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CULTURE : DE LA RÉSISTANCE Á la reconquête (Le Rat noir)

JACK MARCHAL … un parcours nationaliste 100 % politiquement incorrect

Présenter Jack Marchal n'est pas une mince affaire. Véritable pôle culturel nationaliste, il hante les groupes les plus mythiques (Occident, GUD, Ordre Nouveau, PFN) avec son humour décapant depuis plus de 30 ans … Selon ses dires : " C'est en voyant les gauchistes du campus de Nanterre que j'ai compris que les ennemis de ces bâtards ne pouvaient être que mes amis ; voilà comment j'ai rejoint la croix celtique, dans l'hiver 1966-1967 ". Dans l'article qui suit, il nous décrit, en tant que bédéphile averti, la genèse du symbole du militantisme nationaliste radical, le rat noir ! Ce rat maudit à l'humour au vitriol qui a contribué à un certain état d'esprit, combinant agression verbale, autodérision, nostalgie humoristique de ce qui est détesté par ceux d'en face, provocation et fierté ; cet humour " rouge-noir " qui constitue l'apanage des mouvements nationalistes-révolutionnaires en France, Belgique, Espagne et Italie… Homme de culture (dessinateur dans Alternative, célèbre revue du GUD, auteur avec Frédéric Chatillon et Thomas Lagane de l'ouvrage " Les Rats Maudits " sur 30 ans d'histoire des mouvements nationalistes étudiants en France), Marchal est aussi un musicien, précurseur de l'aventure du RIF, auquel il participe d'ailleurs. En 1979, il avait réalisé un album intitulé " Science & Violence " (réédité), et les plus anciens militants belges francophones se souviendront des images du reportage " L'Orchestre Noir " le montrant en concert au local du PFN - Front de la Jeunesse à cette époque. Aujourd'hui, il est guitariste au sein du groupe Elendil (très proche de notre revue) et a encore récemment enregistré des chansons en solo (album " Sur les terres du RIF "). Toujours selon ses paroles, il trouve son éternelle motivation " en regardant autour de lui et en faisant fonctionner sa cervelle ".

Peux-tu nous expliquer la genèse du Rat Noir ?

Il est apparu comme symbole du GUD il y a trente ans, fin janvier 1970. De façon fortuite, sans toutefois être totalement le fruit du hasard. Je m'explique. A cette époque une pléthore de groupuscules politico-syndicaux d'ultra-gauche avait profité du rapport de forces résultant de mai 1968 pour coloniser les universités françaises. Les halls de fac étaient bondés de stands et de panneaux couverts d'affiches manuscrites aux textes interminables et répétitifs, des types passaient leurs journées à gratter sur grand format des manifestes révolutionnaires, c'est incroyable comme les marxistes savent être verbeux quand on les laisse faire. Au centre juridique parisien Assas, où nous nous étions infiltrés dans la foulée de nos adversaires, le GUD tentait de se distinguer de la logorrhée ambiante avec des affiches limitées autant que possible à quelques slogans humoristiques tracés avec une graphie spécifique. On nous repérait au premier coup d'œil, même en l'absence de logo (depuis la dissolution d'Occident nous n'osions pas encore ressortir la croix celtique). J'étais de ceux qui étaient chargés de faire ces affiches (ou du moins d'en vérifier l'orthographe...), sous le contrôle de Frédéric B., un des anciens dirigeants d'Occident ? un pro, il sortait des Beaux-Arts, dessinait les affiches d'Occident, a aussi exécuté les premières d'Ordre Nouveau. Il nous avait enseigné que seule l'esthétique est révolutionnaire et qu'imposer un style est le meilleur moyen d'être vu et d'acquérir du pouvoir. Cependant, en cet hiver 1969-70, il arrivait à nos adversaires de marquer des points en affichant des caricatures, parfois pas mauvaises, qui attiraient le regard et étaient souvent dirigées contre nous. On ne pouvait pas se laisser distancer, il fallait répliquer par la surenchère : le GUD s'exprimerait par des bandes dessinées géantes, et en couleurs, lisibles à dix pas ! J'avais fait pas mal de BD quand j'avais 10-12 ans, rien dessiné depuis, mais je m'y suis remis. Et nous avons lancé une chronique illustrée drôlatique, quasi-quotidienne, j'y passais deux heures chaque fin d'après-midi au local du GUD; avec d'autres camarades nous délirions en chœur pour sélectionner les idées les plus saugrenues... L'actualité en offrait à foison, l'agitation universitaire faisait des pages entières dans les journaux. J'ai été amené ainsi à traiter du cas du doyen de l'université de Nanterre, que les gauches avaient forcé à se réfugier dans un local de service. Dans notre chronique illustrée je l'ai présenté vautré dans les poubelles parmi les arêtes de poisson et les épluchures. J'ai aussi mis un rat, c'était logique dans un tel environnement... A sa première apparition, il était juste là pour ronger un trognon de carotte, mais il n'a pas tardé à exprimer des commentaires sarcastiques dans son coin. Il était bien pratique, ce rat. C'est une tendance assez naturelle de mettre en marge un petit personnage adventice qui fait contrepoint avec la scène principale (procédé systématique chez Brueghel comme chez beaucoup de cartoonists américains, sans oublier Gotlib et sa coccinelle. Je note que depuis quelque temps l'infâme Plantu ne manque jamais de placer une petite souris dans un coin des dessins qu'il publie en une du Monde ? le malheureux sait-il sur quelle pente glissante il s'engage ?...). Donc, nous voilà avec ce rat accessoire qui, au fond, disait ce que nous avions à dire. C'est alors que Gérard Ecorcheville, le camarade qui à ce moment-là gérait la propagande du GUD, eut une illumination dont on ne pourra jamais assez le remercier : " Hé, ce rat... Mais c'est nous ! ". Cette remarque géniale a levé une des principales difficultés qui se posait à moi, et qui était de savoir comment représenter le GUD dans les événements où il était acteur. Sous l'aspect d'héroïques chevaliers hyperboréens ? de jeunes filles et jeunes gens propres sur eux ? en brutes casquées toujours victorieuses ?... Bref, en un tournemain, nous avons trouvé à la fois une auto-représentation satisfaisante, un logo, un signe de ralliement qui faisait clairement la différence entre nous et tous les autres, un symbole, tout un style qui allait avec... Ça a été un succès immédiat, du jour au lendemain tout Assas a su que GUD = rats, les foules se bousculaient pour lire la chronique du jour, le rat a été copié et recopié partout où des militants se reconnaissaient dans le GUD, il est même passé à la télévision à propos d'incidents ayant eu lieu à Assas en février-mars 1970.

Par-delà l'anecdote de la remise à poubelles de Nanterre, la symbolique du Rat Noir ne plonge-t-elle pas des racines plus lointaines ?

En effet, mais si tu veux je propose de remonter dans le temps à la recherche des indices qui jalonnent la préhistoire du bestiau. Il résulte de la confluence d'un tas de facteurs. Comme toutes les grandes idées il était dans l'air avant de venir au jour. Comme la croix celtique, dont personne ne sait au juste qui l'a inventée ni comment, mais qui a connu jadis des prototypes dans certains mouvements cathos militants, dans les roues solaires de diverses unités militaires, dans une forme très stylisée de francisque, etc... Je précise que dans sa première année d'existence le rat du GUD n'était pas noir mais gris. Sans doute pour gagner du temps. On le coloriait vite fait en hachures, avec des marqueurs usagés. Le fait que nous nous soyons immédiatement identifiés avec l'animal a évidemment à voir avec le fait que dans la période précédente nos amis les gauches nous avaient représentés ainsi. Une affiche collée sur les palissades des quartiers Sud de Paris en décembre 1969 nous avait beaucoup marqués, elle proclamait "Écrasons la vermine fasciste", décorée d'une grosse semelle s'apprêtant effectivement à écraser un hideux rongeur inspiré de Reiser. A partir de là, opérer un coup de judo en exploitant à notre profit les coups de l'adversaire était dans la logique du détournement à la situationniste, très dans l'esprit de l'époque.

Cependant, la symbolique du rat avait aussi été employée dans un sens opposé sur la jaquette d'un roman paru l'année d'avant, L'Occident, de Marcel Clouzot, personnalité connue du milieu littéraire droitiste : là, une horde de sombres rongeurs représentait les forces de décomposition à l'assaut de notre civilisation...

L'illustration était très réussie, a été remarquée. En ce qui me concerne, je sais que c'est elle qui m'a initialement retenu de pousser l'identification avec le rat... Peut-être a-t-elle eu un effet inverse chez d'autres camarades qui se sont bornés à y lire "Occident" et à associer la bande de rongeurs. Ce bouquin était en tout cas excellent, il est bien oublié aujourd'hui, peut-être un peu par ma faute... Il faut dire enfin qu'au mouvement Occident, dans les années 1965-67, s'était développé à propos des rats tout un folklore. François Duprat ne cessait de traiter tout le monde et n'importe qui de "Rat visqueux ! Rat pesteux ! Rat scrofuleux ! ", avec un puissant accent du Sud-Ouest qui a marqué les imaginations. Pas mal de responsables et militants on reçu un sobriquet dans cette veine. L'un, qui habitait un petit local semi-souterrain auquel on accédait par l'entrée des caves, était surnommé Rat d'Égout... Tel autre, de petite taille, était appelé Musaraigne. Quant au plus entreprenant des responsables action, on ne le connaissait que sous le nom d'Anthracite.

Ce qui nous amène directement à Raymond Macherot.

Évidemment, Anthracite le roi des rats dans la célèbre BD Chlorophylle contre les Rats noirs... Cette oeuvre immortelle de Macherot a eu un impact insoupçonné sur une certaine génération, pour des raisons qu'il est intéressant d'examiner.

En première analyse, il s'agit d'une BD animalière bâtie sur des schémas archi-classiques. Dans le premier album de la série, Chlorophylle, le gentil lérot végétarien, incarne l'individualisme débrouillard qui se joue des forces mauvaises. De Tintin à Astérix, la BD franco-belge a suscité des foultitudes de héros positifs de ce style. Celui-ci est en butte à la meute des rats noirs, conduits par leur roi Anthracite dans le rôle non moins traditionnel du méchant malchanceux (cf. Zorglub, Iznogoud, Gargamel, Olrik, etc.). Dans le second album, l'antagonisme se circonscrit plus directement entre Chlorophylle et Anthracite, et c'est ce dernier qui vole la vedette. Il n'est pas un simple fantoche à la façon de Gargamel ou des centurions romains face à Astérix, il acquiert de l'épaisseur humaine (si on ose dire), fait preuve d'un cynisme jovial et réjouissant, il est fourbe et cultivé, fredonne des airs d'opéra ou des chansons de Charles Trenet quand il se prépare à commettre ses forfaits ? il commence à être sympathique tandis que Chlorophylle devient ennuyeux. Ces premiers albums se déroulent dans un cadre de prairies, de ruisseaux et de bois superbement observé, qui doit être le pays de Herve et qui m'évoque totalement le bocage normand de mon enfance. Les humains n'y interviennent pas, n'y sont présents qu'à travers les sous-produits de leur industrie que les rats noirs récupèrent à des fins meurtrières (lampe à souder utilisée comme lance-flammes, fusées de feux d'artifice, pistolet même...). L'anthropomorphisme des personnages est contenu dans des limites décentes. La bande des amis de Chlorophylle est composée d'animaux dont les biotopes sont compatibles, qui ne sont pas en lutte territoriale et dont aucun n'est le prédateur de l'autre ? une loutre, un lapin, un corbeau, un hérisson, un mulot. Dans le monde naturel, il n'y a pas de bons et de méchants univoques. Chez Macherot, les camps sont loin d'être tranchés. Certains des " bons " se révèlent paresseux et égoïstes. Pas de solidarité chez les " méchants " : quand les rats noirs coopèrent avec une vipère, ils se méfient tellement d'elle qu'ils la mettent hors d'état de nuire dès le premier service rendu. Les rats noirs finissent par se battre entre eux. D'ailleurs, s'ils sont agressifs, c'est parce que les hommes, en les chassant d'un vieux moulin, les ont contraints à rechercher un nouvel espace vital. Le monde que présente Macherot n'est pas la nature, mais il en est une extrapolation qui a sa plausibilité. Rien à voir avec Mickey, cette souris déracinée de banlieue anonyme. Je me souviens avoir commencé à lire chaque semaine l'hebdomadaire Tintin peu avant que s'achève La Marque Jaune de E.P. Jacobs. Les premières planches de Chlorophylle y ont paru peu après, grosso modo en même temps que L'Affaire Tournesol de Hergé et Les Martiens sont là de W. Vandersteen, ce devait être vers 1955, la BD belge touchait à son apogée. Ce qu'il y avait de bien avec cette série est qu'elle était toute neuve, ne faisait pas référence à des albums précédents, j'ai le sentiment d'avoir grandi et évolué en même temps qu'elle (le dessin des premières pages était encore assez sommaire). Elle a marqué toute une tranche d'âge, celle des baby-boomers francophones, à commencer par ceux qui pour une raison ou une autre (scoutisme, etc.) avaient une certaine sensibilité pour les choses de la nature. On peut dire que Macherot a eu à cet égard une signification générationnelle.

En dehors des préoccupations écologisantes de Macherot, assez prophétiques pour leur temps, n'y a-t-il pas aussi chez lui un fond philosophique qui rencontre la sensibilité historique particulière que nous partageons ?

Macherot n'est pas un auteur à message (en tout cas pas au même degré que l'antifasciste Franquin, ou que Le Schtroumpfissime de Peyo, qui est du Maurras en BD), et la construction des albums de la série Chlorophylle se ressent d'une certaine improvisation, mais il lui arrive de toucher à quelque chose de très profond, qui va plus loin que le rappel des lois naturelles, qui met en jeu les conventions qui fondent l'existence des sociétés. C'est très net dans la seconde partie de la série, où la lutte entre Chlorophylle et Anthracite se transporte sur Coquefredouille, petite île méditerranéenne où en l'absence d'hommes les animaux ont développé une civilisation dont le niveau technologique évoque les années 20 (il passera vite aux années 60). On est passé de l'état de nature à l'état social. Le bon roi Mitron XIII (une souris blanche...) règne sur une sorte de pimpant Monaco animalier aux mœurs policées, où les voitures roulent à l'alcool de menthe et où rongeurs et oiseaux cohabitent sans histoires avec canidés et félidés. En fait, ce petit paradis est vétuste et sans joie, débilitant et fragile. Les oiseaux ne savent plus voler qu'en avion : " La vie à Coquefredouille est idiote " soupire l'un d'eux. L'arrivée d'Anthracite va ravager l'harmonie superficielle de Coquefredouille. Rien de tel qu'un rongeur barbare, rat des champs élevé à la dure, pour discerner où sont les points faibles d'une culture urbaine. Sans aucun scrupule, il introduit sur l'île des carnivores qui vont l'aider à faire fortune en terrorisant la population, non sans en dévorer une partie (aucune BD comique enfantine de cette époque ne comporte une telle quantité de morts, l'allégorie animalière permet à Macherot de faire passer ce qui autrement serait pure horreur). Anthracite ne respecte aucun tabou, il lève les interdits, il est le grand catalyseur dionysiaque, l'anarque absolu, le libérateur des puissances du désir (il n'est pas question de sexe, mais on remarque que dans cette deuxième partie de la série les personnages sont sexués, ce qui n'était pas le cas auparavant, et qu'Anthracite recourt très souvent aux déguisements féminins pour tromper son monde). Anthracite est pris, s'évade, participe à un complot pour détrôner le roi, est repris, s'évade de nouveau, recommence, etc. Les gardiens de l'ordre établi sont systématiquement présentés comme des abrutis. Ils ne font pas le poids quand se révèlent soudain volonté de puissance et agressivité dans un monde qui croit les avoir refoulées. Seul Chlorophylle, devenu petit bourgeois conservateur, sait encore être efficace car son hostilité à Anthracite vient de plus loin, elle plonge ses racines dans la nature sauvage. Ne serait-ce l'inévitable deus ex machina qui le fait échouer à chaque épisode, Anthracite serait évidemment vainqueur. Sans garantie de durée toutefois : dès le premier album, son autoritarisme avait provoqué chez les rats noirs une guerre civile dévastatrice entre les monarchistes fidèles à sa personne et les insurgés. Il y a chez Macherot une morale des rapports sociaux qui s'élève jusqu'à une conception cyclique du devenir des sociétés politiques.

D'où vient la fascination qu'exercent les rats noirs en général et Anthracite en particulier sur les gens tels que nous ?

Le tout est de savoir de quel " nous " il s'agit. Le " nous " d'il y a 50 ans ou un siècle aurait rejeté avec effroi ce symbole d'amoralité démoniaque. Le " nous " d'aujourd'hui le révère. C'est qu'entre les deux nous sommes passés du stade normatif au stade subversif. Pardon pour la digression, mais il faut rappeler que les théoriciens nationalistes (acceptons cet adjectif, l'invariant qui traverse notre histoire reste la référence à la nation, prise au sens étymologique) des années 20 ou 30 proposaient des systèmes complets allant d'une éthique individuelle jusqu'à une conception de l'État ; leurs idées étaient candidates au pouvoir, elles se battaient contre d'autres conceptions, c'était projet contre projet (voire projectile contre projectile). C'était le temps des idées simples forgées dans l'urgence et des ambitions constructivistes (ou re-constructivistes, dans le cas des maurrassiens et plus généralement de tous les traditionalismes, aussi organicistes qu'ils se veuillent). Depuis, sans devenir beaucoup plus malins, nous avons quand même appris des choses. Nous étions jadis en concurrence avec les marxistes sur le terrain de l'enthousiasme révolutionnaire, l'échec de leur totalitarisme nous a guéris. D'être écartés de l'espérance du pouvoir nous a fait un bien fou. Chez nous, plus personne de sérieux ne songe à dresser une société hiérarchisée rigide et froide, vierge de tout conflit interne. Nous avons appris la nécessité des oppositions entre idées et individus, des luttes de castes, de races et de classes (mais oui). Nos ennemis nous prennent encore pour des SA des années 30 et c'est tant mieux, il ne faudrait pas se réjouir si l'adversaire devenait intelligent. Nous connaissons la valeur de la révolte mais aussi ses limites. Nous savons très bien que si nous étions au pouvoir nous résoudrions un certain nombre de problèmes, que d'autres continueraient à se poser et que nous en susciterions d'inédits. A notre façon, nous sommes devenus plus libertaires et démocrates que nos ennemis, tout en demeurant conscients des paradoxes et contradictions que recèlent libertés et démocratie. Nous savons mieux que personne la valeur de la fonction critique ? même violente et vulgaire... Après tout, nos idées valent mieux que d'autres qu'on se batte pour elles, et nous avons aujourd'hui face à nous le pire totalitarisme de l'histoire, l'absolutisme de la Loi (celle qui n'en respecte aucune). Et donc : l'urgence est à la subversion, par tous les moyens même rigolos. Le tournant du normatif au subversif a été amorcé il y a longtemps (Degrelle a été un précurseur, et Céline dans un autre registre), et n'a vraiment pris dans la mouvance militante qu'au cours des années 70. Le Pen ne s'y est fait qu'au milieu des années 80 (c'est alors qu'il a décollé, pas un hasard) et Mégret demeure normatif comme la pluie. Le mode subversif est une question de ton et de contenu à la fois. Dans le contexte présent, rien n'est plus subversif que de rappeler la dimension passionnelle et animale de la nature humaine, a fortiori quand on le fait dans la bonne humeur (ce que la gauche moralisante ne pardonnera jamais à Gérard Lauzier ou Michel Houellebecq). Face à la pure volonté de puissance d'un prédateur hilare et sans scrupule tel qu'Anthracite, que valent les calembredaines sur la conscience universelle, le devoir de mémoire et l'éthique des Droits de l'Homme ? Je ne sais si Macherot a eu conscience du potentiel mythique du personnage qu'il a créé au début de sa carrière. Il s'est borné par la suite à des historiettes plutôt anodines. Mais les 4 grands albums du cycle de Coquefredouille sont à mettre au niveau des chefs-d'œuvre de la littérature universelle, rayon conservatisme critique. Si le canevas général évoque Animal Farm de George Orwell, Anthracite est un héros balzacien, Vautrin mâtiné de Rastignac, archétype de dominateur allègre et indomptable. La terrifiante bombe au bithure de zytron, allusion burlesque à la grande peur thermonucléaire de la fin des années 50, joue dans cette histoire le même rôle qu'Excalibur dans la geste arthurienne (elle permet à Anthracite de faire un coup d'État qui donne les pages les plus fortes jamais faites par Macherot, avec une immortelle satire des milieux courtisans). Et puis, cet Anthracite né à l'orée de l'Ardenne, tour à tour aventurier humoriste et chef de guerre, qui après la déroute d'une invasion manquée a pris une retraite prématurée quoique hyperactive quelque part au soleil, il me fait bougrement penser à quelqu'un...

http://les-identitaires.com/Devenir13/Culture_resistance4.htm

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