivent dans la pensée scolastique en général.
Prétendre trouver une pensée proprement économique est une erreur de perspective. Cependant, des opinions élaborées sur des phénomènes que nous qualifierions aujourd'hui d'économiques peuvent se trouver dans la pensée scolastique. A cet égard, un des scolastiques tardifs les plus intéressants est l'archevêque de Florence, Augustin: au début du XVe siècle, dans sa somme théologique, il étudia avec une grande acuité une notion particulièrement importante en économie, la valeur.
C'est pourtant au Moyen Age que l'on doit des innovations économiques importantes comme, par exemple, la lettre de change…
Elle voit en effet le jour au cours du Moyen Age, mais elle apparaît dans un contexte particulier et dans un tout autre horizon. Tout en ayant indéniablement une valeur financière, elle était d'abord considérée et utilisée comme un instrument de circulation des marchandises, plus que comme un instrument proprement économique. On peut dire la même chose de la monnaie, que la science économique moderne a annexée comme objet d'étude. Au Moyen Age, les frappes monétaires ont joué, comme les pratiques de crédit et de change ou encore les mutations monétaires, un rôle extrêmement important, mais en revêtant encore une fois des significations où se mêlent l'économique, le politique et le culturel. Les économistes ont eu tendance à réduire la monnaie à un instrument d'échange artificiel, alors que l'on sait très bien - si on lit les anthropologues et les ethnologues - qu'il y eut des monnaies d'échange de tout autre nature que celles que nous connaissons. Un historien spécialiste du XVIIe siècle, Jean Meuvret, auquel on ne fait pas à mon sens une place suffisante dans l'historiographie, s'était précisément employé à penser la monnaie dans une perspective qui n'était justement pas strictement économique.
La mise en perspective historique des faits et des instruments économiques permet de faire apparaître des continuités, mais aussi leurs significations particulières selon les contextes. Et éviter ainsi la tentation d'une vision par trop linéaire de l'histoire des faits comme de la pensée économique à laquelle ont trop souvent recours les économistes d'aujourd'hui.
Alternatives Economiques Hors-série n° 073 - avril 2007
Source : Alternatives économiques : http://www.alternatives-economiques.fr/l-historien-face-a-l-economie_fr_art__6115.html
http://www.voxnr.com/cc/dh_autres/EFAyVlEyFlLjlMuOyn.shtml -
Radio Courtoisie - Libre journal de la Chrétienté 20140403
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Le trotskisme aux poubelles de l'histoire (arch 2008)
Un certain Pierre Boussel, dit Lambert, est mort le 16 janvier dernier. Il a été réduit en cendres le 23 janvier, au Père-Lachaise. En présence de MM. les camarades Mailly, Blondel et Bergeron, de la CGT-Force ouvrière, syndicat créé avec les dollars de l’AFL-CIA. En présence aussi de MM. Mélenchon et Filoche, ci-devant trotskistes du Parti socialiste, passé du côté du désordre bourgeois depuis 1914. Lambert avait 88 ans. Il avait répondu à l’appel de Lev Davidovitch Bronstein, dit Léon Trotski, en 1938, et rejoint la IVe Internationale. Depuis 1954, il dirigeait l’OCI, Organisation communiste internationaliste, l’un des trois principaux débris de la IVe en France, « pour la reconstruction de la IVe Internationale ».
De mortuis nihil nisi bene : d’un mort on ne dit rien, sinon du bien. Je n’ai donc rien à dire de Lambert. Je m’en tiendrai à juger de ses fruits. Dans cet exercice, j’ai été précédé par les tribunaux, qui ont eu à juger des malversations trotskistes à la mutuelle étudiante MNEF, comme au comité d’entreprise de la Sécurité sociale.
Le Pété (Parti des Travailleurs), dernier avatar du lambertisme, vient d’annoncer un avatar de plus : le POI, Parti ouvrier indépendant. Le Pété comportant déjà de prétendues tendances socialope, stalinienne et anarcho-syndicaliste (simples sas vers la Vérité), on se demande quelle nouvelle succursale va encore tenir les pigeons en haleine. La fraction poivrot-schivardiste ?
La LCR (Ligue communiste révolutionnaire) ne saurait rester à la traîne, en fait d’opportunisme et de révisionnisme liquidateur. Son porte-parole Besancenot, miraculeux propriétaire d’un luxueux appartement à Montmartre, annonce qu’elle va se dissoudre dans une vague soupe “anticapitaliste”, sous l’effigie du “Che”, icône de « la grande distribution et de la friperie capitaliste », comme l’écrit si bien la NRH.
Quant à l’Union communiste, qui publie Lutte Ouvrière, la clique pourtant la plus sectaire du trio de frères ennemis, elle en est à faire listes communes avec des sociaux-traîtres du PS néo-libéral, à l’occasion des prochaines municipales.
Il est donc permis de penser que tous ces gens, tous, sont entrés dans la voie des trotskistes de Ceylan, qui en 1964 ont été autorisés à plonger le groin dans l’assiette au beurre gouvernementale, en échange d’un reniement pur et simple.
Le trotskisme en cendres
Comme Lambert, le trotskisme est en cendres. « J’y étais l’honnête homme qui cautionnais une escroquerie », a déclaré à Canal +, peu avant sa mort, Pierre Broué, historien du mouvement ouvrier si considérable que la NRH n’hésite pas à s’y référer. Mais dès les années cinquante, des dissidents (Claude Lefort) ont prédit que le trotskisme ne pourrait jamais se développer, parce qu’il n’était qu’un appendice du stalinisme, quelle que soit la violence de la concurrence entre ces deux variantes du léninisme totalitaire. Un stalinanisme, en somme.
Je ne suis pas seul à voir Trotski dans ces « poubelles de l’histoire » où il précipita si brutalement ses camarades mencheviks en 1917, avant d’inaugurer les massacres que Staline perfectionnerait. Stéphane Courtois – autorité mondiale depuis la publication de son Livre noir du communisme (1997), traduit en vingt-cinq langues – exprime la même vision au terme d’un entretien fouillé avec la NRH (La Nouvelle Revue d’histoire, n° 34, janvier-février 2008, remarquable dossier “Trotski et le trotskisme”) : « À partir du moment où la doctrine elle-même n’est plus assumée par ceux qui en sont les porte-parole, on peut penser que le phénomène va se diluer dans le courant altermondialiste. En résumé, je crois que le trotskisme n’est pas voué à un grand avenir. »
Beaucoup de nos camarades du mouvement national ne parviennent pas à le comprendre. Ainsi Jean Cochet, qui soutient que « la métamorphose des trotskos consiste juste à changer d’habits » dans Présent du 30 janvier. Mais nous ne sommes plus à la veille de l’Octobre rouge, quand Lénine rejetait la dénomination de “social-démocrate” « comme une chemise sale ». Nous sommes à l’autre extrémité du cycle historique qui a emporté très loin l’utopie communiste, un des plus vieux rêves de l’humanité, et qui la ramènera, on ne sait quand, dans une “chemise”, dans des “habits” que personne ne reconnaîtra. Ni Cochet, ni Besancenot.
Au moment de refermer la porte sur ma jeunesse et mes illusions mortes *, je ressens quelque chose d’assez semblable à l’amertume de Louis Aragon, dans Le Roman inachevé, quand la déstalinisation paraît inéluctable, malgré la résistance frénétique du PC”F” :
On sourira de nous comme de
[ faux prophètes
Qui prirent l’horizon comme une
[ immense fête
Sans voir les clous perçant les
[ paumes du Messie
Patrick Gofman L’Action Française 2000 n° 2741 – du 7 au 20 février 2008
* Patrick Gofman évoquait ses souvenirs de permanent trotskiste bénévole (!), de 1967 à 1979, dans Coeur-de-cuir (Flammarion, 1998). Il vient de publier Hillary démasquée, meilleure vente des éditions Pardès en janvier 2008 (128 pages, 12 euros (cf. L’Action Française 2000 n° 2740 du 17 janvier 2008). -
Ce catholicisme que certains aimeraient réduire à néant…
C'est la religion catholique qui a façonné notre pays. En tentant coûte que coûte de la réduire à néant, la République prend un risque considérable.
« On ne peut construire un pays de libertés avec le catholicisme […] il faut fonder une religion républicaine. » Vous avez sans doute déjà entendu cette phrase désormais fameuse de l’ex-ministre de l’Éducation nationale, Vincent Peillon. Aujourd’hui, le débat sur la place du catholicisme en France revient au moment où un rapport nous apprend que 250 églises sont menacées de démolition en France, que l’église Sainte-Rita (XVe) va être détruite pour laisser place à des HLM et que seuls 21 % des 18-24 ans se déclarent catholiques.
Le ministre est parti, me direz-vous, mais l’idéologie reste, bien ancrée comme une tique à sa plaie. Depuis la Révolution française et l’instauration de la République, la France nourrit une profonde haine pour le catholique qui représente le royaliste, le réactionnaire, celui qui s’oppose au rythme immuable du progrès et à l’ordre républicain. En son temps, Gambetta disait déjà : « Le cléricalisme, voilà l’ennemi ! ». C’était il y a 130 ans, l’idéologie reste, on vous dit…
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"Patrie, Nation et État" par Civitas
Définitions :
La Patrie se définit comme la « terre des pères » et le capital, l’héritage que nous laissent les aïeux, héritage matériel aussi bien que spirituel et moral. Elle est avant tout un sol, un territoire, un dessin sur une carte. Comme l’a dit Péguy, elle cette quantité de terre où l’on parle une langue, où peuvent régner des mœurs, un esprit, une âme, un culte. « Elle est cette portion de terre où une âme peut respirer » et où un peuple peut ne pas mourir.
Une patrie c’est tel territoire qu’ont transformé les générations humaines en le cultivant, en exploitant les carrières et les mines, en y construisant maisons, châteaux, usines, routes, hôpitaux, universités, mairies, palais de justice, cimetières, imprimeries, églises et cathédrales. « Une patrie, ce sont des champs, des murs, des tours et des maisons ; ce sont des autels et des tombeaux : (…) il n’y a rien au monde de plus concret ». La patrie est donc le fruit de ce que l’histoire a accompli sur un peuple.
La Nation ne se conçoit pas sans cet héritage. Elle est l’ensemble des héritiers, ceux qui ont un lieu commun par la « naissance » (natus). C’est la communauté vivante des héritiers passés, présents et à venir. La nation implique une dimension de solidarité dans le temps et dans l’espace, la notion de communauté de destin. Si la Patrie désigne surtout l’héritage, la Nation désigne la communauté vivante des héritiers qui se transmettent et gèrent cet héritage, qu’est la Patrie.
L’État, puissance publique ou encore puissance gouvernementale, est la société organisée politiquement. C’est une société organique, hiérarchisée, protégée par un pouvoir. Il s’agit d’une entité politique et juridique durable, constituée par une collectivité formant sur un territoire un groupe indépendant et soumis à une autorité supérieure.
On comprend ainsi la prévalence de la Nation sur la Patrie, du nationalisme sur le patriotisme, dans l’ordre des nécessités, car si perdre un territoire c’est perdre une partie du sol national et perdre des hommes, c’est perdre une partie du sang de la nation, par contre perdre l’idée nationale, c’est perdre l’âme même de la nation.
Ces trois notions ne se superposent pas nécessairement, ni dans le temps ni dans l’espace. Un état peut-être plurinational dès lors que plusieurs nations sont placées sous sa tutelle comme autrefois l’Autriche-Hongrie et comme aujourd’hui la Grande-Bretagne (Angleterre, Irlande, Pays de Galle, Ecosse), la Suisse (23 cantons), la Belgique (Wallonie et Flandre). De même, une nation peut dépendre d’au moins deux États différents, c’est le cas de l’Irlande partagée entre deux souverainetés : l’Eire et le Royaume-Uni.
Par Jean-Marie Lagarde, article tiré du numéro 4 de la revue Civitas (mars 2002) : L’État.
http://francenationaliste.wordpress.com/2014/03/31/patrie-nation-et-etat-par-civitas/
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Jacques Le Goff et les origines de l’Europe
L’Histoire n’est pas une branche très fun à l’école. Apprendre des dates, les faits accomplis par quelques personnages connus, est réducteur du passé humain. Ecolier, je demandais toujours comment vivaient les gens du peuple, ce qu’ils pensaient. Le Moyen-Âge a été à cet égard un modèle de la désinformation officielle.
Un autre regard sur le monde passé
L’historien français Jacques Le Goff, décédé hier, faisait partie des ceux qui ont modifié la manière de rendre compte de l’Histoire des humains. Avec quelques autres il est sorti des chemins officiels où l’on présentait la période médiévale comme une barbarie obscure. Le Goff, Jacques Heers, Virginie Pernoud, Jacques Duby, ont participé à un nouvel angle de lecture du passé. Ils ont montré que cette société médiévale était structurée sur des bases de mutualité et d’ordre. Le seigneur local n’était pas ce potentat ayant droit de vie ou de mort sur ses gens. Il était à la fois protecteur et garant de la justice sur un territoire donné, à une époque peu centralisatrice.
J’ai déjà développé (1) la question du Moyen-Âge, avec de nombreuses références à un autre grand historien novateur, Jacques Heers. Ces historiens comme Jacques Le Goff ne se sont pas contentés d’être des chroniqueurs du passé, rendant compte des dates des grandes batailles et des forces en présence. Ils sont allé chercher des informations concrètes sur la vie des gens. Archives religieuses, chroniques judiciaires, témoignages, archives des transactions de terres ou de bien au sein de la population, éléments artistiques, archéologiques, littéraires, tout ce qui pouvait illustrer la vie au quotidien a été et est encore aujourd’hui recherché, analysé, recoupé, confronté, afin de tenter d’obtenir une image réaliste des modes de vie, des préoccupations, des courants de pensée dans cette vaste période dite du Moyen-Âge.
Légende noire ou époque créative
Ce qui a été dit par les Lumières, comme le droit de cuissage ou l’exagération de l’ampleur de l’Inquisition et de ses procédures, est très largement inventé à des fins politiques. Cette Légende noire visait à faire rejeter l’ordre sociétal en place et qui se terminait avec l’Ancien Régime, et de promouvoir un ordre nouveau, un Homme nouveau. En réalité ce mouvement libéral assurait la promotion économique et politique des riches marchands, premiers bourgeois que la Révolution française a hissé durablement au sommet du pouvoir.
Un nouveau courant de pensée s’établissait, en rupture avec l’acceptation du destin et des limites reconnues par la religion, laquelle religion était au Moyen-Âge un idéal profond et élevé de vie bien plus qu’une simple contrainte. Dieu était le symbole de la limite individuelle, la garantie de l’honnêteté des relations humaines et de leurs fondations. Avec Dieu, mentir est une violence faite à soi-même, à sa propre conscience. Sans Dieu, mentir n’est qu’un préjudice à autrui.
La période qui a suivi la Révolution est d’ailleurs marquée par le désir et l’affirmation d’une toute-puissance humaine, dont la théorie du genre est un avatar moderne. Ce mouvement peut toutefois trouver son origine dans la période où les croyants chrétiens ont été perçus comme co-auteurs de la venue de la justice de Dieu sur Terre. De subissants, ils se sont mis à contribuer à l’oeuvre spirituelle, ce qui est spécifique au christianisme et qui a ouvert la porte à la démocratie.
Jacques Le Goff a participé à dénoncer la Légende noire, à montrer un Moyen-Âge non pas obscurantiste mais lumineux, malgré aussi ses limites. A cette époque les pèlerinages permettaient non seulement une ascèse personnelle mais aussi la rencontre de cultures différentes et le développement d’une dimension européenne consciente. Une époque créative, imaginative, qui a produit des auteurs de renoms. Qui a instauré la trève dans les guerres, a construit les cathédrales, étudié les classiques grecs.
Qui s’est ouverte sur le monde. Qui a imaginé les premières université, valorisé la pensée en tant qu’activité supérieure. Qui a codifié la musique et développé le chant grégorien, a développé l’amour courtois. Qui a connu les grandes foires commerciales et une forme de mondialisation qui, associée avec la progression des technologies et le réchauffement climatique médiéval, a apporté la prospérité à de nombreuses populations.
L’importance du corps
Dans une interview au magazine Le Point en 2011, Jacques Le Goff précise à propos du chant grégorien :
« C'est une musique qui engage le corps, dont vous avez toujours souligné l'importance pour les hommes du Moyen Âge...
Oui, elle participe de la joie du corps. Or l'un des antagonismes fondamentaux du Moyen Âge, c'est justement le rapport au corps, objet de deux sentiments contradictoires : il est humilié, parce qu'il est l'objet du péché d'Adam et Ève, et les moines le mortifient par le jeûne, l'abstinence ou même la flagellation. Mais, en même temps, le christianisme est la seule religion qui considère comme un dogme la résurrection des corps et qui estime que les élus auront un corps glorieux au paradis.
Mais au quotidien, comment vit-on son corps ?
Pour le Moyen Âge, le sens principal, c'est l'oeil. Cela s'explique en partie par la théologie médiévale. Si les cinq sens sont une notion qui nous vient de l'Antiquité, les sociétés postérieures ont donné une importance plus ou moins grande à tel ou tel de ces sens. Pour les théologiens du Moyen Âge, surtout à partir du XIII siècle, Dieu est lumière. C'est donc la vue qui est le sens le plus proche de Dieu. Ce qui n'empêche pas que l'odorat ou le toucher soient très importants. Mais l'oeil, c'est aussi très sensuel ! Le Moyen Âge a été d'ailleurs d'une extrême sensibilité à la couleur. C'est un autre aspect de la recherche de la joie qui caractérise cette époque pleine de rires... »
Le Goff a souligné l’importance du corps au Moyen-Âge, dont l’époque actuelle est redevable. Le résumé de son ouvrage Une histoire du corps au Moyen-Age dit ceci : « Le corps a trop longtemps été oublié par l'histoire et les historiens. Or, il constitue l'une des dynamiques majeures de l'Occident. De l'abstinence des prêtres aux délices du pays de cocagne, du christianisme au paganisme, du rire au don des larmes dont Saint Louis était dépourvu, de la mode vestimentaire aux sports, du célibat à l'amour courtois, d'Héloïse à Abélard jusqu'à Saint François, le corps est le siège d'une tension fondamentale. »
Le Goff est sorti des sentiers battus symbolisés par l’aphorisme réducteur de Marx qui définissait le religion comme « l'opium du peuple ». Pour l’historien on ne peut aborder le fait religieux avec nos lunettes d’aujourd’hui. Il précise par ailleurs que si Moyen-Âge a posé les bases de la conscience collective en termes d’européens ou de chrétienté, le christianisme y a contribué, qui a porté les germes de la laïcité, de la séparation de l’Eglise et de l’Etat.
L’Histoire de notre passé aide à comprendre notre époque, si collée sur elle-même, dotée de si peu de recul, sorte de « modernité effarée » pour citer l’historien, croyant qu’elle a inventé l’humanité avec les Droits humains. La réalité est différente. Jacques Le Goff nous invite à s’en rendre compte par nous-mêmes. Son étude de l’époque médiévale est une somme de connaissances transmises dans de nombreux ouvrages. On ne peut aujourd’hui qu’encourager à lire ou relire Jacques Le Goff.
Par quoi commencer ? Le choix est vaste et difficile tant l’historien a touché à presque tous les aspects.Quelques pistes :
Refusant la légende " noire " du Moyen Age, comme les rêveries trop idéalisées, il fait revivre l'intense richesse d'une civilisation, marquée par l'Eglise chrétienne. Insistant sur la capacité d'innovation d'une culture qui se disait hostile à toute nouveauté, il n'hésite pas à évoquer de multiples " renaissances ". Ce livre passionnant et très accessible dessine un Moyen Age ignoré, novateur, effrayé par les millénarismes et pourtant largement porté par l'espoir. Jacques Le Goff montre avec un immense talent que l'humanisme n'a pas attendu la Renaissance pour apparaître. Et que l'Europe à venir ne saurait s'inventer en oubliant son passé.
Mais il y a aussi et surtout un "beau" Moyen Âge, et les enfants l'adorent. C'est celui des chevaliers et des tournois, des châteaux forts et des cathédrales, des jongleurs et des troubadours, des foires et des pèlerinages. Le Moyen Âge, c'est aussi la quête du Graal, la légende des chevaliers de la Table ronde, le roman de Tristan et Iseut, Notre Dame de Paris, les anges, les saints, les fées et les monstres, le combat de Carnaval et le Carême...Enfin, c'est au Moyen Âge que naît l'Europe, l'unité de sa culture dans la diversité de ses pays et de ses langues.
Jacques le goff, histoire, moyen-âge, médiéval, légende noire, foi, religion, christianisme, « Un autre Moyen Âge c'est un Moyen Âge total qui s'élabore aussi bien à partir des sources littéraires, archéologiques, artistiques, juridiques qu'avec les seuls documents naguère concédés aux médiévistes "purs". C'est la période qui nous permet le mieux de nous saisir dans nos racines et nos ruptures, dans notre modernité effarée, dans notre besoin de comprendre le changement, la transformation qui est le fonds de l'histoire en tant que science et en tant qu'expérience vécue. C'est ce passé primordial où notre identité collective, quête angoissée des sociétés actuelles, a acquis certaines caractéristiques essentielles. »
Le clerc est le descendant d'une lignée originale dans l'Occident urbain du Moyen Age : celle des intellectuels. L'enquête de Jacques Le Goff est une introduction à la sociologie historique de l'intellectuel occidental.
http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/jacques-le-goff-et-les-origines-de-150208
(1) http://hommelibre.blog.tdg.ch/histoire/
(2) http://www.lepoint.fr/culture/jacques-le-goff-le-moyen-age-est-une-epoque-pleine-de-rires-01-04-2014-1807943_3.php -
Le Francisme et le Fascisme
« Le vrai socialisme c’est le Francisme ! »
"Début 1933, l’initiative de Gustave Hervé ayant échoué comme celle de George Valois, Marcel Bucard fonde le 29 septembre 1933 à 23heures, sous l’Arc de Triomphe devant 25 camarades un « mouvement d’action révolutionnaire » qu’il nomme le Francisme et qu’il définit ainsi : « c’est du fascisme à la française, c’est-à-dire un fascisme appliqué à notre caractère, à notre tempérament, avec des méthodes et des moyens de chez nous » (…) Les francistes portent la chemise bleue en solidarité avec la classe ouvrière. Son drapeau est celui de l’armée française portant brodé à son revers l’insigne du Francisme qui veut symboliser l’union du paysan (épi de blé) de l’ouvrier (roue dentée) et du soldat (francisque). Son salut est le geste romain (…) Pour les francistes, il s’agit de réaliser un idéal de paix, d’ordre et de justice en détruisant le système parlementaire véreux au profit de l’État corporatiste. Férocement anti-communiste, les chemises bleues n’en attaquent pas moins le système libéral capitaliste (…) Le métèque est dénoncé comme un parasite et le franc-maçon comme un agent de décomposition (…) Reconnu par Mussolini comme l’expression française du fascisme, le mouvement franciste reçoit l’appui politique et financier de l’Italie. En Septembre 1934, il participe au congrès Pan européen des fascismes à Montreux : « L’union des fascismes fera la paix du monde », où sont présent entre autres, José Antonio Primo de Rivera et Léon Degrelle. Le Francisme se veut un mouvement populaire de masse regroupant entre autres des sections féminines de jeunesse et également coloniales. Le tout encadré par un service d’ordre étoffé, les corps francs, des écoles de préparations physiques, des écoles de cadres et de cadets… Le Francisme revendique 50 000 militants en 1936 et son journal « le Franciste » tire à 20 000 exemplaires (…) Les affrontements vont s’intensifier avec les rouges et la police régimiste servant de prétexte à la dissolution du parti franciste ordonné par Léon Blum parallèlement à celle des ligues de droite en 1936. Les activités se poursuivent néanmoins sous le couvert des « amis du Franciste » (…) En 1939, partisan acharné de la paix en Europe, Marcel Bucard appel néanmoins ses militants en septembre à rejoindre leurs unités et à combattre avec « Honneur, Héroïsme et Esprit de sacrifice » (…) Revenu en France en 1940, il rallie la révolution Nationale du Maréchal Pétain tout en demeurant très critique à l’égard de la charte du travail trop favorable au patronat. Le mouvement sera relancé dans les 2 zones. Face au danger soviétique, le Francisme est favorable à une collaboration poussée avec l’Allemagne (…) À partir de cette époque, les « terroristes » vont intensifier les attentats meurtriers contre les collaborationnistes. Face aux carences de l’État, les Francistes vont réagir dans le cadre de la Milice Révolutionnaire Nationale (…) de nombreux Francistes combattent sous l’uniforme de la milice française de Joseph Darnand (…) Alors que les armées alliées progressent vers la frontière allemande, les Francistes s’installent eux aussi à Sigmaringen…
Les seuls fascistes français !
http://francenationaliste.wordpress.com/2014/03/31/le-francisme-et-le-fascisme/
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Vae Victis - Hors la loi