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«Le paradoxe de l’époque veut que cette intensité liberticide coïncide avec des moyens technologiques nouveaux à la disposition de chacun» Nathan Keirn keirnna@gmail.com
Anne-Sophie Chazaud nous offre un éclairage sur les nouvelles formes de censure et les menaces que celles-ci font peser sur le débat public. Selon la chercheuse, un nouvel étau liberticide protéiforme se resserre autour de notre démocratie.
Vous défendez l’idée que la liberté d’expression est en crise et que la défense d’idées qui vont à l’encontre de ce que vous appelez «la morale contemporaine» est aujourd’hui entravée par de nombreuses contraintes qui «étranglent» ceux qui s’y risquent. C’est un point de vue que l’on entend souvent, mais justement, la parution même de votre livre ainsi que du présent entretien ne démentent-ils pas votre propos? Est-ce que réellement, en France, «on ne peut plus rien dire»?
La complainte victimaire du «on ne peut plus rien dire» n’est précisément pas l’objet de ce travail. D’abord parce que la posture victimaire est en elle-même l’un des ingrédients de l’esprit et des méthodes liberticides contemporaines: il serait donc regrettable de s’y adonner tout en la dénonçant. Ensuite, parce que, concrètement, l’étau dont je démonte (et démontre) ici les mécanismes et l’aspect systémique, est en train de commencer à céder sous la pression d’une réaction populaire et intellectuelle qui n’entend plus se laisser dicter ses modes de pensée et d’expression.