Les révélations sur le système d'écoute de la NSA en Europe ont bouleversé l'agenda du sommet de Bruxelles. Les dirigeants de l'Union européenne condamnent unanimement les méthodes des services secrets américains.(France 24)
C’est un sommet européen qui aura été dominé par un dossier américain. Les révélations du quotidien "Le Monde" sur le vaste système d’écoute des Européens par les États-Unis auront modifié la feuille de route de cette réunion des 28 à Bruxelles censée aborder la question de l’immigration clandestine sur le Vieux Continent.
"La méfiance s'est installée" (Angela Merkel)
Jeudi 24 octobre, à l’ouverture du sommet, c'est bel et bien l’ampleur de cette surveillance illégale américaine qui était au cœur des discussions. "L'espionnage entre amis, ça ne va pas du tout", avait averti, très en colère, Angela Merkel dès son arrivée à Bruxelles. Il faut dire que la veille, Berlin avait créée la stupeur en annonçant que le téléphone portable de la chancelière allemande pourrait avoir été mis sur écoute par les services américains.
Le président François Hollande a lui aussi tapé du poing sur la table et s’est entretenu avec Barack Obama. Et le couple franco-allemand n'est plus le seul à dénoncer ce système d'écoute : aujourd’hui, ce sont quasiment tous les 28 pays membres de l’Union européenne qui pointent du doigt les États-Unis.
L'Italie est ainsi montée au créneau. L’hebdomadaire italien "L’Espresso" doit publier vendredi 25 octobre un long article sur l’espionnage de la péninsule par les Américains mais aussi par les Britanniques. Le journal a annoncé le 24 octobre que les documents obtenus par Edward Snowden "contiennent un grand nombre d'informations sur le contrôle des télécommunications italiennes" grâce à un programme baptisé Tempora.
Le budget de l'espionnage américain
Dans un article du "Monde", Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois à l'Assemblée nationale, dénonce les méthodes américaines et rappelle que "la communauté du renseignement américain bénéficie d'un budget qui avoisine les 75 milliards de dollars par an ; elle se compose de 16 services (on a tout lieu de penser qu'en réalité ils sont au nombre de 17) ; elle emploie près de 110 000 personnes et recourt à de nombreux sous-traitants. Il s'agit donc d'un rouleau compresseur."
À titre de comparaison, "en France, le budget annuel du renseignement tourne autour de 10 milliards d'euros pour 6 services. Une lutte technologique s'avérerait vaine", ajoute-t-il.
Dans la pratique, les écoutes auraient été possibles à travers les cables de la fibre optique qui transportent les mails, le trafic internet et les appels téléphoniques. À son arrivée le 24 octobre au Conseil européen à Bruxelles, le chef du gouvernement italien, Enrico Letta, a lui aussi jugé "inacceptables des actes d'espionnage de ce type".
Selon le "Guardian", 25 dirigeants de la planète sont sur écoute
Et les révélations se sont enchaînées parallèlement au sommet. Jeudi 24 octobre, le quotidien britannique "The Guardian" - qui se base sur des documents rendus publics par l'ancien consultant de la NSA Edward Snowden - a révélé que l'Agence nationale de sécurité américaine (NSA) avait également mis sur écoute 35 dirigeants de la planète. La note confidentielle sur laquelle s’appuie le journal révèle que la NSA a encouragé les hauts fonctionnaires de la Maison Blanche et du Pentagone à partager leur "carnet d’adresses" pour que la NSA puisse ajouter les numéros de téléphone des dirigeants politiques étrangers à leur système de surveillance.
Dans cette ambiance délétère, l’UE a toutefois tenté de calmer le jeu. La France et l'Allemagne ont ainsi lancé une initiative commune, soutenue par les autres Européens, pour tenter de trouver avec les États-Unis un terrain d'entente d'ici la fin de l'année sur les questions de renseignement. L'idée est de créer un groupe ouvert aux autres États membres pour trouver des règles communes sur le renseignement avec Washington. "Il y a un coup d'arrêt à porter et des clarifications à exiger", a affirmé le président français. "Nous sommes tous d'accord sur le texte, tous les 28", a déclaré de son côté Herman Von Rompuy, le président du Conseil européen.
Reste cependant à convaincre les plus réticents. Car, en réaction à cette affaire d’espionnage, certains eurodéputés veulent sanctionner les États-Unis. Plusieurs d’entre eux ont demandé la suspension de l’accord sur la transmission des données financières entre l’Europe et les États-Unis. Cet accord, surnommé Swift - du nom de l’entreprise basée en Belgique qui supervise les transferts bancaires internationaux -, prévoit un échange de données financières dans le cadre spécifique de la lutte contre le terrorisme.