Liberté d’information, liberté d’expression…Dans le quotidien (de gauche) britannique Guardian, rapportait il y a peu le site du Salon beige, le journaliste politique et juriste américain Glenn Greenwald, lui aussi connu pour ses idées progressistes, a sévèrement taclé le ministre des Droits des femmes et porte-parole du gouvernement, Najat Vallaud-Belkacem. En cause, sa demande faite au réseau social Twitter d’aider les autorités françaises à criminaliser et censurer les propos qui ne sont pas de son goût. « Il n’existe pas de formule scientifique pour déterminer ce qu’est un discours haineux écrit M. Greenwald, c’est une qualité intrinsèque et subjective (…). Nul pouvoir n’est plus dangereux et plus destructeur que celui qu’exerce un Etat pour supprimer et criminaliser les opinions qui lui déplaisent. (…) Les nouvelles technologies peuvent toujours servir à remettre en cause les dogmes établis, c’est pourquoi elles sont toujours dans la ligne de mire des censeurs. Il n’est pas seulement possible ou probable mais certain, absolument certain qu’en permettant à l’Etat d’emprisonner des gens pour leurs idées haineuses, ce pouvoir servira un jour à protéger les élites de toute remise en question. »
Et Glenn Greenwald de poursuivre son réquisitoire : « Demander à Google ou Twitter de supprimer des opinions spécifiques est la marque des tyrans. Tous les tyrans pensent agir pour un bien fondamental, cela ne les rend pas moins tyranniques. Les gens absolument convaincus de la supériorité de leur bonté constituent une terrible menace pour les droits fondamentaux parce qu’ils n’ont aucun mal à justifier leurs abus: bien sûr que je suis contre la censure – des autres – mais pas quand elle sert à éliminer les idées que je n’aime pas. La criminalisation des idées qui nous déplaisent ne les fait pas mieux disparaître et refuser d’y faire face ne fait que les renforcer. »
Les idées, leur exposé et le pluralisme des points de vue sont aussi en filigrane une des questions essentielles qui ressort du dernier « Baromètre annuel de la confiance dans les médias » réalisé par le quotidien La Croix et publié ce mardi
En 2011, ce même sondages TNS-Sofres/La Croix, indiquait que 63% des sondés pensaient que les journalistes « ne résistent pas aux pressions des politiques », 58% estimaient que cette profession est « dépendante du pouvoir économique ».
56 % des sondés estimaient aussi que les médias ne sont favorables « ni à la droite ni à la gauche ».Ce qui n’est pas totalement faux si l’on considère que les intérêts des groupes financiers, qui contrôlent la majorité des rédactions de la presse écrite et audiovisuelle, sont assez transversaux et indépendants des clivages politiques traditionnels (artificiels) mis en vitrine par le Système…
La dernière enquête publiée aujourd’hui souligne de manière anecdotique, que 31% des personnes interrogées détectent une certaine hostilité des médias contre François Hollande alors que 22% seulement faisait ce constat pour Nicolas Sarkozy.
Phénomène plutôt curieux si on le rapporte à la consultation Harris Interactive réalisée sur Twitter pour le magazine Médias au lendemain de la présidentielle 2012. Selon l’enquête d’Harris Interactive, les trois quart des journalistes votent à gauche. Au premier tour , 39% des membres de cette corporation ont déclaré avoir voté pour François Hollande , 19% pour Jean-Luc Mélenchon, 18% pour Nicolas Sarkozy…et 3% seulement affirmaient partager les idées défendues par Marine Le Pen. Au second tour, 74 % des journalistes interrogés affirment avoir voté pour le candidat du PS
Cette parenthèse étant fermée relevons que ce « Baromètre de la confiance dans les médias » confirme que celle-ci continue de s’éroder sérieusement.
A la question de savoir « Si les choses se sont passées vraiment comme les médias les racontent », le oui reste minoritaire et stable pour la télévision à 48%, les Français répondent oui à 54% pour la radio (qui chute tout de même de 4 points), à 49% pour la presse écrite (-2 points). 53% considèrent d’ailleurs que la situation économique et financière de la presse est mauvaise, et parmi ceux-ci, les deux tiers y voient « un risque pour la démocratie ».
Mais la chute des ventes des journaux note Bruno Gollnisch , que l’on peut imputer à la concurrence des méfias digitalisés, au recul de la lecture chez les jeunes adultes, est aussi le fruit du consensus idéologique qui règne dans ce milieu fortement auto-référencé. Le formatage des esprits des journalistes –et la nouvelle génération qui rêve massivement de travailler à Libération atteint dans ce domaine des sommets- conditionnés pour faire couler le même robinet d’eau tiède citoyen et progressiste, ne suscite logiquement guère l’enthousiasme.
Cette enquête indique encore qu’internet reste le médium le moins crédible. « Pour la première fois depuis 9 ans rapporte La Tribune, (date à laquelle le média a été intégré dans la mesure), le pourcentage des Français estimant que les choses se sont passées vraiment comme Internet le raconte a reculé à 35%, soit deux points de moins en un an. »
« Il y a une petite rupture. Cela montre aussi que les gens ne prennent pas tout pour argent comptant, qu’ils ne sont pas dupes indique Edouard Lecerf (directeur de TNS Sofres, NDLR). Il faut dire que par rapport aux autres médias, Internet est proposé aux sondés dans sa globalité. Autrement dit, les internautes ont confiance dans ce qu’ils lisent sur les sites de médias traditionnels, et beaucoup moins sur le reste du Web. »
Confiance dans les médias traditionnels pourtant toute relative si l’on se fie aux résultats de ce sondage évoqué plus haut. D’autant qu’internet, jungle touffue dans laquelle le pire est bien présent, recèle aussi des sites, des blogs sur lesquels l’internaute peut trouver des informations, des éclairages stimulants, des analyses sérieuses de très grande qualité, émanant de personnalités qui sont (parfois, souvent) ignorées ou volontairement bannies des grands canaux d’information .
L’intérêt des médias réside bien dans la pluralité des opinions présentées. Or, comme le résumait le blog du Québécois libre en mars 2011, « le pluralisme a bel et bien implosé dans la plupart des rédactions, et singulièrement dans l’audiovisuel. »
« Les journalistes, ne répondant pas au système de valeurs soixante-huitard ont été découragés, éconduits, marginalisés, déclassé, remisés dans des placards, quand ils n’ont pas été cassés ou évincés (…). Certains ont sauvé leur carrière en pliant l’échine, d’autres en acceptant de jouer des rôles potiches. Mais l’éviction au pire, la marginalisation au mieux de la plupart d’entre eux a considérablement affaibli la capacité de critique et d’audace dans les rédactions. »
« Contrairement à une opinion répandue est-il encore écrit il n’y a plus guère de problème d’autocensure dans les médias audiovisuels (…) la question ne se pose quasiment plus pour les dernières générations. Les nouvelles recrues arrivent avec des réflexes culturels déjà forgés. Instinctivement, ils sélectionnent les faits et relatent l’actualité à partir d’une grille de lecture préétablie. »
« Pour eux, le journaliste est avant tout un acteur du débat de société, un médiateur engagé, un militant des causes citoyennes. C’est ce qu’on leur a inculqué avant d’entrer dans la vie professionnelle. Le souci d’objectivité et d’exactitude est secondaire, le but ultime étant de faire prendre conscience à l’opinion que certaines causes sont justes, d’autres obsolètes, que certains débats sont brûlants, d’autres dépassés. »
Bref , il est heureux que nos compatriotes cultivent toujours la vertu du doute au sujet des messages et autres stimuli dont ils sont abreuvés par les médias ; que « les gens ne prennent pas tout pour argent comptant, qu’ils ne sont pas dupes » comme le note M .Lecerf.
Mais, nous le relevions il y a déjà trois ans, la propagande distillée insidieusement, le travail de sape idéologique effectué quotidiennement dans les gros médias, se fait aussi avec une grande perversité dans le domaine « culturel » et du « divertissement », devant lequel le sens critique s’émousse plus volontiers…Ce n’est pas sans conséquence néfaste sur notre psyché collective, sur le goût des Français. Un peuple encore réputé fin, spirituel et volontiers frondeur au tournant du siècle précédent.