Entretien avec Guy Pujante
(propos recueillis par Fabrice Dutilleul)
D’après la révolution de mai 1958, l’opération Tilsit, plus connue sous le nom « d’affaire Si Salah », en juin 1960 et le putsch du 22 avril 1961 auraient pu permettre de mettre un terme à la guerre d’Algérie…
Les événements de mai 1958 et d’avril 1961 n’impliquaient que les partisans de l’Algérie Française (Européens, Français de souche nord africaine et armée), donc maintien du statu quo même si les mentalités avaient évolué et que les Européens d’Algérie n’étaient plus obnubilés par le déséquilibre démographique existant entre les communautés.
Par contre, au cours du 1er semestre 1960, l’implication des forces vives de l’Armée de Libération Nationale dans le processus de cessez-le-feu a représenté sans conteste l’occasion la plus nette de mettre un terme au conflit pour le plus grand bénéfice de toutes les parties, exclusion faite des politiques du FLN en exil.
À court terme, et sans préjuger des suites politiques à mettre en place avec tous les acteurs du conflit, c’est, en matière de pertes humaines, plus de 150 000 morts et 21 000 blessés qui auraient été épargnés, soit 47 % de la totalité des victimes recensées et 23 % des blessés.
Pourquoi, selon vous, De Gaulle n’a pas saisi cette opportunité ?
En premier lieu, son âge : il a 70 ans et le statut politique à instaurer en Algérie risque d’être long et délicat. Par ailleurs, il est raciste. Il n’aime pas les Arabes. Les livres qu’Alain Peyrefitte lui a consacrés fourmillent de citations à ce propos. Il n’aime pas plus les Pieds-noirs depuis l’époque du gouvernement provisoire en 1943 à Alger.
Mais c’est surtout la satisfaction d’une ambition démesurée qui l’anime. Il veut se mesurer aux Grands de ce monde. Dans cette partie qui se joue au niveau des deux grandes puissances (USA et URSS), il veut obtenir le soutien des non-engagés et paraître aux yeux du tiers-monde comme le “décolonisateur” en s’appuyant également sur la possession de l’arme atomique.
L’une des plus grandes migrations du XXe siècle va s’opérer dans des conditions épouvantables, indignes d’une nation telle que la France
Contrairement à l’hypothèse avancée il y a quelques années encore par certains historiens, il est maintenant avéré que l’exode des Pieds-noirs n’est pas imputable à l’OAS, ou à quelque sentiment de panique, mais résulte d’une volonté délibérée des dirigeants du FLN.
L’une des plus grandes migrations du XXe siècle va s’opérer dans des conditions épouvantables, indignes d’une nation telle que la France.
Un véritable nettoyage ethnique qui va intéresser plus d’un million d’individus avec l’hostilité marquée du gouvernement, de certains édiles et d’une grande partie de la population métropolitaine indifférente.
Les Métropolitains, en règle générale, n’ont jamais cherché à comprendre les malheurs de cette communauté et ont été sensibles à cette désinformation.
Qu’en est-il un demi-siècle plus tard, et quel bilan peut-on en tirer ?
Les Pieds-noirs sont, depuis l’exode, les boucs émissaires, mais ils sont, en même temps, la mauvaise conscience des politiques. Les médias, notamment le service public les ont superbement méprisés. Pour eux ils n’existent pas. Aucune invitation contradictoire à des émissions les concernant.
En revanche, pléthore de films engagés à la gloire du FLN, insultants pour les Pieds-noirs, leurs parents, leur communauté…
Le début de cet entretien est paru dans le journal Flash Infos Magazine lors de la parution de 10 Juin 1960 : la paix sabordée ; les propos suivants de Guy Pujante ont été recueillis par Philippe Randa avant le décès de celui-ci le 11 septembre 2012, à quelques jours de la parution de son livre Les Pieds-noirs, ces parias de la République et figurent en présentation de son ouvrage.
10 juin 1960 : la paix sabordée (396 pages, 33 euros) et Les Pieds-noirs, ces parias de la République (244 pages, 24 euros) de Guy Pujante, Éditions Dualpha, collection « Vérités pour l’Histoire », dirigée par Philippe Randa.
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