RIVAROL: Alain Toulza, diplômé de Sciences Politiques, vous avez été conseiller technique auprès du ministre sénégalais de l'Enseignement supérieur puis, en France, du président du Comité national d'évaluation de la recherche. Père de famille nombreuse, vous avez fondé en 1995 le Comité d'initiatives pour la Dignité humaine, l'une des associations appelant à la Marche pour la Vie du 11 octobre, et vous présidez depuis 2004 le collectif « Oui à la famille, non à l'homofolie ». Le livre majeur que vous venez de publier, Le meilleur des mondes sexuels (1) dénonce le « nouvel ordre mondial de la sexualité » sur lequel vous avez travaillé trois ans durant. Comment vous est venue l'idée de cette étude exhaustive ?
Alain Toulza : De nombreux ouvrages ont été consacrés, depuis quelques années, à tel ou tel autre aspect de l'évolution des mœurs dans le monde occidental. Hormis L'histoire de la volonté de perversion des mœurs et de l'intelligence, de François-Marie Algoud, volumineux inventaire chronologique des faits et propos concourant à une tentative multiséculaire de destruction de la foi et de la moralité chrétiennes, ces études, dont le mérite est indéniable, offrent cependant l'inconvénient de présenter cette évolution comme une série fragmentée de faits de sociétés plus ou moins indépendants les uns des autres.
Or, il m'est apparu que, loin d'être des épiphénomènes circonstanciels d'une mutation incontrôlable de la société, les dérives que nous connaissons en matière de vie sexuelle et de normes propres à la construction de l'amour procréateur s'ordonnent autour d'un schéma destructeur de ce que nous qualifions de « culture de vie ». En ce sens, elles constituent ce que je dénomme un « nouvel ordre mondial de la sexualité ». Mon ouvrage, structuré en deux tomes, répond à la nécessité de mettre en évidence les liens organiques entre les différentes formes de ces bouleversements moraux, sociaux et biotechnologiques, et leur fil conducteur d'ordre idéologique.
R : Pouvez-vous nous dire quelques mots sur la façon dont ce courant dévastateur a imprégné le monde occidental ?
A. T. : Il est difficile de résumer en quelques lignes ce qui fait l'objet de trois des quatre chapitres du premier tome, intitulé Le meilleur des mondes sexuels. Pour faire court, je dirai que le fil conducteur peut être repéré à partir du milieu du XIXe siècle et suivi à travers les étapes du combat féministe dans le monde occidental. L' évolution du statut de la femme est à l'origine de la révolution sexuelle, qui détermine elle-même les transgressions révolutionnaires en matière de structure familiale et de procréation. Même le phénomène de l'homosexualité est hérité de cette sorte de transformisme de l'idéologie féministe initiale, ainsi qu'il est démontré dans ce premier livre. Mais le mouvement féministe n'aurait jamais connu l'ampleur qui en a fait le fer de lance d'une révolution mondiale en cours s'il n'avait été alimenté et soutenu par des philosophies et quelques doctrines anthropologiques telles que le darwinisme, le malthusianisme, le « nouvel âge » et la franc-maçonnerie entre autres. L'intérêt de cette enquête est de montrer les convergences et les articulations entre ces divers courants, ainsi que les complicités politiques, nationales et internationales, et les outils scientifiques dont disposent les artificiers de la révolution mondiale de la sexualité.
R. : De plus en plus, les philosophies mortifères que vous dénoncez deviennent des modes, que les peuples du monde entier suivent aveuglément. Pouvez-vous nous expliquer cet alignement ?
A. T. ; Il est vrai que les modes sexuelles occidentales tendent à se répandre dans les autres continents, du moins au niveau de la jeunesse urbaine, surtout "dorée", des peuples qui composent le tiers-monde. Mais à un degré encore très modéré. Comment expliquer ce phénomène sinon, pour une large part (Afrique, Japon, par exemple), par la déperdition de la foi ancestrale et des valeurs qu'elle véhiculait, comme dans l'Occident chrétien ? Ajoutons-y, au plan de la contraception et de l'avortement, les campagnes massives et totalitaires du Planning familial international orchestrées par les séides des organismes internationaux. Cela sera rappelé dans le second livre à paraître. Le grand affrontement, lequel montrera également le rôle majeur joué en ce sens par la pornographie, dont le principal outil, aujourd'hui, est l'internet.
R : Du noyautage du courant féministe originel par des intellectuelles lesbiennes nord-américaines à la structuration du mouvement homosexuel en une communauté internationale suractive et faiseuse de lois, un pas de géant a été accompli en trois décennies. Comment cela a-t-il pu se produire sans que le monde politique ait tenté de réagir et sans ruptures internes au sein de cette mouvance communautariste ? Le sida a-t-il joué un rôle fédérateur à cet égard ?
A. T. : C'est qu'au contraire de certaines sociétés anciennes dans lesquelles l'homosexualité a été, quoi qu'on en prétende, largement contenue, à un moment de leur histoire, par une incapacité à se justifier, le mouvement homosexuel des temps modernes s'est taillé une dimension sociale spectaculaire à partir d'une théorisation de sa prétendue légitimité.
Dans un chapitre que j'ai voulu fortement argumenté, j'ai tenté d'exposer de façon accessible la doctrine "queer" (mot anglais signifiant à l'origine bizarre), fondement idéologique du concept d'orientations sexuelles, dans ses méandres parfois contradictoires, et la théorie du "gender" qu'elle a conçue. Il faut bien voir que cette doctrine a été servie par des intellectuels de rang universitaire occupant parfois des chaires de prestige, en France comme en Amérique du Nord, et qu'elle a, aujourd'hui, rang de cité dans les structures de l'enseignement supérieur et de la recherche du monde occidental. D'où le terrorisme mental qu'elle exerce sur nombre de politiciens et le crédit dont elle bénéficie dans les media appointés. Ce qui interdit la divulgation des débats internes à la communauté homosexuelle. Ajoutons que le sida a joué, et joue encore, une mission de dictature de la compassion qui prive le public réticent de toute capacité de réaction.
R. : Vous démontrez que l'homosexualité n'était pas la règle en Grèce et dans la Rome antique (le prétexte de la guerre de Troie fut l'amour de Pâris non pour un éphèbe mais pour la belle Hélène) et qu'elle n'était guère pratiquée que dans les hautes classes, ce qui a d'ailleurs conduit à la décadence de Rome. Quel est, à l'époque présente, le rôle des massmedia et/ou d'internet d'une part et de l'Education nationale d'autre part, dans sa diffusion actuelle à travers toute la société, y compris l'armée puisque l'on a appris à l'occasion de sa mort que l'un des sous-officiers paras servant en Afghanistan était pacsé avec un camarade ?
A. T. : Je ne démontre pas, je ne fais que rappeler ce que d'éminents universitaires, qui sont des références internationales en matière de culture et de civilisation hellénique ou romaine, ont largement prouvé documents irréfutables à l'appui - et que les auteurs les plus cités (du monde romain notamment) confirment : l'homosexualité était très limitée et méprisée dans ces deux civilisations, c'était la pédophilie qui régnait, mais au niveau de certaines castes dominantes. L'amour était massivement hétérosexuel (v. Ovide, par exemple).
Cependant et selon le précepte « le poisson pourrit par la tête », la dégradation des mœurs dans ces hautes sphères a précipité le déclin de leur empire.
Vous avez raison de souligner, comparativement, que parmi les facteurs nouveaux d'expansion de l'homosexualité, les media et le monde de la pseudo-éducation dite nationale occupent une place d'importance. Il y a, dans le premier tome, des sections majeures sur ce sujet, mais le second tome développera leur rôle néfaste en matière d'incitation à la perversion des mœurs au sens le plus large du terme.
R. : Vous avez esquissé, dans Le meilleur des mondes sexuels, quelques conséquences qu'entraîne déjà cette libéralisation des mœurs mais vous laissez entendre qu'à terme, ce qui constitue aujourd'hui une véritable tentative de subversion révolutionnaire risque de produire des effets encore plus désastreux que la domination marxiste il y a peu. Pouvez-vous nous en dire plus ?
A. T. : J'ai déjà, dans ce premier tome, montré les dégâts résultant de l'emprise du modèle des « familles recomposées » qui ne sont jamais que l'illustration de l'amour décomposé. Et j'y ai longuement traité de la perspective effrayante qu'ouvre l'utilisation démoniaque (n'ayons pas peur des mots) des techniques de manipulation biologique au profit, à la fois, des ambitions folles des chercheurs et des exigences de la libération sexuelle déconnectée de la dimension naturelle de l'amour et de la procréation. Le grand affrontement montrera comment s'opère l'anesthésie des mentalités et l'inversion des valeurs au moyen des technologies de destruction mentale (pornographie, pédophilie, prostitution, drogue, internet, medias) des structures et appareils politiques, et des courants idéologiques venant d'horizons parfois surprenants. S'il n'y a évidemment pas de chef d'orchestre (sinon le Malin, bien entendu), l'évidence s'impose d'une volonté convergente de nombre d'acteurs d'instaurer un monde nouveau construit non seulement hors de Dieu comme le marxisme, mais en outre sur les décombres des lois naturelles qu'Il a posées.
R. : Voilà un constat bien inquiétant; il pourrait démoraliser plus d'un de nos amis et susciter parmi eux une tendance à la démobilisation. N'y a-t-il pas, dans votre ouvrage, un message d'espoir ? Que pouvons-nous opposer à cette monumentale entreprise de déstructuration morale et sociale ?
A. T. : Nous avons pour nous l'Espérance. Le chapitre final du deuxième tome (Le grand affrontement) est entièrement consacré à l'organisation de la résistance et de la contre-offensive. Gardons-nous de sous-évaluer, dans notre subconscient, les armes spirituelles mises à notre portée.
Cette lutte est celle des deux étendards et nous savons, depuis saint Ignace, comment conduire pareil combat. Mais nous disposons aussi de pas mal d'armes temporelles : politiques, associatives, juridiques, éducatives, médiatiques (sachons, à notre tour, utiliser l'internet mais pour la bonne cause). Tout cela est largement exposé dans ce chapitre, dont la note ultime est en référence à cette parole du Christ : « mais, n'ayez pas peur, j'ai vaincu le monde ».
Propos recueillis par Jacques LANGLOIS. Rivarol 19 SEPTEMBRE 2008
(1) On peut se procurer l'ouvrage de M. Toulza (348 pages avec annexes et préface de Denis Sureau). 25 euros + frais de port) soit auprès de Duquesne Diffusion, soit aux éditions de Chiré, soit auprès de l'association PMN, 20 rue Louis Blanc, 75010 Paris.
Alain Toulza : « Le nouvel ordre mondial sexuel exerce un véritable terrorisme »
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