Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Europe : le temps joue pour le populisme

1. LE POPULISME : UNE DISSIDENCE POLITIQUE POPULAIRE
Le populisme est une attitude politique et électorale qui conduit les électeurs à se recentrer sur des notions sous-jacentes à l'identité et aux libertés nationales et à se détacher des « partis de gouvernement » qui se partagent le pouvoir en Europe ; pouvoir que ces partis exercent dans le sens des intérêts de l'hyperclasse mondiale et de son idéologie dominante, l'idéologie mondialiste et antiraciste qui la conforte.
En ce sens et contrairement à certaines interprétations sommaires, au-delà des attitudes verbales, il n'y a guère de populisme de gauche ou d'extrême gauche en Europe, car ces partis ne contestent pas l'ordre idéologique dominant ; bien au contraire, ils en sont souvent les chiens de garde, ce qui explique d'ailleurs la bienveillance des grands média à leur égard. Les populistes, eux, ne croient pas aux bienfaits de la mondialisation ; a contrario, ils jugent que les frontières sont utiles pour protéger l'économie et l'emploi des excès du libre-échange mondial et de l'immigration. Les populistes refusent la culpabilisation des peuples européens et des sentiments patriotiques tout autant que l'antiracisme officiel qui impose une immigration toujours plus nombreuse et de moins en moins bien intégrée.
Les populistes n'acceptent pas que les élites dominantes imposent au peuple la rupture de la société avec ses racines culturelles et ses valeurs traditionnelles ; en ce sens, le populisme, c'est le peuple qui se révolte contre la « révolte des élites », si bien analysée par Christopher Lasch. La « révolte des élites » conduit celles-ci à rejeter les règles des sociétés traditionnelles et à imposer des normes inversées où l'interdit d'hier devient l'obligation d'aujourd'hui. La « révoltes des élites » est le fait sociologique marquant des quarante années de l'après-68. Le populisme s'inscrit clairement en rupture avec cette tendance.
Les populistes rejettent aussi l'excès d'interventions publiques : que celles-ci soient le fait d'un État providence toujours plus coûteux ou de réglementations européennes de plus en plus pesantes.
Prenant racine dans des pays européens différents, les populismes expriment des particularismes nationaux et locaux qui leur sont propres ; en ce sens, chaque populisme est singulier, mais tous se retrouvent dans une expression populaire et électorale qui tourne partout autour des cinq « I » :
- moins d'Immigration,
- moins d'Islamisation,
- moins d'Impôts,
- plus d'Identité,
- plus d'Indépendance.
2. LE POPULISME : UNE CAUSE DIFFICILE ET SOUVENT DÉCEVANTE POUR SES PARTISANS
Le populisme a trouvé une expression électorale significative depuis plus de vingt ans dans de très nombreux pays d'Europe de l'Ouest : ainsi en France, en Belgique (Flandre), en Italie, aux Pays-Bas, en Suisse, au Danemark, en Suède, en Norvège, en Autriche, les mouvements de dissidence populiste ont couramment rassemblé entre 10 et 30 % des suffrages. Néanmoins, ces résultats n'ont nulle part permis d'avancées décisives, ce qui peut conduire les pessimistes à croire que la cause du populisme est désespérée : en effet, les victoires dans les urnes n'ont pas toujours des conséquences politiques durables et permettent rarement de tenir les promesses faites aux électeurs. Le succès électoral ne garantit pas l'accès au pouvoir. Trois exemples :
— En 2001, lors des élections municipales en Flandre, le Vlaams Blok devient le premier parti d'Anvers et rassemble plus de 33 % des suffrages ; mais il est écarté du pouvoir par une coalition de tous les autres partis, extrême gauche comprise. Quatre ans plus tard, il stagne : certes, le Vlaams Blok a encore progressé au sein de l'électorat flamand (38 % de votants sans les « nouveaux Belges »), mais ses adversaires ont bénéficié d'une mobilisation du vote immigré des seconde et troisième générations. Quand le peuple-population correspond de moins en moins au peuple-nation, cela affaiblit localement le potentiel électoral populiste.
— En 2007, en Suisse, l'Union démocratique du centre (UDC), appelée aussi Schwizerische Volkspartei (SVP), progresse encore par rapport à ses excellents résultats précédents : de 26,6 % aux élections législatives de 2003, l’UDC passe à 29 %. Mais ce succès remarquable a pour conséquence l'exclusion de l’UDC du gouvernement ; une instance décisive pourtant composée traditionnellement à la proportionnelle des formations principales selon « la formule magique », appliquée constamment en Suisse depuis 1959 (NDLR. Le 10 décembre dernier, l'UDC a fait son retour au gouvernement en la personne de Ueli Maurer, un proche de Blocher.)
— En 2008, en Autriche, les deux partis populistes, le Parti libéral (FPÛ) et l'Alliance pour l'avenir de l'Autriche (BZÔ) arrivent en tête du scrutin législatif et totalisent 29 % des suffrages ; pourtant, cela ne permet pas à ces deux partis d'accéder au gouvernement. Bien au contraire, ils en sont exclus et le nouvel exécutif autrichien en cours de constitution début décembre 2008 réunit comme le précédent gouvernement les deux formations sortantes ; et les partis chrétiens démocrates et socialistes, pourtant sanctionnés par les électeurs qu'ils avaient convoqués pour arbitrer leurs désaccords, se partagent à nouveau le pouvoir.
L'accès au pouvoir est précaire Là aussi, trois exemples :
—En France, les villes conquises par le Front National en 1989 ou en 1995 ont toutes été perdues, à la seule exception d'Orange.
—En Italie, la participation de la Ligue du Nord au premier gouvernement Berlusconi s'est terminée rapidement et a été suivie par un net recul électoral ; quant à la nouvelle expérience en cours, il est évidemment trop tôt pour en juger.
—En Autriche, le FPÔ est sorti divisé et fortement affaibli de sa participation à un gouvernement de coalition avec les chrétiens-démocrates en 1999.
Néanmoins, en Autriche et en Italie, les mouvements populistes dirigent durablement des collectivités territoriales telles que le Land de Carinthie, des provinces du nord de l'Italie ou les villes de Novare, de Vérone et de... Lampedusa.
La participation des populistes à des gouvernements nationaux ou locaux ne garantit pas la mise en œuvre des mesures souhaitées par les électeurs
Nulle part il n'a pu être observé de ruptures majeures avec les politiques antérieures ; partout, les réglementations européennes ont continué de progresser (y compris en Suisse !) ; partout, le libre-échange mondial s'est étendu (y compris progressivement aux secteurs traditionnellement protégés, comme l'agriculture) ; partout, l'immigration s'est poursuivie. Même au Danemark, où le Parti du Peuple danois, sans être associé au gouvernement, appartient depuis plusieurs législatures à la majorité parlementaire et pèse sur les décisions, le flux de l’immigration s'est ralenti de moitié mais ne s'est pas arrêté.
3. LES DIFFICULTÉS DES POPULISTES PROVIENNENT DE LEUR OPPOSITION FRONTALE A L'IDÉOLOGIE DOMINANTE
De demi-succès en demi-échecs, d'avancées suivies de recul, les mouvements populistes connaissent une histoire chaotique. Il est tentant d'attribuer cette situation décevante pour leurs partisans aux faiblesses des hommes qui dirigent les mouvements populistes ; par leurs comportements et leurs propos, ils se rendraient "infréquentables" et susciteraient la division de leurs propres soutiens. Dans tel ou tel pays et à tel ou tel moment, il peut, certes, y avoir une part de vérité dans cette analyse. Mais là n'est pas l'essentiel. La difficulté majeure des populistes vient de ce qu'ils sont et de ce qu'ils défendent. Ils s'opposent à l'ordre établi par les puissances dominantes : grandes institutions internationales, grandes entreprises mondiales, grandes administrations, grands média.
Les populistes livrent donc une bataille asymétrique du faible au fort. Ils disposent de moins d'argent que leurs adversaires : or, dans une campagne électorale, c'est souvent celui qui dépense le plus qui gagne le scrutin. Ils ont surtout beaucoup moins accès aux grands média que leurs adversaires. Grands média qui, par ailleurs, façonnent les images qu'ils imposent à l'opinion et structurent le vote par la manière dont ils présentent ses enjeux.
En fait, deux armes de destruction massive sont utilisées contre les mouvements populistes : la diabolisation et la répression politique et judiciaire.
4. L'ARME DE LA DIABOLISATION
Contrairement à une idée couramment répandue, la diabolisation a rarement pour cause - en tout cas pour seule cause - des maladresses ou des "dérapages" de responsables populistes. En fait, la diabolisation est la conséquence inéluctable de la parole et de l'action populistes.
Tout simplement parce que la diabolisation est l'instrument utilisé par les média dominants pour imposer la tyrannie du Politiquement Correct, grâce notamment à une "novlangue" de type orwellien.
Lutter contre l'immigration, c'est risquer l'accusation de « racisme ». Refuser l'islamisation, c'est s'exposer au qualificatif d« ’islamophobe ». Défendre les valeurs traditionnelles, c'est prêter le flanc à la marginalisation pour « ringardes », voire pis pour "homophobie". Dénoncer la tutelle bruxelloise, c'est s'attirer le reproche d'être « ultranationaliste », voire "xénophobe". Les mots sont des armes. Et la tyrannie du Politiquement Correct s'impose par l'usage des mots sidérants et d'images incapacitantes à rencontre des dissidents de la pensée unique. Tous les mouvements populistes ne sont pas également « diabolisés », mais tous le sont à un degré ou à un autre.
Ainsi l'Union démocratique du centre et son inspirateur Christophe Blocher ne se sont jamais départis d'une grande modération. Pourtant, lors des élections d'octobre 2007, ils ont fait l'objet d'une efficace campagne de diabolisation qui a limité l'ampleur de leur progression électorale et surtout servi à légitimer leur exclusion du gouvernement.
Il convient ici d'observer que le succès électoral et populaire n'est pas un bouclier contre la diabolisation, mais que, bien au contraire, il contribue à l'amplifier comme l'ont montré l'exemple suisse en 2007 ou l'exemple français de 2002, lors du 2e tour de l'élection présidentielle opposant Jean-Marie Le Pen à Jacques Chirac. En Suisse en 2007 comme en France en 2002, les grands média ont implicitement ou explicitement appelé à protester, voire à manifester contre les résultats d'une élection démocratique.
De même, l'affaire de la profanation de Carpentras a été montée médiatiquement (selon le témoignage de l'ancien directeur des RG Yves Bertrand) à une époque où le Front National était en peine ascension électorale. Marie-France Stirbois venait d'être élue député de Dreux au scrutin majoritaire, ce qui avait conduit les adversaires du Front National à se mobiliser et à exploiter un fait divers aujourd'hui encore incomplètement éclairci.
En face de campagnes d'opinion intenses, deux erreurs sont à éviter :
—croire que la diabolisation serait évitable (elle ne l'est qu'en choisissant le silence, la soumission tacite ou le ralliement aux idées dominantes),
—croire que la diabolisation ne serait pas nocive (elle l'est infiniment).
La diabolisation vise à produire - et produit - plusieurs effets :
—    Elle freine l'ascension électorale de deux façons : en dissuadant les électeurs hésitants de voter pour la formation diabolisée et en surmobilisant au bénéfice de ses adversaires les électeurs qui lui sont hostiles.
—Elle nourrit les divisions internes des mouvements visés en conduisant les responsables et militants les plus pressés ou les plus modérés à tenter de trouver des solutions différentes de la ligne et de la stratégie des dirigeants.
—Elle rend les relations internationales difficiles par la crainte de la surdiabolisation réciproque : deux hommes politiques diabolisés chacun dans leur pays courent le risque de se surdiaboliser s'ils se rencontrent ; c'est ce qui explique par exemple que Jôrg Haider et Jean-Marie Le Pen ne se soient jamais vus.
—Elle rend les alliances impossibles ou politiquement peu intéressantes : les partenaires politiques éventuels d'une formation diabolisée craignent la diabolisation par contagion ; ils sont donc portés à refuser tout contact avec la formation diabolisée ou, lorsqu'ils procèdent à une alliance de circonstance avec elle, à lui refuser toute concession de fond significative.
—D'ailleurs, un pays qui s'éloignerait durablement et profondément de l'idéologie dominante de ses voisins risquerait la diabolisation de l'ensemble de la collectivité nationale et la mise en quarantaine. C'est une menace qui a été partiellement mise en œuvre par l'Union européenne aux dépens de l'Autriche en 1999.
5. RÉPRESSION JUDICIAIRE ET POLITIQUE ET ATTEINTES AUX LIBERTÉS FONDAMENTALES
Au-delà de ces inconvénients médiatiques et politiques, la diabolisation sert à légitimer une répression judiciaire et politique qui frappe à des degrés divers les formations populistes des différents pays européens. Voici un inventaire sommaire et incomplet des moyens les plus couramment utilisés.
—Les poursuites judiciaires pour des motifs politiques et souvent pour de simples propos : tous pays.
—Les fermetures de sites internet et les refus d'hébergement à la suite de pressions d'organisations diverses : tous pays.
—L'interdiction pure et simple d'accès aux grands média : Flandre, Allemagne.
—La dissolution ou la tentative de dissolution de formations politiques : Flandre, Allemagne.
—L'interdiction de manifestations et de réunions, l'organisation de contremanifestations violentes : tous pays.
—La levée des immunités parlementaires pour de simples délits d'opinion : France, Flandre.
—Le non-respect de l'inviolabilité parlementaire européenne et des immunités diplomatiques : arrestations arbitraires et gardes à vue illégales de députés européens, à Bruxelles le 11 septembre 2007 et à Cologne le 20 septembre 2008, lors de manifestations pacifiques contre l'islamisation de l'Europe.
—Le piratage, le vol du fichier des adhérents et sa mise en ligne, suivi de la persécution administrative ou professionnelle des plus vulnérables : Grande-Bretagne.
—Les interdits professionnels : Allemagne, Grande-Bretagne.
—Les pressions sur des personnes (et sur leur famille) visant à leur faire retirer leur candidature à des élections locales : France, Belgique.
La pression visant à empêcher des élus de parrainer des candidats à une élection : l'élection présidentielle en France.
—La modification des règles du jeu électoral et des modes de scrutin : Italie ; France, en 1986 (élections législatives), 1988 (élections municipales), 2003 (élections régionales, élections européennes) et probablement 2009 ou 2010.
—L'invalidation des députés élus : France ; en 1997, le seul député Front National élu, Jean-Marie Le Chevallier, avait été déchu de son mandat par le Conseil Constitutionnel qui avait adopté, pour la circonstance, une décision en contradiction avec sa jurisprudence antérieure.
—La mise en cause des financements politiques et/ou électoraux : Belgique ; France : non remboursement des frais de la campagne présidentielle de Bruno Mégret en 2002.
—L'usage des cours constitutionnelles pour combattre les populismes : Allemagne ; France où Nicolas Sarkozy a déclaré, le 3 novembre 2008, à l'occasion du cinquantième anniversaire du Conseil Constitutionnel, qu'il « incombait à celui-ci de tenir compte des évolutions de la société, des problèmes nouveaux qui se posent aux démocraties, parce que la première menace contre les droits de l'homme, c'est de laisser le champ libre aux populismes ».
—    Les manipulations policières : couramment utilisées en Allemagne fédérale contre les groupes présumés d'"extrême droite", c'est-à-dire qui ont le tort d'être ouvertement défavorables à la politique d'immigration et d'islamisation. À noter toutefois que la Cour constitutionnelle de Karlsruhe a refusé de prononcer, en 2002, la dissolution d'une formation politique - la dissolution du NPD avait été demandée par le gouvernement fédéral en 2001 sur la base de faits accomplis, au sein de ce mouvement,... par des policiers infiltrés par l'Office de protection de la Constitution.
Cette liste d'atteintes aux libertés politiques des partis populistes européens est très partielle et très incomplète. Elle montre toutefois l'ampleur et la variété des moyens répressifs utilisés contre des formations concourant à l'expression du suffrage. Bien sûr, ces atteintes aux libertés politiques varient d'un pays à l'autre. Mais aucun pays n'est épargné, pas même la très démocratique Suisse. Et dans certains pays - la France, la Belgique notamment -, l'observateur ne peut manquer d'être frappé par la multiplicité et la variété des entorses aux bonnes règles démocratiques.
Le cas de l'Allemagne mérite une mention particulière. Au regard des pratiques, notamment policières, et même des provocations policières qui sont utilisées contre les dissidents de la pensée unique, ce pays ne peut être pleinement considéré comme une démocratie pluraliste. Le gouvernement et les média pratiquent l'amalgame suivant : défavorable à l'immigration = extrême droite, extrême droite = nazi, nazi = individu auquel on refuse la moindre liberté publique. Il est clair, dans ces conditions, qu'il est beaucoup plus confortable d'appartenir à l'opposition libérale en Russie que d'être réputé nationaliste en Allemagne fédérale.
Les dirigeants européens donnent souvent des leçons de droits de l'homme à la Russie et à la Chine mais ils utilisent contre leurs propres dissidents les méthodes qu'ils condamnent chez les autres.
Quoi qu'il en soit, l'ampleur des entraves apportées au libre jeu démocratique, dans l'ensemble des pays européens, est bien évidemment un facteur contribuant à amoindrir le succès des mouvements populistes et à expliquer leurs difficultés et leurs échecs. Car, comme le savent tous les pouvoirs autoritaires ou totalitaires, la répression est un moyen redoutablement efficace de lutte contre son opposition.
6. LE POPULISME ENRACINÉ DANS L'ESPACE ET LA DURÉE
Au cours des vingt-cinq dernières années les mouvements populistes en Europe ont traversé de nombreuses périodes difficiles. Ils n'ont pas obtenu — en tout cas dans le cadre des élections représentatives — de succès décisifs. Néanmoins, ils se sont enracinés dans l'espace et la durée malgré les innombrables obstacles qui ont été dressés devant eux.
Un enracinement dans l'espace
— 1984 en France : Jean-Marie Le Pen et le Front National franchissent la barre des 10 % aux élections européennes ; deux ans plus tard, le Front National obtient 35 députés à l'Assemblée nationale.
—1989 en Flandre : le Vlaams Block franchit la barre des 10 % aux élections européennes en Flandre et envoie son président Karel Dillen siéger au Parlement européen. Le Vlaams Block, devenu Vlaams Belang, poursuit depuis constamment son enracinement national, régional, provincial et municipal (plus de 800 conseillers municipaux).
—1989 en Autriche : Jorg Haider, président du FPÔ, parti libéral converti au populisme, devient gouverneur de la province de Carin-thie ; en 1999, sa formation atteint 26 % des suffrages et participe à un gouvernement de coalition. Quelques soubresauts plus tard, les deux partis populistes autrichiens rassemblent 29 % des suffrages en 2008.
—1991 en Suède : la Nouvelle Démocratie remporte 7,2 % des suffrages aux élections législatives ; une percée notable mais qui restera un succès sans lendemain. Mais en 2004, la Liste de juin, liste populiste-souverainiste, rassemble 16 % des suffrages aux élections européennes.
—1994 en Italie du Nord : la Ligue du Nord d'Umberto Bossi, hostile à l'immigration et porteuse des traditions culturelles lombardes, entre au gouvernement de Silvio Berlusconi. Malgré plusieurs soubresauts politiques, elle sy trouve à nouveau en 2008.
—1999 en Suisse : Le Schwizerische Volkspartei (Union démocratique du Centre) remporte 22,54 % des suffrages aux élections législatives, sur une ligne clairement populiste ; 1VDC progressera encore aux élections législatives de 2003 (26 %) et de 2007 (29 %).
—2001 au Danemark : le Parti du Peuple danois, créé en 1995, rassemble 22 % des suffrages et soutient, sans y participer, le gouvernement libéral/conservateur. Une formule politique qui sera reconduite après les élections de 2005 et de 2007, le Parti du Peuple danois atteint 13,8 %.
—2001 en Norvège : le Parti du Progrès de Karl Hagen obtient 14,7 % aux élections législatives, sur la base d'un programme principalement anti-fiscalité. Le Parti du progrès soutiendra, sans y participer, le gouvernement conservateur jusqu'en 2005. En 2005, le Parti du Progrès rassemble 22,1 % des électeurs et devient la première formation d'opposition au gouvernement de gauche.
—2002 aux Pays-Bas : la Liste Pim Fortuyn, dissidence réussie du courant politique indépendant Les Pays-Bas vivables, remporte 26 sièges au Parlement et entre au gouvernement malgré l'assassinat de son chef le 6 mai, soit quelques jours avant l'élection. Après un effondrement en 2003, les courants populistes semblent à nouveau avoir le vent en poupe à travers deux formations, le Parti de la Liberté, très opposé à l'islamisation, de Geert Wilders et Fiers des Pays-Bas de l'ancienne ministre de l'immigration, l'énergique Rita Verdonk.
Ailleurs :
Dans le Sud de l'Europe, l'Espagne n'a pas connu jusqu'ici de mouvements populistes ; les clivages gauche/droite et régionalistes/unitaires suffisent pour structurer le débat politique. Au Portugal, un « Parti national rénové » a entrepris de se positionner contre l'excès d'immigration (en reprenant les images de campagne de l’UDC suisse) sans qu'il soit encore possible d'apprécier quel succès il sera susceptible de remporter. En Grèce, l'Alarme orthodoxe (LAOS) a dépassé à deux reprises - aux élections européennes de 2004 et aux élections législatives de 2007 - le score de 4 %. En Grande-Bretagne, les faits majeurs sont l'émergence du Parti pour l'indépendance du Royaume-Uni (UKIP), qui a atteint 16 % aux élections européennes de 2004, et la persistance du Parti national britannique (BNP) qui obtient régulièrement plus de 10 % des suffrages dans un certain nombre de circonscriptions et compte un élu au Conseil du grand Londres. Le BNP, qui a réalisé en 2008, lors d'élections législatives partielles, des percées inquiétantes pour le parti travailliste, semble en mesure d'entrer au Parlement européen en juin 2009.
Le cas de l'Allemagne est bien évidemment à part. Les Republikaner qui avaient obtenu des sièges au Parlement européen en 1989 ont, comme toutes les formations réputées d "'extrême droite", été victimes de manipulations politiques, médiatiques et policières. Compte tenu de l'absence de vrai pluralisme en Allemagne fédérale, les courants dissidents semblent désormais s'exprimer à travers le Mouvement des citoyens libres, les Freie Wâhler, tenant d'un populisme paisible, à base d'enracinement local, de traditions folkloriques et de grande prudence verbale sur tout ce qui touche à l'immigration. Une liberté limitée donc mais qui a permis aux Freie Wähler de rassembler 10 % des suffrages aux élections bavaroises de septembre 2008.
Un enracinement dans le temps
Ce rapide tour d'Europe montre que dans plusieurs pays - ou quasi nations -, l'Autriche, la Flandre, l'Italie du Nord, la Norvège, la Suisse, des formations populistes sont durablement installées entre 20 et 30 % des suffrages. Et ce malgré des embûches innombrables.
Dans d'autres pays et avec des scores susceptibles d'avoisiner les 15 % - comme aux Pays-Bas et au Danemark -, les mouvements populistes sont en mesure de participer à des coalitions gouvernementales et même de peser sur leurs décisions en matière d'immigration.
Le populisme référendaire
Lorsque les peuples ont été consultés par référendum sur le projet d'Union européenne, ils ont souvent désavoué les élites politiques, médiatiques, économiques et syndicales :
—la Suisse et la Norvège ont refusé d'entrer dans l'Union européenne,
—la Suède et le Danemark ont refusé d'entrer dans l'euro,
—l'Irlande a obtenu des dérogations aux traités auxquels elle a fini par adhérer quoique le peuple les eût refusés dans un premier temps,
—la France et les Pays-Bas ont rejeté le traité constitutionnel européen,
—l'Irlande s'est prononcée contre la ratification du traité de Lisbonne.
Quant aux autres peuples, ils ont rarement été consultés directement. ..
7. TEMPS POLITIQUE, TEMPS HISTORIQUE
À travers la diversité de leurs orientations et de leurs méthodes, les mouvements populistes s'inscrivent tous en rupture avec les forces et les idées dominantes. Ils s'opposent aux puissants et à ceux qui servent les puissants. Une double dialectique se met alors en place :
—Du côté des pouvoirs, la stratégie de défense consiste à rechercher la marginalisation des populistes ou leur intégration au système à condition qu'ils abandonnent progressivement leurs thèmes forts.
—Du côté des partis populistes, la stratégie de conquête fait alterner affirmation sans concession des opinions dissidentes (au risque de camper dans une opposition stérile) et recherche de compromis pour tenter de peser sur l'exercice du pouvoir (au risque de s'affadir).
Ce dernier point est délicat car il ne peut guère y avoir de changements notables de politiques sans rupture réelle avec l'idéologie dominante : mondialiste, antiraciste, fiscaliste. L'impôt servant à imposer l'idéologie unique à travers des dépenses publiques mises au service du conformisme. Et c'est bien la profondeur des changements proposés par les populistes qui explique le tempo de leur progression : vingt-cinq ans, pour la politique, c'est du temps long mais, pour l'histoire, c'est du temps court.
À titre de comparaison, il est intéressant de se pencher rétrospectivement sur le temps mis dans le passé par de grands courants idéologiques et politiques pour s'imposer. Ainsi la philosophie manchestérienne du libre échange a mis un demi-siècle à triompher en Grande-Bretagne avec la suppression des Corn Law en 1846 et de l'Acte de navigation en 1849. Et il lui fallut plus d'un siècle supplémentaire pour s'imposer au monde avec la création de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) et la dérégulation financière. Jusqu'à la chute de Lehman Brothers.
Ainsi les courants nationaux et libéraux, étouffés par le retour du principe de légitimité au Congrès de Vienne en 1815, ne resurgirent au grand jour que trente ans plus tard lors des révolutions de 1848. Les mouvements nationaux mirent encore de longues années avant de déboucher : si l'unité italienne se fit en 1860 et l'unité allemande en 1870, les pays d'Europe centrale et balkanique attendirent encore de longues années leur indépendance et l'Irlande ne devint un État souverain qu'en 1921.
Le socialisme se construisit intellectuellement dans la première moitié du XIXe siècle ; il n'accéda au pouvoir sous sa forme révolutionnaire qu'en 1917 en Russie ; en France, sous une forme réformiste, le cheminement ne fut pas plus rapide. Cabet, auteur du Voyage en Icarie, en 1842, ne put se faire élire à la Constituante en 1848 ; le premier député socialiste français fut élu en 1881 ; les socialistes gagnèrent ensuite 12 députés en 1885, 20 en 1889, 50 en 1893 ; lorsque Millerand, adepte de la conquête du pouvoir par la voie réformiste, entra au gouvernement en 1894, il fut désavoué ; et les socialistes durent attendre 1936 pour obtenir un président du Conseil.
Qu'ils soient libéraux, socialistes ou nationaux, tous ces mouvements qui, à un moment ou un autre, ont combattu l'ordre établi ont eu leurs héros et leurs victimes, leurs glorifiés et leurs persécutés, leurs réformistes et leurs révolutionnaires, leurs modérés et leurs extrémistes et, dans le langage de leurs adversaires ou de leurs rivaux, leurs "traîtres" et leurs "terroristes". Plus près de nous, le Wilsonisme, ancêtre du mondialisme contemporain, a mis près d'un siècle à s'imposer à la planète. Et le mouvement des droits civiques, matrice de l'antiracisme contemporain et de la discrimination positive, attendit quarante-cinq ans entre la proclamation, devant la Maison Blanche, du "rêve" de Martin Luther King et l'élection de Barack Obama comme président des États-Unis.
8. LA CRISE ECONOMIQUE : UN ACCELERATEUR POUR LE POPULISME ?
La crise financière et économique que le monde traverse depuis le 15 septembre 2008, date de la faillite de Lehman Brothers, n'en est probablement qu'à ses débuts. Il s'agit en effet d'une crise due à des déséquilibres fondamentaux :
—excès de crédit,
—excès de consommation,
—excès de création monétaire.
Ces déséquilibres touchent tous les pays développés : les États-Unis en premier lieu, bien sûr, mais aussi la Grande-Bretagne et beaucoup de pays de la zone euro. Ces déséquilibres sont la conséquence du libre-échangisme mondial ; ce dogme idéologique est à la source de la baisse des revenus du travail pour les classes moyennes et les classes populaires dans les pays développés ; il est aussi à l'origine des déséquilibres grandissants des balances des paiements courants, les importations l'emportant systématiquement sur les exportations.
Or la réponse apportée à la crise par les gouvernants - plus de déficit public, plus de création monétaire - va encore aggraver les déséquilibres. Et cette politique des puissants est approuvée par leurs prébendiers : une quasi-unanimité règne dans les cénacles ministériels comme dans les salles de rédaction. Voilà de quoi légitimer encore un peu plus les discours populistes.
Dans la revue Krisis de février 2008, le sociologue Guy Hermet, observe que « les partis populistes sont [...] en train de changer de nature. De transitoires et produits par une situation de crise passagère qu'ils étaient, ils deviennent permanents, parce que la crise de la mondialisation va durer des décennies. Cette normalisation relative s'est du reste déjà produite en Norvège et au Danemark. L'Italie en offre également un exemple ».
La politologue britannique Margaret Canovan distingue plusieurs formes d'expression du peuple à travers le populisme : united people (le « peuple souverain »), common people (le « peuple classe »), ordinary people (le « peuple de base »), ethnie people (le « peuple nation »). Chacune de ces expressions du populisme peut trouver les moyens de se renforcer à travers la crise.
L’ordinary people, le « peuple de base », a toutes les raisons d'accroître sa défiance à l'égard des élites politiques, médiatiques et financières : élites qui n'ont pas vu venir la crise et qui la gèrent par l'agitation dans l'urgence et l'affolement. Attitudes qui ont peu de chance de permettre d'éviter la récession, la baisse des revenus et la montée du chômage. Ni sans doute un super krach monétaire.
Le common people, le « peuple classe », a, lui, des raisons de se révolter contre l’hyperclasse mondiale dont il découvre les méfaits et les fantastiques avantages auto-octroyés. Dans le New York Times du 26 novembre 2006, l'homme le plus riche du monde, Warren Buffet, avait cyniquement déclaré : « Il y a une guerre des classes, c'est un fait, mais c'est ma classe, la classe des riches, qui la mène et nous sommes en train de gagner la guerre. » La crise a mis sur le devant de la scène l'arrogance et l'irresponsabilité des plus riches, légitimant une réaction de méfiance de tous les autres.
L’united people, le « peuple souverain », n'a, lui, pas de raison d'accepter que les États-Unis d'Amérique, à l'origine de la crise, continuent de dicter leur loi au reste du monde. Il peut légitimement réclamer un retour vers un développement autocentré et un protectionnisme raisonnable à l'échelle de grands ensembles régionaux.
L’ethnic people, le « peuple nation », peut trouver dans la crise économique un argument supplémentaire - et décisif - contre une immigration qui peut se révéler nuisible en termes de comptes sociaux comme d'emplois.
Les élites ne le savent pas encore. Ou si elles le savent, elles feignent de l'ignorer mais la crise économique et financière met à mal le modèle mondialiste du libre-échange généralisé. Elle souligne les failles des choix des puissants et des discours qui les promeuvent. La sortie de crise ne pourra se faire que par un changement du référentiel idéologique. Et ce sont bien les populistes qui, malgré leurs faiblesses et leurs imperfections mais à travers leur diversité, portent en germe le modèle de rechange !
Jean-Yves LE GALLOU* Écrits de Paris
* Communication à la XXIVe université annuelle du Club de l'Horloge sur « Le populisme : une solution pour l'Europe en crise ». Jean-Yves Le Gallou est le créateur de la Fondation Polemia, < www.polemia.com > qui a notamment édité deux passionnants argumentaires, La Tyrannie médiatique (15 €) et Immigration : le leurre de l'intégration (20 €), en vente à Polemia, 60 ter rue Jean-Jacques Rousseau, 92500 Rueil-Malmaison.

Les commentaires sont fermés.