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Préface de Nicolas Bonnal à “Indignations politiques” (Chroniques barbares IX) de Philippe Randa

Philippe Randa contre l’erreur médiatique

Je préfère une chronique à un éditorial. Un éditorial sent sa gazette, son directeur de la rédaction, son obligation professionnelle. Même si l’on est son propre patron, on se sent obligé de tenir compte d’un certain nombre d’impératifs plus ou moins catégoriques. Le lecteur, abonné ou pas, a le droit, puisqu’il a payé, d’écouter la voix de son contremaître de la pensée…
La chronique est plus libre. On peut ne pas tenir compte de son lecteur, on peut aussi ne pas tenir compte de l’actualité. La chronique se fait alors considération inactuelle, la chronique évoque le temps de l’Histoire, pas celui précipité de l’actualité chaotique. Le style du chroniqueur en outre ne vieillit pas, alors que celui de l’édi­torialiste…
On peut relire n’importe quelle chronique d’un bon auteur à toutes époques ; le ton, s’il est bon, nous semble familier. Je lis bien sûr très régulièrement les chroniques de Philippe Randa, qu’il me demande ici de préfacer, exercice que je pratique avec curiosité pour la première fois. Internet nous permet finalement de mieux nous connaître et nous suivre alors que nous ne voyons jamais ; voilà pourquoi j’ai jadis parlé de nouvelle voie initiatique.
Je pensais donc connaître ces chroniques d’autant qu’elles datent de l’année écoulée où je me suis comme jamais passionné pour l’actualité qui me semblait un rien apocalyptique : la fin de la monnaie, le printemps en rab, l’affamé du FMI sous les barreaux malgré tous ses appuis, les sacrifices estivaux en Norvège…
Mais une chose est de les lire chaque semaine, une autre de les absorber en moins d’une journée, précipitamment, comme un tord-boyaux ou une liqueur bien forte ! D’autant que Philippe vit et réagit en France, ce qui n’est pas mon cas depuis plus de dix ans maintenant. J’avais donc perdu l’habitude de cette abjection française si fatigante et répétitive, et je me retrouve face à un pavé dans la mare de l’horreur médiatique à la française : ma meilleure défense, c’est la fuite, d’ailleurs facilitée par l’explosion parisienne et azuréenne de l’immobilier… Mais tel est le talent de Randa et les avantages d’un livre de chroniques qu’on le peut goûter à petits gorgées, le savourer avec modération avant de se coucher ou d’aller affronter le métro.
Mieux vaut le plaisir répété que la consommation à outrance d’une denrée aussi excitante et nécessaire ; car il est quand même bon de savoir ou de se rappeler que le mal, cette universelle médiocrité, existe. Nous ne sommes plus en Eden, ni même en France, depuis Maastricht.
Dans les pays où j’ai vécu depuis onze ans, essentiellement en Espagne et en Amérique latine, la presse impressionne par la quantité de ses pages (mais oui !), mais surtout par sa qualité, sa profondeur, ses édifiants éditoriaux surtout de droite d’ailleurs. En France, elle est vraiment lamentable, et la malédiction française veut que nos journaux dits politiquement incorrects (et non plus « nationalistes » ou « d’extrême droite ») ne se vendent pas, ou ne soient pas connus ou simplement n’intéressent pas le con­sommateur de nouveautés providentielles. Il est vrai que le Thé­nardier de la Fin des Temps préfère bouquiner sa revue de motos, de piscines ou de ragots. Quelle race prosaïque que ces Français, disait déjà Lawrence d’Arabie ! Mais n’injurions pas le lecteur potentiel de Philippe Randa, qui tentera, lui, de remonter le niveau du bobo…
Philippe a le goût des formules bien commerciales, qui sont souvent les meilleures : il a imposé dans le paysage éditorial l’expression « politiquement incorrect ». Le politiquement incorrect est tout ce qui doit être tu. Le système repose sur la peur et le mensonge, il repose aussi sur le silence entendu : par exemple la francisque de Mitterrand dont les médias niaient l’existence avant de lui ruer dans les brancards, au père François. Mais tout le monde à droite savait que cette francisque existait et qu’elle tintait. C’est cela être politiquement incorrect et cela dépasse de beaucoup l’extrême droite.
Si Marine Le Pen s’est illustrée et a une chance de s’imposer cette année, c’est bien parce qu’elle a rompu avec l’extrême droite et qu’elle a imposé sa vue politiquement incorrecte : sortir de l’euro qui nous ruinera avant de ne plus rien valoir. Elle applique le même principe que Philippe : souligner ce qui ne va pas entre le fait et sa traduction, dénoncer le mensonge plutôt que de s’en prendre au menteur.
On retrouve donc dans ces chroniques beaucoup de richesse informative (que je n’ai jamais la patience d’acquérir), aucune rage – Philippe est toujours cool et on ne lui connaît guère d’ennemis… –, un ton à la fois serein et philosophe, avec parfois, pourquoi pas ! Un soupçon de révolte, comme celle de nos indignés qui ont défrayé la chronique l’an dernier… et qui inspirent peut-être le titre de cet ouvrage.
J’ai vécu en Espagne cette affaire des indignés venus de France comme toutes les erreurs qui ont frappé ce pauvre pays depuis qu’il est sorti de la « dictature ». Ni instruits, ni motivés, ni guidés, ni courageux (au premier frimas, au début des vacances, pendant les fêtes, ils disparaissent tous), les indignés ont reçu le soutien de Hessel, vague porte-étendard du Parti socialiste français qui est ici venu soutenir Zapatero, l’homme aux cinq millions de chômeurs et honorer la mémoire et la fortune du PSOE, ce Parti socialiste qui n’est ni ouvrier ni espagnol, comme tous les partis sociaux-démocrates européens qui se respectent. Autant dire que le mot d’indigné aura souffert des avanies avec Hessel comme celui – pour Bernanos – d’antisémitisme avec Hitler !
Et pourtant, Philippe Randa s’indigne ! Lui qui fait montre de modération (on l’a dit), de pondération, de considération distinguée, aura choisi l’indignation ! Avec l’âge et la tempe grise, je pensais que l’on s’adoucissait ! Mais comment a-t-il pu ?
Il faut dire que l’année écoulée aura été celle de tous les scandales, de toutes les dépravations, même si 2012, entre le Concordia et les dégradations des notes souveraines, s’annonce aussi bonne… Cette année 2011, dis-je, est un scandale et elle mérite un chroniqueur patenté et de sang-froid pour tout recenser, dénoncer et au besoin expliquer.
Au-delà des faits, il y a les causes (qui a fait l’euro, et pourquoi ? Qui est donc DSK ? Qui est donc Ben Laden ?) ; et au-delà des faits, il y a la bêtise petite-bourgeoise increvable de notre presse, et l’abjection commentatrice.
Philippe garde tout son calme et arrive à user de l’arc ou de la massue pour jauger les carrefours développés et viser les bisons pas très futés qui passent dans la grande prairie de notre monde vide. De ce point de vue, si un auteur et éditeur aussi « force tranquille » que lui a décidé de « s’indigner », c’est qu’il va se passer quelque chose pour le sixième centenaire de notre sainte patronne !
Scandales ? Dénoncer les scandales, et sur un ton un rien paisible, un rien ironique ? Randa a-t-il raison de le faire ? La question est de savoir si comme le disait un cynique italien dans les années 80 – déjà… – « il y avait des scandales, mais il n’y en a plus… », une opinion saturée de la mondaine porcherie en devient-elle blasée ? Je ne le crois pas, Philippe non plus, et c’est pourquoi même il dénonce, par-delà les scandales, les absences de scandales. Malheur à celui par qui l’absence de scandale arrive. Le public se croit informé, il ne l’est pas ; ou il se croit renseigné, comme dans le village du « Prisonnier », et il n’est qu’informé. Il n’a que des bribes. Et c’est pourquoi il lui faut des auteurs et même des éditeurs.
L’opinion n’est pas blasée, elle est impuissante. Elle a le droit de voter pour être déçue dans le pire des régimes à l’exclusion de tous les autres, et elle doit choisir en général entre Laurel et Hardy, sauf en France où, tout de même, nous avons la chance de humer la fragrance politiquement incorrecte d’une famille bretonne fidèle à son destin… Je me demande d’ailleurs si ce n’est pas à cette presse désastreuse qualitativement et moralement que je dénonçais plus haut que nous devons le lepénisme politique que le monde entier nous envie.
À cet égard, Philippe a choisi non pas son camp, mais sa région politique et métapolitique, celle des exclus des plateaux télé, où l’on trouve de tout, idéologiquement et même éthologiquement ! même des modérés comme lui dont le ton familier ne cache rien des fermes convictions et du désir de voir mieux faire… Comme dirait mon Alter Ego Horbiger, derrière le ton nonchalant de l’Alter Ego de Philippe – « Jacques Bonhom­me »(1) –, on sent comme un besoin de surhomme…
Il faut qu’il y ait des éditeurs. C’est une chance pour l’auteur et pour le lecteur. La grande originalité de Philippe, depuis que je le connais, c’est qu’il est un excellent auteur et un non moins bon éditeur, passionné par tous les sujets. C’est cet éclectisme et cet encyclopédisme éditorial qui justifient sa largeur de vues qui contraste avec l’excitation permanente des usuriers du système entropique où nous agonisons, largeur de vues qui s’accompagne de fermes convictions et d’une vision du monde qui n’est pas celle de Juppé ou d’Obama.
Le problème de l’édition aujourd’hui, je le sais bien moi qui suis auteur, c’est que l’on télécharge gratuitement et que l’on vit des temps où la culture est gratuite et où l’on trouve plus de rédacteurs – ou de scripteurs – que de lecteurs. Je suis moi-même grâce à cela redevenu un bon lecteur de classiques, mais je n’en constate pas moins le péril de mort que court le petit monde de l’édition et même le journalisme.
Mais ne nous adonnons pas au spleen ; et comme dirait Horbiger, faites l’humour, pas la guerre. Nous laissons aux héritiers de Roosevelt, ce diable si bien décrit par le Dr Plouvier (un des meilleurs auteurs de Philippe) le soin de déclarer la guerre à tout le monde dans le Globalistan. Nous, nous préférons rire et sourire au moment où tremble notre carcasse.
Et je lui laisse le dernier mot, que je trouve dans ses chroniques (à propos de l’affaire Joly) et qui est irrésistible, célinien quoi : « Tout arrive… enfin ! Même la condamnation du racisme anti-blanc ! Qui plus est, anti-nordique ! »
Si tout arrive enfin, peut-être qu’en 2012 après tout, aux élections…
Bonne lecture de Philippe, cher lecteur… en attendant… http://francephi.com

Note

(1) Jacques Bonhomme est le nom attribué par Jean Froissart à Guillaume Caillet ou Callet qu’en mai 1358, les paysans révoltés, les Jacques, prirent pour chef et nommèrent « roi » ou « capitaine souverain du plat pays ». Derrière l’expression « Jacques Bonhomme », les sources de l’époque désignent l’ensemble des révoltés de la Grande Jacquerie. Elle vient de l’ancien français « jacques », qui désigne les paysans, par synecdoque, du fait du port d’une veste courte du même nom, la « jacque ».
Auteur de plusieurs ouvrages sur des sujets sociétaux, po­litiques et artistiques, Nicolas Bonnal a écrit notam­ment sur Tolkien, François Mitterrand, Jean-Jacques An­naud et Nostradamus. Ancien collaborateur du Li­bre Journal de la France courtoise, il collabore désor­mais à l’hebdomadaire Les 4 Vérités hebdo et  à Con­tre­littérature. Ses chroniques sont publiées en « tribune libre » sur www.francephi.com. Son dernier livre paru est Mal à droite, Lettre ouverte à la vieille race blan­che et à la droite (Michel de Maule, 2011).

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