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Pour un nationalisme permaculturel

 

Vivre, c'est se protéger

Un long travail de guerre culturelle a été accompli par l'idéologie dominante en Occident pour culpabiliser dans les populations l'idée de « fermeture », et ses corollaires dans les notions de frontière, de limite et de protectionnisme. Depuis les années 1970, pour être quelqu'un de bien, il faut rester « ouvert », et en particulier souscrire sans conditions au sans-frontiérisme. On pense notamment à l'officine d'influence Open Society Institute de George Soros ainsi qu'au champ lexical du marketing et aux éléments de langage en vigueur dans les médias.

Or, aucune espèce vivante ne peut survivre physiquement sans un territoire doté de frontières, de limites, de contours. Le premier territoire est le corps, dont l'intégrité est assurée par la peau, ou du moins une membrane protectrice. La vie n'existe pas sans un épiderme qui distingue l'intérieur de l'extérieur, ce qui suppose nécessairement un certain degré de fermeture. L'idéologie dominante de l'ouverture inconditionnelle des frontières et de la levée de toutes les limites est donc une idéologie de mort, l'équivalent de l'ouverture de la peau.

La notion de « fermeture » mérite ainsi une réhabilitation pleine et entière dans le champ de la praxis politique. Fermer est synonyme de « protéger l'intégrité », « assurer la sécurité et la pérennité ». Pendant des millénaires, pour se protéger des agressions, toutes les places fortes et les cités d'importance étaient fermées par des remparts, des murailles, des reliefs et des plans d'eau naturels ou artificiels, ce qui leur a permis de se perpétuer jusqu'à notre époque. Dans cette perspective de « fermeture positive », l'échelle locale à privilégier de nos jours est celle de l'État-nation, doté de frontières et de limites fixes. Les raisons en sont simples : face au mondialisme, dont la logique est structurellement aliénante, les échelles régionales ou de tailles encore inférieures sont impuissantes à assurer la protection de leurs résidants, et seule l'échelle nationale en est capable. Quant à l'échelle continentale, c'est celle du mondialisme, dont les partisans de l'euro-régionalisme sont en fait les pions.

Les pathologies de l'ouverture

Julia Kristeva, psychanalyste et théoricienne du féminisme, publiait en 1998 un livre d'entretiens intitulé Contre la dépression nationale. La 4ème de couverture résumait ainsi le contenu : « Peut-on restaurer la confiance nationale comme on restaure le narcissisme d'un patient déprimé ? Julia Kristeva en prend le parti, forte de son expérience de praticienne et de sa réflexion sur la culture et la révolte. Elle propose un discours contre la « dépression nationale » et le masochisme ambiant. Mai 68 a bouleversé le rapport social au plaisir, à la famille et à la nation, sans pour autant produire la liberté escomptée. Témoin actif et lucide de ces changements, Julia Kristeva montre l'urgence d'une révolte adaptée à notre temps, pour une liberté toujours à conquérir. »

En une centaine de pages, ce petit ouvrage éclaire la question de l'identité nationale et de ses pathologies par la discipline peut-être la mieux placée pour le faire, puisque la psychanalyse est entièrement construite autour de la question de l'identité et des limites qui la définissent. L'identité suppose nécessairement des limites, des contours. Je ne suis pas « tout », je suis « ceci » à l'exclusion de « cela », et je dois l'apprendre dans mes premières années. Le complexe d'Œdipe, avec son tabou de l'inceste, est le moment où l'enfant comprend qu'il existe des limites – des limites à son désir et des limites identitaires – et qu'il doit donc abandonner ses revendications narcissiques de toute-puissance. Ce complexe fondateur est le point de basculement qui permet d'accéder à une socialisation normale, fondée sur le sens des formes fixes limitées et des contours durables et stables. L'instabilité et la transformation identitaires perpétuelles sont des symptômes de psychose schizophrénique. La figure mythologique de Protée est le dieu de notre époque, le dieu protéiforme du changement et du transformisme, mais le dieu malade. La théorie du Genre, qu'il faudrait renommer théorie de la confusion des Genres, et le « mariage homo » en sont les expressions morbides.

La vie est toujours localisée, enracinée dans un territoire, une portion d'espace particulier. La géométrie pose que l'espace est partes extra partes : ses parties sont les unes à l'extérieur des autres. L'espace inclut et exclut en même temps. Il n'existe pas d'espace seulement inclusif. La notion de « démocratie inclusive » du politologue Takis Fotopoulos (né en Grèce en 1940) est plus que problématique. Un concept excluant l'exclusion est mortifère. De fait, on ne vit pas « partout » mais bien « quelque part » et à l'exclusion d'« ailleurs ». On ne connaît que des « situations », toute vie est « située ». Qui dit « situation », dit inclusion mais aussi exclusion, donc délimitation d'une permanence, car une limite qui bouge sans arrêt n'en est plus une. Les anciens Grecs distinguaient le principe ontologique du Peras, littéralement le « chemin tracé », avec ses connotations de fixité terrienne, de régularité, de délimitation et de point de repère pour s'orienter, de l'Apeiron, signifiant l'illimité, l'indéfini, l'indéterminé, comme les flots de la mer en changement perpétuel. Cette dualité se reproduit dans le champ éthique et moral par l'opposition entre le Metron, la mesure et la modération, et l'Hybris, la démesure et l'excès.

La dépression nationale diagnostiquée par Kristeva, mais aussi par des sociologues comme Dany-Robert Dufour et divers cliniciens, vient justement de ce que les frontières nationales passent leur temps à être transgressées, sous prétexte d'ouverture au marché ou aux autres cultures, ouverture indifférenciée imposant un modèle identitaire flou, protéiforme, incluant tout, acceptant tout, donc excluant tout également, donc pathologique. Les nouvelles maladies de l'âme, comme le dit Kristeva, toutes ces nouvelles pathologies mentales apparues dès les années 1970, sont des pathologies de l'ouverture totale et de la levée de toutes les limites, et tournent autour du concept de borderline ou d'état limite. En finir avec l'épidémie contemporaine de pervers narcissiques, de syndromes psychotiques dérivant dans la criminalité, les toxicomanies et les addictions diverses, suppose de rétablir des limites, des frontières, des contours identitaires, suppose donc de ré-oedipianiser la vie. En d'autres termes : relocaliser, ré-enraciner et renationaliser la vie.

Nationalisme, permaculture et féminisme

Pour ce faire, l'idée nationaliste a peut-être besoin d'être rénovée ou enrichie. Le mème d'alter-nationalisme circulait à une époque. Pour aller plus loin, proposons aujourd'hui le « nationalisme permaculturel ». Le concept de permaculture, inventé en 1978 par Mollison et Holmgren, est un mot-valise qui condense « permanence » et « culture », dans la perspective de mettre en avant la notion de culture durable, planifiée sur le long terme. Dans un cadre de production agricole ou potagère, la permaculture est une méthode écologique qui consiste à faire avec la nature et pas contre elle. Il s'agit d'aménager l'environnement et non pas de l'artificialiser. La pratique du « design permaculturel » qualifie le travail de conception d'un espace de vie attentif aux relations de proximité entre des éléments divers. Les bordures, les frontières et les limites sont donc objets d'une attention particulière. Par exemple, le plan de culture d'un jardin en permaculture est structuré en zones circulaires concentriques, à commencer par l'habitation placée au centre ; cette configuration du territoire calquée sur les modèles naturels respecte aussi la hiérarchie des priorités concrètes définie par la théorie du « prendre soin ».

La notion de « prendre soin » en politique a été mise à l'honneur par la théorie féministe du Care (ou take care ; Gilligan, 1982). L'éthique du Care, qui mobilise essentiellement les notions de proximité, de vulnérabilité à protéger et d'attention maternelle portée aux phénomènes de gestation lente, représente la forme mature du féminisme. L'axiologie du Care et du « prendre soin » recoupe ainsi point par point l'axiologie du nationalisme permaculturel. Les valeurs, les mots clés, les idées directrices du féminisme et du nationalisme sont en fait les mêmes : le soin, le long terme, l'amour du prochain et de la biodiversité. Notre nouveau nationalisme, permaculturel et féministe, est ainsi appuyé sur une éthique de vie non partisane : prendre soin du lieu où l'on vit, où que ce soit et avec qui que ce soit, non pas pour des raisons idéologiques ou émotionnelles, mais parce que c'est dans mon intérêt, donc dans notre intérêt, car l'individu n'existe que dans des relations. Mon intérêt consiste à m'aimer, à aimer mes proches, et à prendre soin de moi et de mes proches ainsi que de mon environnement, donc de mon pays. Ce féminisme nationaliste n'est dans son essence ni affectif, ni identitaire au sens lyrique du terme, mais rationnel et pragmatique. Il s'agit de « cultiver son pays », comme on « cultive son jardin ».

Dans son édition du 12/09/13, la revue « Lys noir » rapportait les propos récents de Bernard Stiegler, philosophe de la technique, affirmant qu'il fallait « prendre soin » des électeurs du Front National : « Il faut prendre soin de ces électeurs comme de tous les Français qui sont aujourd'hui abandonnés face à une puissance du marché qui détruit jusqu'à la possibilité même d'éduquer leurs enfants. Le soin consiste ici à rompre avec le consumérisme, qui a produit une insolvabilité généralisée et dégradé les consommateurs sur les plans physique et psychique. » On le voit, nul besoin de faire appel au patriotisme pour être nationaliste ; il n'est même pas besoin d'être nationaliste pour être nationaliste : il suffit de « prendre soin » du lieu où l'on vit et des personnes qui y vivent. En d'autres termes, pour être nationaliste, il suffit d'agir selon son intérêt. Mon intérêt est que ça se passe bien là où je vis. Mon intérêt est que le lieu où je vis soit bien tenu. Mon intérêt est donc de m'occuper concrètement du pays où je vis pour le faire fructifier. Faire fructifier le pays où je vis, c'est-à-dire lutter contre l'entropie, le désordre et les déséquilibres qui peuvent y advenir, et impulser une dynamique néguentropique, donc structurante et ordonnatrice (fonction du design en permaculture).

Le nationalisme permaculturel consiste ainsi à accueillir tous les gens de bonne volonté sur un projet national commun : quelles que soient nos origines culturelles, religieuses ou ethniques, notre intérêt à tous est de « prendre soin » de notre pays car c'est là que nous vivons, ici et maintenant. Sous cet angle, la France possède une complexion commune avec le Liban : nos deux pays sont multiethniques et multiculturels. Les nationalistes français peuvent s'inspirer du Hezbollah et de sa doctrine d'intérêt national bien compris permettant aux chrétiens et aux musulmans, ainsi qu'aux divers groupes, de cohabiter pacifiquement en visant un horizon national commun. En ce sens, et aussi paradoxal que cela paraisse pour l'opinion commune, on peut dire que le Hezbollah met en pratique l'éthique permaculturelle du « prendre soin » appliquée à son pays.

Le séparatisme : méthode mondialiste

Quand des tensions intercommunautaires apparaissent, en France, au Liban ou ailleurs, un examen attentif montre qu'elles sont généralement provoquées par des puissances étrangères travaillant à produire du séparatisme et de l'entropie sociale dans une perspective de conquête coloniale obéissant au principe du « diviser pour régner ». En effet, le développement des populations et de leurs cultures n'est pas toujours autonome, « naturel », mais est parfois placé « sous influence », pris en charge et tutoré, façonné par des méthodes d'ingénierie dérivées de la cybernétique sociale et de la psychanalyse, et que le management range sous le terme de « conduite du changement ». Dans Gouverner par le chaos – Ingénierie sociale et mondialisation, l'auteur de ces lignes expose une synthèse de ces techniques de pression psychologique et d'induction comportementale qui nous sont appliquées pour nous faire perdre le sens de ce qui est bon pour nous et programmer en nous des comportements qui vont contre notre intérêt, des comportements séparatistes, communautaristes, sans-frontiéristes, libéraux-libertaires, et au final, antinationaux. Cette ingénierie sociale négative cherche à conditionner des prises de décision irrationnelles et autodestructrices. Par exemple, les Français subissent depuis une quarantaine d'années un gros effort de culpabilisation de tous les sentiments protectionnistes et nationalistes ainsi que de la fermeture politique et géopolitique nécessaire que cela suppose. Le caractère artificiel et aberrant de cette haine de soi agissant comme une pulsion de dénationalisation, entropique et séparatiste, modelée sur la pulsion de mort – la mort étant le « séparatisme » des régions ou des organes – apparaît quand on voyage à l'étranger, où les sentiments patriotiques, nationaux et anti-séparatistes sont généralement très vivants et peuvent s'exprimer sans inhibition, ni censure médiatique.

Des chercheurs en sciences sociales tels que Kurt Lewin (1890-1947) ont posé les fondements du management négatif, à savoir un encadrement comportemental visant à conduire de manière indirecte vers le suicide, l'entropie, le morcellement, la déstructuration. Cette démarche de dislocation intentionnelle des formes vives cherche à nous pousser à ne plus prendre soin de nous-mêmes, ni du lieu où l'on vit. Comment ? En culpabilisant le sens des proximités. Culpabiliser la priorité donnée à la proximité, culpabiliser la priorité nationale, c'est culpabiliser la priorité donnée à soi-même. Cela revient à culpabiliser le fait de s'occuper de soi et de prendre soin de sa propre vie. Le mondialisme veut culpabiliser le peuple de tenir à son pays, à sa vie, à soi-même, et plus largement veut culpabiliser le peuple de tenir à quoi que ce soit. L'idéologie dominante consiste à tout lâcher, y compris notre vie. L'ingénierie sociale négative est une fabrique du consentement à tout lâcher, une fabrique du consentement à la mort, comme en témoigne la désapprobation médiatique de tout ce qui ressemble de près ou de loin à de la légitime défense, que ce soit contre des Roms ou contre toute forme de délinquance ; faits divers qui sont pourtant des signaux salutaires d'un réarmement au moins psychologique d'une population qui refuse de se laisser génocider.

Un ami d'origine marocaine nous rapportait un jour une discussion avec un oncle vivant au bled. L'oncle ne cessait de s'étonner de la diabolisation dont le Front National faisait l'objet en France : « Ils sont nationalistes ? Et alors ? C'est quoi le problème ? Ils défendent leur pays ! C'est normal, non ? » Pour l'immense majorité des peuples et des habitants de ce monde, le nationalisme est évident et consiste simplement à « prendre soin » du pays où l'on vit. Pas de pathos excessif. Ce n'est rien d'autre qu'un anti-masochisme naturel et de bon sens. Je m'occupe de moi, je me soigne, je fais en sorte de vivre décemment, donc je prends soin de mon environnement, donc je prends soin du pays où je vis. À notre époque postmoderne où il faut tout réapprendre, y compris les réflexes élémentaires de survie, un combat culturel et politique est donc à mener. Un combat pour – étrangement – re-banaliser le nationalisme. Puisque le nationalisme, en tant qu'expression évidente de la vie des peuples, est au fond banal et élémentaire.

Lucien Cerise.

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