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Damas : banlieue éloignée de Moscou…

Le 13 février, le fondateur du « Réseau Voltaire », Thierry Meyssan, intervenait sur la première chaîne de télévision russe pour révéler que la Syrie aurait fait prisonniers une douzaine de militaires français. Le 26 février, le chiffre "confirmé" était de 18 captifs. Fait avéré ou désinformation ? Malheureusement, ceux qui dénigrent Meyssan - chez lequel l'on trouve certes à boire et à manger - se croient toujours obligés de rappeler ses doutes et interrogations relatifs à la percussion, le 11 septembre 2001, du Pentagone par un avion de ligne. Cela pour discréditer ses propos actuels en le faisant passer pour un affabulateur patenté.
Or, si ces gens étaient mieux informés, et s'ils avaient consenti l'effort minimum de s'intéresser quelque peu à la question, ils seraient à l'évidence moins péremptoires. Aussi, lorsque l'on veut mettre en doute les faits et chiffres produits aujourd'hui par Meyssan, la meilleure façon de procéder ne paraît pas de disqualifier a priori Meyssan en prenant pour référence l'affaire du "Pentagate" (1), thème sur lequel les professionnels encartés et soi-disant qualifiés feraient mieux d'adopter un profil bas sachant que 58,4 % des Français ne croient pas - et pour cause - à la thèse officielle relative aux attentats du 11/9 [sondage juin 2011] ! En Allemagne ce sont 89,5 % de sceptiques et aux États-Unis, un gros tiers des Américains. Si donc les gens de presse tenaient compte de ce type de données, peut-être se montreraient-ils plus circonspects et par conséquent se garderaient-ils d'utiliser ledit Meyssan comme repoussoir pour discréditer les nouvelles dérangeantes... car le résultat final se situe plutôt à l'opposé du but recherché, à savoir discréditer la source et l'information.
LA FRANCE, OUI OU NON, EST-ELLE EN GUERRE CONTRE DAMAS ?
Alors de deux choses l'une, si des agents et officiers français ont bien été arrêtés par les autorités syriennes, Paris devra, pour obtenir de Damas qu'ils jouissent de la protection des Conventions internationales (relatives par exemple au statut de prisonniers de guerre), reconnaître être en conflit armé avec la Syrie. Faute de quoi, entré illégalement sur le territoire syrien, combattants sans uniformes, des mercenaires en quelque sorte, nos hommes s'exposent à se voir traîner devant un peloton d'exécution comme de simples bandits ou terroristes. Car chacun sait que les « lois et coutumes de guerre » ne sont pas tendres avec les francs-tireurs et partisans... D'ailleurs nos grands amis de la Démocratie universelle, le Secrétaire du Département de la Défense, Donald Rumsfeld en tête, n'avaient-ils pas refusé, en octobre et novembre 2001, le statut de prisonniers de guerre aux combattants afghans ? M. Rumsfeld n'avait-il d'ailleurs pas déclaré [Archives du Monde] que « les États-Unis n'ont pas les moyens de faire des prisonniers du champ de bataille », avouant implicitement que la destruction massive des aborigènes résistant à l'invasion américaine constituait une consigne générale, voire un "ordre" non écrit, applicable à tous les théâtres d'opération afghans ? Et après cela l'on regarde de travers les Hutus massacreurs extensifs de Tutsi ! À ce seul titre de gloire, si la justice internationale n'était pas une sinistre fiction, M. Rumsfeld, speaker assermenté de la radio des « Mille collines » [d'où furent émis au Rwanda les appels au massacre d'avril à juillet 1994] devrait être traduit en justice et lourdement condamné pour crimes de guerres. Las !
Grâce à Dieu les Syriens sont mieux élevés que les séides du Pentagone et, s'ils ont effectivement pris la main dans le sac une poignée de Français qui n'avaient au demeurant rien à faire dans cette galère, ils ne les expédieront nullement et prestement ad patres. Selon des sources militaires russes, la France négocierait à l'heure actuelle par le truchement de la Fédération de Russie, des Émirats arabes unis et du Sultanat d'Oman. L'ambassadeur de France, Éric Chevallier, qui avait été rappelé à Paris, a regagné dans l'urgence son poste à Damas le 23 février. L'ancien Secrétaire général des Nations Unies, Kofi Annan, aurait été de son côté sollicité pour assurer une médiation... le feuilleton de l'évacuation de la journaliste française blessée, Edith Bouvier, et du photographe anglais Paul Conroy, ainsi que de deux autres reporters, tous entrés illégalement en territoire syrien, servant d'écran à une réalité de terrain sans doute moins favorable aux forces subversives (et terroristes) à l'œuvre dans le secteur "rebelle" (2).
Tout cela reste cependant passablement gênant, surtout parce que les média n'accomplissent pas leur travail et s'emploient (assez misérablement) à maquiller la réalité pour accréditer et ancrer dans l'opinion publique l'idée - préalable indispensable à toute action musclée : corridors humanitaires, approvisionnement en armes de la dissidence et des forces infiltrées, et cœtera - d'un peuple tout entier en lutte pour « la liberté et la démocratie » !
UN GRAVE REVERS POUR PARIS ET UN SÉRIEUX CONTRETEMPS POUR WASHINGTON
À Paris, dans la mesure où la capture de nos agents n'est pas démentie (ce qui confirme par contrecoup l'information : « qui ne dit mot consent » !), si un candidat digne de ce nom avait l'astuce de s'emparer de la chose et demandait des éclaircissements au gouvernement, nous pourrions, au moins en principe, assister à une intéressante crise de régime. Ce qui dans le contexte actuel, à six semaines du premier tour des élections présidentielles, ne manquerait à l'évidence pas de sel ! Mais gageons que rien n'arrivera tant le consensus est puissant pour le respect des règles implicites de la bienséance démocratique. Même les plus contestataires ne sont pas suffisamment désinhibés, assez intellectuellement audacieux et désaliénés pour franchir le plus petit Rubicon politique serpentant devant leurs pieds. Et ne parlons pas des bateleurs, révolutionnaires en peau de lapin genre Mélenchon, qui sont des hommes du système faisant campagne sur le mode Tapie, à l'emporte-gueule.
On ne peut pas non plus compter sur les Syriens pour manger le morceau, ceux-ci ayant tout intérêt à garder la chose confidentielle pour ne pas mettre leurs interlocuteurs le dos au mur. Dans ce cas de figure, les prisonniers d'Homs sont un atout et une précieuse monnaie d'échange à ne pas dilapider à mauvais escient. Toute la subtilité du jeu diplomatique reprend là ses droits, avec aussi - à notre sens - toute sa faiblesse... à trop ménager l'adversaire, à ne pas le déstabiliser quand l'occasion s'en présente, c'est lui donner la faculté de prendre tôt ou tard sa revanche. Dans un monde de brute, la politesse, ici l'intelligence politique, peut s'avérer être un vice rédhibitoire.
Parce qu'enfin si nous avons eu des hommes au cœur du brasier d'Homs, précisément dans le quartier de Baba Amr (3), cela signifie que nous sommes en guerre ouverte avec la Syrie. Or, aux termes de la Constitution de la Ve République [art. 35] « La déclaration de guerre est autorisée par le Parlement. Le Gouvernement informe le Parlement de sa décision défaire intervenir les forces armées à l'étranger, au plus tard trois jours après le début de l'intervention. Il précise les objectifs poursuivis ». Or notre Parlement a-t-il jamais été "informé" d'une telle occurrence ? Nous n'avons pas "déclaré" la guerre à la Syrie, les relations ne sont pas rompues avec Damas : nous avons donc ici un magnifique cas de "forfaiture" (la qualification a disparu du droit public français ce qui est cocasse en cette époque de toutes les corruptions), ou même de trahison, ce qui devrait valoir, si tout n'était pas aussi pourri au royaume de France, la Haute Cour de justice et la destitution immédiate de notre "ominiprésident" [art.68].
GUERRE SECRÈTE : FORFAITURE, TRAHISON, DESTITUTION
La France sarkoziste, si elle a mené jusqu'à ces derniers jours ou si elle persévère à conduire une guerre secrète contre la Syrie (se faisant par conséquent coresponsable de la mort de quelque 3 000 militaires syriens et de 3 500 civils, à laquelle s'ajoutent de multiples destructions et sabotages pour un montant estimés au bas mot à 3 milliards d'euros), devra-t-elle in fine payer de considérables dommages de guerre à Damas ? Rien n'est moins sûr parce que, chassés par la porte, les occidentalistes reviennent par la fenêtre et font donner de la voix aux « Amis du peuple syrien » réunis en conférence ce dimanche 26 à Tunis. Là une soixantaine de pays (en l'absence évidemment de la Russie et de la Chine, lesquelles se battent pour le maintien contre vents et marées du principe de souveraineté, l'un des fondements de la légalité internationale), demandaient assez piteusement - le déploiement d'une « force de maintien de la paix » associant les Arabes aux Nations Unies. Là encore, un fiasco et une déconvenue supplémentaire pour Washington, Londres et Paris...
Cependant, la loi du silence et les accords tacites (et tenaces dans la volonté de conquête et de destruction) devraient finir par l'emporter comme toujours, et les Syriens devraient (normalement) se faire avoir à l'usure comme l'a si bien souligné le Secrétaire d'État américain, Mme Hillary Clinton : « Cela a pris plus d'un an au Yémen, mais finalement un nouveau président a prêté serment [avec 99,8 % de suffrages en sa faveur]. Des gens ont continué à être tués durant tout ce temps... bien sûr ce sont des situations très douloureuses ». Traduit en clair, cela donne : « on ne fait pas d'omelette sans casser des œufs, cela prend du temps - une décennie pour briser en deux le Soudan national-islamiste - mais finalement nous parvenons à nos buts... Nous sommes les gagnants » !
LE VOTE D'UNE NOUVELLE CONSTITUTION SYRIENNE
Dimanche 26 février 2012, dans un consternant et effrayant silence médiatique occidental, 14 millions de Syriens étaient appelés à se prononcer sur le texte d'une nouvelle Constitution, laquelle doit instaurer un véritable « pluralisme politique » mettant fin au quasi-monopole politique du parti Baas au pouvoir sans discontinuer depuis 1963. Ce sont ainsi 89,4 % des 8,37 millions de personnes ayant participé au vote - soit 57,4 % des inscrits - qui ont approuvé la nouvelle Constitution... il y eut en effet « une grande affluence dans les bureaux de vote, à l'exception de certaines régions » comme le signale ingénument l'AFP, cela en dépit des appels répétés de Mme Clinton au boycott du référendum (4).
Au demeurant Mme Clinton commence à avoir des états-d'âme et cherche visiblement à trouver un faux-fuyant en vu d'amorcer un prudent (même si temporaire) retrait de la scène syrienne : plus question de fournir des armes à la résistance : « Soutenons-nous Al-Qaïda en Syrie ?...Le Hamas soutient maintenant l'opposition.  Soutenons-nous le Hamas en Syrie ? ». Entretemps Al Qaïda est entré dans la danse [Cf. note 2] et Tel-Aviv s'est rendu compte que les choses allaient peut-être trop loin, que la fenêtre de tir pour "allumer" Bachar el-Assad était en train de se refermer et que le coup du renversement du régime syrien pourrait avoir des conséquences fâcheuses... À trop manier le feu, l'on se brûle!
« Il y a beaucoup de mauvais scénarios que nous essayons d'anticiper, en même temps nous gardons l'œil sur les besoins en aide humanitaire, nous essayons défaire tout ce que nous pouvons pour soutenir l'opposition syrienne [...] et nous essayons d'encourager une transition démocratique »... Bref, tout en exhortant dimanche l'armée syrienne « à placer l'intérêt du pays avant la défense du régime de Damas » (autrement (lit une incitation à trahir), la secrétaire d'État s'est vue contrainte d'admettre qu'une « intervention étrangère en Syrie risquerait de précipiter le pays dans une guerre civile ».
LA PRESSE S'INSURGE PARCE QUE LES CITOYENS CROIENT DE MOINS EN MOINS À SES MENSONGES
Comme beaucoup d'autres « professionnels de l'information » qui râlent et dénigrent la concurrence déloyale de la Toile (qui ne devrait pas vraiment avoir le droit de savoir et de dire), le Monde.fr du 24 février (5) pleurniche abondamment sur les méchants commentaires (qualifiés de vile propagande) qui s'amoncellent sur les forums et viennent contredire la version dominante de la "révolution" sans révolutionnaires, qui s'efforce cependant de mettre la Syrie à feu et à sang. À la décharge de nos chers publicistes-désinformateurs, gageons que la plupart d'entre eux sont de graves auto-intoxiqués, persuadés de la véracité et de l'objectivité de leurs récits fictionnels. Sans beaucoup de culture générale pour le plus grand nombre, et par conséquent sans aucune profondeur de champ historique (mais fort imbus d'eux-mêmes), ils croient dur comme fer que la surface des choses - les apparences - sont la réalité ultime... Sans doute ne sont-ils pas même capables de distinguer le vrai du faux ou de saisir l'idée pourtant élémentaire qu'il puisse exister une réalité derrière la réalité des mots - ce verbiage répétitif dont ils se gargarisent - c'est-à-dire au-delà de la vision consensuelle, dogmatique hors de laquelle il n'existe, pour eux, aucun salut professionnel ?
Remercions quand même Le Monde pour sa sincérité involontaire : « La volonté de rendre compte fait que des informations remontent malgré tout, indépendamment des communiqués et des nouvelles transmises par les personnes directement impliquées dans le conflit. Pour Le Monde, Jonathan Littell et le photographe Mani sont restés plusieurs semaines à Homs, où ils décrivent des combats et une situation impitoyable ». Quel aveu !
La rédaction du Monde s'est en effet convaincue qu'un romancier, grand collecteur de déjections diverses et variées agglutinées dans les 900 pages des Bienveillantes (une imposture littéraire selon Blanrue et même selon Lanzmann) - un roman écrit finalement par on ne sait qui, mais awardisé et oscarsisé jusqu'aux narines et qui n'en demeure pas moins un « monument d'illisibilité »), était l'homme idoine pour "couvrir" la bataille d'Homs. Nous avions déjà eu M. Lévy dont la plume trempé dans l'acide de la haine a parfois le mérite de crisser sur la carte des territoires perdus pour mieux nous rappeler à l'ordre, si cela était possible. Maintenant les grandes plumes du journalisme se recrutent parmi les mythomanes orwelliens dignes de ces « Inglorious Basterds » que les générations futures sont certainement appelées, au train où vont les choses, à regarder comme un morceau d'Histoire vraie.
Que le monde ait choisi un auteur schizophrénique pour parler de la Syrie en proie à la guerre subversive, au fond quoi de plus naturel ? C'est à l'image d'un candidat-président démarrant sa campagne par une fromagerie... Finalement, Freud devait avoir raison, l'inconscient parle, et il nous lance des avertissements dont il serait éminemment sage de tenir le plus grand compte.
L- C. Rivarol du 3 février 2012
1) Thierry Meyssan. L'Effroyable Imposture et Le Pentagate 2002. Nouvelle édition actualisée éditions Demi-Lune 2007 et L'Effroyable Imposture 2 - Manipulations et désinformation Editions Alphée 2007.
2) AFP 16 février 2012. James Clapper, Directeur national du renseignement américain, affirme que les récents attentats en Syrie ont vraisemblablement été perpétrés par la branche irakienne d'Al-Qaïda : à Damas les 23 décembre et 6 janvier, puis double attentat à la voiture piégée le 10 février contre le siège du renseignement militaire syrien et le QG des forces de l'ordre, toutes action qui possèdent « toutes les caractéristiques des attentats commis par Al-Qaïda »... Précisant : « Il n'y a pas de mouvement national de résistance... L'armée syrienne libre n'est qu 'un nom générique pour désigner les opposants au régime, et n 'est pas même unie. Elle est le théâtre de puissantes querelles internes pour déterminer qui va la diriger » ! Donc l'armée rebelle dont on nous rebat les oreilles n'existe pas, n'en déplaise à nos médiamenteurs... et la politique géniale de la France acoquinée à Londres, Berlin et Ankara consiste à servir de tremplin à Al Qaïda, laquelle vient de se déclarer ouvertement en faveur de la soi-disant "révolution" syrienne par la voix de son chef Ayman al-Zawahiri.
3) La ville d'Homs n'étant pas « sous les bombes » comme les folliculaires se complaisent à le prétendre, mais seulement un quartier spécifique où se sont retranchés djihadistes sunnites et autres mercenaires libyens et qataris, lesquels ont pu être au départ, le cas échéant, encadrés par des « conseillers étrangers ». Un cas de figure similaire que la presse amnésique se garde bien d'évoquer est la prise par l'armée libanaise le 2 septembre 2007, après trois mois de durs combats, du camp de Nahr-El-Bared situé au nord du pays et jusque-là aux mains des salafistes du « Fatah al Islam ». Non seulement personne ne broncha au sein de la Communauté internationale, mais depuis l'État libanais se prévaut d'avoir été « la première armée du monde à avoir combattu avec succès l'islamisme combattant ». Ce qui est évidemment une contrevérité !
4) Selon les résultats officiels 753 208 votants ont dit "non" à la nouvelle Constitution, soit 9 %, et : 132 920 bulletins nuls ont été décomptés. Deux référendums ont été organisés depuis la disparition du fondateur de la "dynastie" des Assad : en 2000 et en 2007. Le taux de participation avait les deux fois dépassé 97 % (ce qui est un étiage habituel dans la région, voir le score "démocratique" de 99,8 % obtenu par le nouveau président... à titre de comparaison, Chirac en 2002 faisait 82,21 % des suffrages exprimés), pour 57 % ce dimanche 26 février.
5)    http://rezonances.blog.lemonde.fr/2012/02/24/sur-la-syrie-la-propagande-a-longueur-de- commentaires

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