par Stéphane Blanchonnet *
Le ministre de l’Éducation nationale, Vincent Peillon, a annoncé qu’un cours de "morale laïque" serait dispensé dans l’ensemble du système scolaire, de la maternelle au baccalauréat, dès la rentrée 2015.
Dans la foulée du vote de son projet de loi sur la « refondation de l’école » et à l’occasion de la remise du rapport qu’il avait commandé à Alain Bergounioux, Laurence Loeffel et Rémy Schwartz, Vincent Peillon a donné de nouvelles précisions sur sa "marotte", l’instauration d’un cours de morale laïque dans l’ensemble du système scolaire, de la maternelle au baccalauréat. Ce nouvel enseignement, qui ne sera pas une nouvelle discipline et fera donc appel aux professeurs des matières existantes, aura toutefois des horaires dédiés (il ne sera pas simplement ajouté aux contenus des programmes des différentes matières) et fera son apparition à la rentrée 2015. C’est du moins ce qu’affirme M. Peillon dans un con-texte où il paraît peu probable que lui-même ou le gouvernement auquel il appartient puisse seulement passer l’année !
Un machin de plus
Avant de passer à une critique de fond de l’intérêt de cette morale laïque, on peut faire remarquer que ce nouvel objet pédagogique non identifié (OPNI ?) vient s’ajouter à une longue liste de "machins" (ECJS, aide individualisée, TPE...) qui viennent alourdir un temps scolaire que l’on veut par ailleurs raccourcir, et réduire la part réservée aux enseignements disciplinaires, donc au véritable savoir. On peut aussi s’amuser de voir un nouveau ministre pressé comme tous ses prédécesseurs de "laisser sa trace" dans les programmes ou encore de voir un socialiste surfer assez démagogiquement sur la vague du retour à un certain ordre moral (extérieur et superficiel) qui avait porté au pouvoir Nicolas Sarkozy en 2007 et qui traverse incontestablement l’opinion comme le montrent toutes les enquêtes. Sur le fond, la morale laïque est une impasse : dans le moins pire des cas (on n’ose dire le meilleur !), elle se résumera à une sorte de plus petit dénominateur commun ("la civilité" mais pas la belle, la grande politesse française, dont la galanterie est la fine fleur et qui repose sur des distinctions que l’idéologie dominante assimile à autant de discriminations) ; dans le pire des cas, elle redeviendra l’arme de guerre civile anti-religieuse qu’elle était au début du XXe siècle.
À la différence qu’hier, en attaquant le catholicisme et non l’islam, elle était aussi un crime contre les fondements de la civilisation française. Maurras décrivait ainsi la mise en œuvre de ce crime dans un remarquable texte de 1928 (paru dans l’Almanach de l’Action française et disponible sur maurras.net) : « Oui, nous payons des prêtres, et de véritables congrégations de prêtres et de docteurs, dans les écoles normales primaires, pour entretenir cette religion d’État contre l’État. » La différence étant que les prêtres et les docteurs laïcs d’aujourd’hui ne véhiculent plus ce que le Martégal appelait joliment « ce stoïcisme germanique de Rousseau et de Kant », une morale abstraite, déracinée mais une morale tout de même ! On lui a substitué une moraline libérale-libertaire, sorte de hideuse tambouille dont les ingrédients sont des résidus de pensée soixante-huitarde mêlés au politiquement correct importé d’Amérique, le tout assaisonné d’une pincée de féminisme du genre...
Embrigadement
Maurras dans son texte de l’almanach soulève d’autres aspects de la question : l’obligation faite à tous les Français de financer cet embrigadement des esprits et l’inégalité entre les enfants du peuple, contraints d’ingurgiter la propagande laïciste, et les "fils de famille" qui peuvent y échapper en payant : « Du point de vue de la justice, il suffit pour con-damner cette école que, enseignant la doctrine de quelques-uns, elle soit payée par tous et obligatoire pour tous, en particulier pour ceux qui n’ont aucun moyen de se défendre contre ses inventions, ses conjectures, ses frénésies et ses fanatismes. » En attendant le retour d’un État légitime qui aura pour finalité la perpétuation de notre civilisation française et non son éradication, il convient d’insister sur ce dernier point en militant, par exemple, pour l’amélioration de la situation des écoles hors contrat, voire pour l’instauration du chèque scolaire.
Stéphane Blanchonnet - L’Action Française n°2862 - www.a-rebours.fr
* Stéphane Blanchonnet, président du comité directeur de l’Action française, est spécialiste des questions de société.