Entretien avec Philippe Randa, préfacier et éditeur du Livre des Constitutions maçonniquesdu Dr James Anderson, éditions Dualpha.
(propos recueillis par Aliénor Marquet)
Tout a été dit ou écrit sur la Franc-Maçonnerie, non ?
Chaque année fleurissent dans les kiosques de nouvelles pseudo-révélations toujours plus extraordinaires, mais certains – maçons comme anti-maçons – ne s’en lassent pas ! Ses « secrets » sont bien souvent au centre de toutes les fascinations comme de toutes les animosités. Ce n’est pourtant pas le nombre excessif d’écrits de tous genres et de toutes valeurs qui manquent pour décrire les différentes obédiences, les différents rites, énumérer ses membres les plus illustres et son histoire glorieuse autant que malheureuse, voire sulfureuse.
Alors, quelle importance revêt le Livre des Constitutions maçonniques ?
C’est LE livre que tout le monde cite, dont tout Maçon a entendu parler – forcément – mais que peu de monde, finalement, a lu. Ce livre s’intitule aussi Les Constitutions d’Anderson, du nom de son auteur James Anderson. Ce pasteur écossais fut en effet mandaté par la Grande Loge unie d’Angleterre en septembre 1721 pour extraire des Archives tout ce qui pouvait se mettre par écrit, touchant l’Histoire, les Statuts et les Règlements de l’ancienne Confraternité. Il devait écrire une histoire de la Franc-Maçonnerie, somme toute. Ce livre est considéré par les Francs-Maçons du monde entier comme le texte fondateur de la Franc-Maçonnerie moderne.
De quoi s’agit-il plus précisément ?
Les Constitutionssont un code prescrivant à ses membres la croyance en Dieu, la pratique de la religion, de la solitude, du secret et la soumission au Pouvoir. Elles ne contiennent pas seulement les Landmarks (repères) bien connus ; elles renferment également un long historique de l’Art Royal… et quatre chansons. L’édition Dualpha que je préface est la reproduction du texte original anglais de 1723, accompagnée d’une traduction française, d’une introduction et de notes et publiée par Mgr E. Jouin.
Leurs publications ne firent pourtant pas l’unanimité chez les Francs-Maçons ?
Elle provoquèrent dès leur naissance, puis en fonction des corrections qui y furent apportées, des polémiques historiques et politiques ; polémiques qui existaient, sans doute, dès leurs élaborations et leurs écritures. En fait, ces polémiques sont motivées par la lutte entre les Orangistes protestants et les stuardistes catholiques, soit un épisode de la querelle entre la Réforme et la Contre-Réforme.Les Loges traditionnelles ont accueillis extrêmement négativement les Constitutions et des pamphlets virulents fustigèrent son auteur, le Pasteur Anderson et son commanditaire, le Pasteur Désaguliers, un huguenot français chassé par la révocation de l’Édit de Nantes, véritable inspirateur de la Franc-Maçonnerie moderne.
L’Église romaine s’en est aussi mêlée…
Avec ces Constitutions, Rome a considéré que la Maçonnerie s’était « décatholicisée » et on peut considérer que date de leurs publications son projet de condamnation de la Maçonnerie.
Les polémiques nées dès la première parution de ces Constitutions sont-elles toujours d’actualités dans le Monde maçonnique ?
Toujours… Ces polémiques se concrétisent par l’existence des différentes obédiences et des multiples loges indépendantes… Toutes ont leurs interprétations propres et cela permet de mieux comprendre les tensions toujours actuelles dans la Franc-Maçonnerie.
Livre des Constitutions maçonniques du Dr James Anderson, Éditions Dualpha, collection « Insolite », préface de Philippe Randa, 274 pages, 29 euros.
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