La journaliste Gabrielle Cluzel répond aux questions de Medias Presse Info :
"Avec toutes les mesures sociétales et fiscales comme la baisse du quotient familial, peut-on dire que ce gouvernement ne fait rien pour les familles ?
Non, on ne peut pas le dire, car il ne fait pas «rien »… Il fait pire que rien ! Il les persécute. A travers le mariage dit pour tous, c’est la famille dont on a cherché à ébranler les fondations. Et les autres mesures, fiscales notamment, sont encore des coups de butoir supplémentaires. Et pourquoi s’acharner sur la famille ? Parce que l’entité traditionnelle qu’elle représente est porteuse de valeurs aujourd’hui réputées détestables. Elle est un lieu de hiérarchie et d’autorité, entre les parents et les enfants. Elle est un lieu d’identité, de traditions communes. Elle est un lieu de transmission, transmission d’un patrimoine génétique, matériel, culturel, civilisationnel même. Elle est par essence un lieu, disons le mot même s’il est un peu provocateur, d’exclusion, d’amour exclusif, où les liens filiaux, les liens du sang priment sur les autres. J’ose le dire, je préfère mes enfants à ceux des autres et je défie n’importe quelle mère de prétendre le contraire…
Après le vote de la loi Taubira, Hollande et son gouvernement ne comptent pas s’arrêter là. On a évoqué la PMA et la GPA. Croyez-vous qu’après plus d’un an de manifestations, le gouvernement se montrera plus prudent et qu’il faudra donc davantage se méfier ?
Le brouillage des cartes, la fragmentation de la parentalité que sont la PMA et la GPA (qui atteint son summum avec dissociation, dans le cas de la GPA, entre mère porteuse et mère biologique pour éviter qu’une mère porteuse, déchirée de laisser la chair de sa chair, change d’avis et s’avise de vouloir garder le bébé…), induits par le mariage pour tous, viennent la ronger de l’intérieur faute de pouvoir totalement l’abattre par des réformes extérieures.
Le gouvernement se montrera-t-il plus prudent ? Oui, sans doute. C’est pour cela qu’il a mis pour le moment de côté la PMA et la GPA. Mais cela reviendra tôt ou tard. D’abord parce que ce gouvernement nous a montré, que chez lui l’idéologie finissait toujours par avoir le dessus sur la plus élémentaire prudence politique. Ensuite, parce que le mariage dit pour tous ne trouve pleinement son sens qu’à travers la PMA et la GPA. On commencera par la PMA, plus facile à gober. Puis on viendra naturellement à la GPA, car sinon il y aurait discrimination patente entre les lesbiennes qui ont la chance d’avoir été dotées à la naissance d’un utérus et les gays, brimés par la nature, qui n’ont tiré qu’une prostate à la loterie de la vie. Elisabeth Badinter et Najat Belkacem ont déjà parlé du concept de « GPA éthique ». Un oxymore qui passera rapidement dans le langage courant. Il y aura au préalable un tir d’artillerie nourri, entre émotion (avec une instrumentalisation de cas particuliers qui nous tireront les larmes), et stigmatisation des opposants (« racistes », « fachos », « homophobes »…pas besoin de vous faire un dessin, je pense ?).
Divorce, avortement, mariage homosexuel et adoption, maintenant la PMA. Peut-on parler d’un processus de destruction de la famille ? Ne fait-on pas tout pour casser les liens qui peuvent unir les membres d’une même famille ?
Oui, c’est évident. La famille devient une espèce de puzzle compliqué, dont les pièces finissent par s’éparpiller. L’euthanasie sera rendue plus facile, Les liens seront tellement distendus…
Peut-on penser que certains partis ont compris le poids électoral « Manif Pour Tous » comme on peut le voir avec le rapprochement de Nicolas Dupont-Aignan avec Frigide Barjot ? Doit-on en profiter pour agir auprès des candidats pour les municipales et les européennes ?
Les sentinelles et les veilleurs dans les rues doivent devenir des « sentinelles « et des veilleurs dans les urnes. Ils doivent faire comprendre aux candidats qu’ils les tiennent à l’œil, qu’ils n’accorderont pas leurs suffrages sans certaines garanties. Deux écueils néanmoins : celui d’être instrumentalisé par tel ou tel parti et celui d’imaginer que l’on pourra créer soi-même un parti politique, reposant sur les seules questions éthiques, ce qui serait un peu réducteur.
Pour en revenir au sujet de la loi Taubira, n’a-t-on pas perdu pour avoir privilégié le nombre et manqué d’un discours clair et ferme politiquement ?
C’est l’éternel dilemme quant à la stratégie à adopter… On est sur une ligne de crête. Faut-il privilégier le nombre comme vous dites en cherchant un dénominateur commun qui «ratisse large », mais qui se révèle tellement petit in fine que l’on peut avoir perdu de vue l’essentiel de la substance du message initial, ou au contraire par détestation de la compromission, rester entre soi, au risque de rester très «confidentiel », ce qui est moralement et intellectuellement séduisant, mais potentiellement assez stérile. L’arbitrage, en conscience, est compliqué. Si compliqué que je ne me permettrais de juger ni les uns ni les autres. Peut-être, au fait, la juxtaposition des deux points de vue par des combats parallèles, n’est-elle pas mauvaise ? Les uns et les autres se servant mutuellement de garde-fou, de modérateur. A condition qu’ils ne perdent pas leur temps et leur énergie à se tirer mutuellement dans les pattes, évidemment.
Le fait de dire qu’on est « contre la loi Taubira » ne donne-t-il pas un aspect négatif au combat au lieu de dire qu’on est « pour la famille » ?
Il ne faut pas avoir peur d’être dans l’opposition, en signifiant clairement l’objet de son opposition. Et puis être « pour la famille » est un peu vague, non ? Le gouvernement aussi prétend être pour la famille, sauf que ce qu’il appelle famille n’en est plus une.
Justement pour plus de clarté, n’aurait-on pas intérêt à revenir aux bases et à redéfinir plus clairement ce qu’est la famille et son bien-fondé ?
Vaste chantier ! Mais vous avez raison. Quand il n’y a plus qu’un champ de ruine il faut se retrousser les manches et rebâtir pierre par pierre. Avec patience et persévérance. Et surtout sans écouter les bonnets de nuit qui prétendent que tout est foutu."