Dans un discours appelé à devenir historique s’il est suivi d’effets, le premier ministre anglais David Cameron vient d’annoncer le quasi arrêt de l’immigration au Royaume-Uni. Il est le premier dirigeant politique européen a avoir eu le courage de prendre le problème à bras le corps.
La foudre tombant sur Big Ben n’aurait pas eu plus d’effet! Le 25 mars à Ipswich, dans l’est de l’Angleterre, David Cameron, le Premier ministre tory (conservateur), a sans doute tenu le discours le plus important de sa carrière. Face à un parterre d’étudiants, cet homme peu suspect d’extrémisme a en effet annoncé que le Royaume-Uni allait durcir sa législation sur l’immigration: « Le solde migratoire doit être drastiquement réduit, de plusieurs centaines de milliers de personnes par an à quelques dizaines de milliers ».
Les émeutes raciales de 2011, l’arrivée massive d’immigrés tirant les salaires des nationaux vers le bas, l’afflux incontrôlé de centaines de milliers d’illégaux venant se sucrer sur le dos des contribuables, l’islamisation rampante de villes entières et la prise de conscience de l’échec cinglant de la société multiethnique, chère au modèle britannique, ont fini par exaspérer les Anglais. Le plein accès des Roumains et des Bulgares au marché du travail européen, prévu pour 2014, provoque en outre une grande inquiétude au sein de l’opinion publique.
Mais l’immigration est véritablement devenue un élément central du débat politique depuis le 1er mars, lors de la percée, à l’occasion d’une législative partielle, du parti populiste UK Independence Party (Ukip). En 2010, dans la circonscription d’Eastleigh, au sud du pays, Ukip avait fait 3,6 %. Trois ans plus tard, le voilà à 28 %, devant la droite « traditionnelle »! Un score qui, loin d’un épiphénomène, confirme, depuis six mois, une progression explosive dans les sondages… Parti de 2% il y a moins de dix ans, il est désormais crédité de 14 % au niveau national et s’apprête à devenir le troisième parti du pays. Autant dire que, pour les Tories, il y a le feu à la Tamise.
Pour stopper l’immigration, une solution très simple
En prévision des législatives prévues début 2015, Cameron a pragmatiquement décidé d’y aller à fond, tant pour récupérer le terrain perdu que pour répondre aux aspirations évidentes de l’électorat majoritaire. Durant son discours d’Ipswich, il a jugé justifiées les craintes de la population britannique face à l’immigration incontrôlée: « Ces inquiétudes ne sont pas seulement légitimes, elles sont motivées – et c’est le devoir des hommes politiques d’y répondre ».
Pour obtenir des résultats, il ne déroulera pas de fil barbelé, ne construira pas des murs jusqu’au ciel, ne déclenchera pas de guerre civile: il va simplement fermer le robinet de l’Etat-providence, en un geste salutaire de préférence nationale.
Sans trop de précautions oratoires, il a donc annoncé que les immigrés illégaux venus profiter de l’argent public avaient désormais vocation à… « prendre la porte »!
Dénonçant le « tourisme médical », il prévoit de limiter l’accès des immigrés au National Health Service (NHS), système de santé publique.
Les amendes auxquelles sont exposés les employeurs d’immigrés clandestins seront doublées et les propriétaires de logements loués à des clandestins pourraient également être visés.
Concernant l’immigration légale, le versement d’allocations aux immigrés sans travail sera stoppé au bout de six mois si les bénéficiaires ne peuvent prouver qu’ils ont « une réelle chance de retrouver un travail ».
Les nouveaux immigrés devront attendre cinq ans pour pouvoir bénéficier d’un logement social et leur accès au système de santé britannique leur coûtera plus cher, « ce qui signifie que leur pays d’origine devra mettre la main au portefeuille pour prendre en charge une partie des dépenses ».
La Commission européenne défend l’immigration
Face à ces mesures de bon sens, les adversaires de Cameron n’ont toujours rien compris…
Bien qu’ayant pris acte du problème migratoire, le Labour (la gauche anglaise) se roule au sol en dénonçant le racisme du Premier ministre, sans se préoccuper une seconde du sort des Anglais de souche les plus modestes, ni même, tactiquement, de l’exaspération d’une frange grandissante de l’opinion publique. La Commission européenne, totalement coupée des réalités, a dénoncé un discours « xénophobe et peu intelligent » (sic). Le commissaire européen Laszlo Andor – dont le nom évoque irrésistiblement le five o’clock tea, le tweed et le chapeau melon –, a tenu à se mêler des affaires des Anglais en estimant que « la légalité communautaire de ces propositions devait être vérifiée ». Et de sortir l’éternel catéchisme libéral cosmopolite: « Blâmer de pauvres immigrés et leur faire porter le poids de la crise économique n’est ni très neuf, ni très intelligent. Il serait plus responsable de confronter cette vision erronée de l’immigration avec celles des autres pays européens [ndlr: on aura vraiment tout entendu!] et d’expliquer sereinement les causes de la crise. La réalité, c’est que les immigrés des pays de la zone européenne ont un apport très bénéfique sur l’économie, notamment par ce qu’ils paient des impôts et des cotisations sociales tout en touchant des salaires moindres que ceux des travailleurs anglais, par exemple. Cette libre circulation des travailleurs est la clé de l’efficacité du marché européen. »
David Cameron, pour sa part, a fait savoir qu’il s’opposerait « très fermement » à toute contestation de la part des instances européennes. Reste à voir s’il tiendra le coup.
Déjà en 1968, Enoch Powell, brillant meneur des Tories, promis aux plus hautes destinées – et notamment à Downing street, siège du Premier ministre – avait lucidement mis en garde contre l’immigration de masse [Voir ici un dossier exceptionnel sur l'historique discours de Powell : une émission de la BBC sur ce discours, sous-titrée en français, et le texte intégral du discours traduit en français ainsi que l'original en anglais].
Pour évoquer les risques des sociétés multiculturelles, Powell avait cité un vers de Virgile évoquant le « Tibre tout écumant de sang ». Le peuple britannique lui apporta son soutien, mais les médias ne retinrent de son discours qu’une expression, celle des « fleuves de sang », prétexte à un lynchage en règle, dans l’indifférence de son propre camp. L’immigration était alors un tabou. A quarante-cinq ans d’écart, la prophétie est pourtant en train de s’accomplir, et David Cameron pourrait bien sonner l’heure de la revanche d’Enoch Powell. S’il est encore temps.
Patrick Cousteau
Article de l’hebdomadaire “Minute” du 3 avril 2013 reproduit avec son aimable autorisation. Minute disponible en kiosque ou sur Internet.
Crédit photos : DR.