Le week-end, c’est sacré. Bien plus que la famille ou son avenir. C’est la leçon des débats au Sénat qui s’achèvent sous mes yeux et qui vient d’aboutir à l’adoption de la loi Taubira qui repassera bientôt devant l’Assemblée, où il dispose d’emblée d’une majorité bien plus sûre. Tout le reste est littérature… quoique. La résistance va s’accentuer.
Le week-end, c’est sacré. L’hémicycle du Sénat est clairsemé à l’heure des explications de vote. Les tribunes du public sont plus fréquentées ; on y voit des écoliers, amenés là pour vivre « l’histoire », pour toucher du doigt la marche en avant vers plus d’égalité. Ils y ont entendu parler de ce sujet dont saint Paul disait qu’il ne devrait même pas être question dans nos assemblées. Ils y ont constaté le vide des rangs, les larges fauteuils confortables abandonnés par des sénateurs qui ont préféré rejoindre leurs circonscriptions ou aller faire leurs courses alors que l’on touche au tissu même de la société.
Toute la journée du jeudi aura été marquée par des tractations entre la majorité de gauche et l’opposition (incertaine) qui ont été à deux doigts d’organiser un vote en catimini, pendant la nuit, après que l’UMP eût tenté en vain de réduire le nombre de ses intervenants parmi lesquels certains ont bataillé ferme, même si l’obstruction par milliers d’amendements n’a pas eu lieu.
Voici ce qu’en dit Public Sénat : « “On a été dépassé par nos troupes”, avoue Alain Gournac, vice-président du groupe UMP, “beaucoup des nôtres veulent parler”. “Ils nous ont dit : vous ne pensez pas qu’on ne va pas s’exprimer. Ce n’est pas possible. On nous reprochera de ne pas avoir assez combattu”, ajoute-t-il. » Regard coulé vers les électeurs. Mais de là à rester jusqu’au samedi ? Personne n’en avait envie. Le PS parce qu’un conseil national est organisé ce jour-là.
C’est donc un « gentlemen’s agreement » entre UMP et PS qui a finalement abouti à l’idée d’achever la discussion des amendements tard le jeudi soir ou dans les petites heures de vendredi, et de voter ce vendredi en fin de matinée.
La mobilisation des opposants au « mariage » des homosexuels n’y est sans doute pas pour rien : Civitas est venu fidèlement prier tous les soirs depuis lundi ; la « Manif pour tous » a appelé à un rassemblement qui s’est prolongé sous les fenêtres du Sénat jusqu’à la levée de séance ; d’autres groupes – puisque désormais les initiatives sont diverses – ont fait venir leurs troupes devant un Sénat en état de siège.
Le peuple, on l’écoute mais jusqu’à un certain point. Les exactions ubuesques se sont poursuivies. On peut voir sur youtube le film de l’expulsion des jardins du Luxembourg, jeudi, d’un homme qui portait le sweat-shirt de la Manif pour tous avec son logo « contraire aux bonnes mœurs » : un homme, une femme et deux enfants. Sous les yeux éberlués des promeneurs et des touristes, six ou sept policiers le portent vers la sortie. C’est ainsi qu’on impose et qu’on protège le « mariage pour tous ».
Ne nous y trompons pas : c’est une fois adopté, et faute d’avoir souligné à quel point son idéologie victorieuse permettra de bâillonner toute critique morale, religieuse, civique ou sociale du comportement homosexuel ou de l’« homoparentalité », que le projet Taubira permettra une montée en puissance de cette entrave à la liberté de dire le bien.
Tout au long de ce débat, on s’est battu pour la filiation et pour le bien des enfants, et c’est bien, très bien même.
Mais on s’est battu en se gardant à droite et surtout à gauche, en faisant le maximum pour rester sur le terrain de l’adversaire, pour limiter les coups, pour « respecter les personnes » comme ils disent. Le respect des personnes est indispensable. Mais de plus en plus on le confond avec le respect et même l’inclinaison devant leurs erreurs.
C’est une société malade, infirme et largement aveugle qui a engagé, courageusement et avec une combativité inespérée, la bataille du mariage. Mais d’un mariage qui ne représente déjà, pour l’immense majorité, qu’un arrangement certes solennel mais réversible où l’on s’engage trop souvent pour ne pas avoir d’enfants, ou pour en avoir uniquement et parcimonieusement sur commande, ou même juste pour offrir un environnement provisoirement stable pour des enfants déjà là. On s’est battu pour la filiation dans une société qui accorde la même valeur et davantage de secours aux familles « monoparentales », qui admet la création d’enfants in vitro avec des gamètes anonymes. C’est bien de dire « stop ». Mais nous sommes déjà tellement avancés dans la dissociété !
Ce sont ces complicités inavouables ou inconscientes qui ont fragilisé en profondeur le camp du « non » à la loi Taubira, contraint aux demi-vérités : face au rouleau compresseur du totalitarisme gay, au mépris de l’Etat et à la pensée unique développée par les médias, il va falloir autre chose pour faire le poids.
• Cet article paraît dans Présent daté du samedi 13 avril 2013.