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La crise ukrainienne et le destin de l'Europe

131207Les médias ces derniers jours nous ont beaucoup parlé de l'Afrique. Un peu trop sans doute. Ceci n'annonce pas seulement des orages non désirés. Car cela permet aussi d'occulter une fois de plus les questions européennes.

Si l'on visite les sites des principaux journaux des gros états de l'ouest européen, on découvre d'ailleurs que les opinions respectives se focalisent, à juste titre pensera-t-on peut-être, sur des problèmes bien différents.

En Italie, où la classe politique implose, La Repubblica centrait ce 6 décembre sur la terrible affaire de l'imam islamo-terroriste Abou Omar arrêté par la CIA, alors qu'il préparait des attentats contre la Péninsule. Silence radio de ce côté-ci des Alpes.

En Angleterre, où la situation économique s'améliore de plus en plus, le Daily Telegraph présentait pour la préoccupation essentielle du gouvernement de David Cameron, en vue de la réunion de Vilnius, la remise en cause du laxisme de nos politiques migratoires. Silence radio de ce côté-ci de la Manche.

En Allemagne, la chancelière se trouve paradoxalement contrainte à une coalition avec ses adversaires socialistes, vaincus le 22 septembre. Die Welt consacrait logiquement ce 7 décembre de longs développements au congrès extraordinaire du parti libéral allemand. Évincé de justesse de la Diète fédérale, pour la première fois depuis 1949, le FDP vient de se donner un nouveau chef en la personne de Christian Lindner.

Monsieur Normal s'était fait exceptionnellement discret lors de cette réunion des 28 et 29 novembre. S'y assemblaient il est vrai des gens sérieux, dirigeants du continent, autour de la présidence lituanienne. Faut-il y voir une surdité volontaire de nos stupides journalistes parisiens, toujours prêts au dénigrement ?

En consultant au besoin le site officiel de l'Élysée, on découvre au contraire la place très petite consacrée aux "réponses du président aux questions des journalistes à l'occasion du 3e Sommet du Partenariat Oriental." (1)⇓

À titre de comparaison la rencontre bilatérale avec la [charmante] Alenka Bratusek, chef du gouvernement slovène, le 4 décembre se voit accordée nettement plus d'importance. Ne parlons même pas des nouvelles aventures de Tintin au Congo.

Fausse modestie ? Sur les 3 minutes et 30 secondes enregistrées à Vilnius, la partie principale commente, avant tout, les chiffres de l'inversion de la courbe du chômage, dont personne ne saurait douter, – dans l'Hexagone.

Monsieur Nullot se contente, en 90 secondes de réduire la question ukrainienne à un chantage financier, exercé par le gouvernement de Kiev, et pour lequel l'Europe "ne payera pas". Une fois n'est pas coutume, nous renverrons l'ancien président du conseil de la Corrèze à la simple lecture du Monde(2)⇓ Nathalie Nougayrède y suggère, avec pas mal de lucidité, que nous nous trouvons en présence d'un nouveau Yalta, sous la même influence qu'en 1945, celle des sombres connivences du parti démocrate américain.

À noter d'ailleurs que le Wall Street Journal ou le New York Times consacrent aussi bien au dossier lui-même qu'aux manifestations populaires de Kiev, un nombre considérable d'articles, de photographies et d'informations passées sous silence de ce côté-ci de l'Atlantique.

Visiblement, une fois de plus, la défense de l'Europe semble plus sérieusement abordée en Amérique que dans les capitales autistes et nombrilistes de l'ouest de notre continent.

Car il ne faut pas nous tromper. Certes une partie de nos faiseurs d'opinion prend à la légère les pressions que le Kremlin prétend à nouveau exercer sur les pays de l'ancien empire stalinien. Contre les intérêts, et contre le destin européen de son propre peuple, il en manifeste la sinistre nostalgie. Mais, à l'inverse, une bonne douzaine de nations en portent encore les stigmates et le gouvernement de Berlin, avec ou sans le SPD, ne partage certainement pas la frivolité de nos socialistes, toujours alliés aux communistes.

De Stockholm à Bucarest, un arc de cercle de dirigeants voient certainement dans l'Europe, au-delà des institutions [effectivement] perfectibles de l'Union, bien autre chose qu'une masse de réglementations administratives, qu'une politique monétaire et qu'un jeu de subventions.

Si crucial qu'on puisse juger le débat technique entre plus ou moins d'euro, plus ou moins de fédéralisme, etc. on doit en revenir au "désir d'Europe".(3)⇓ Il devrait animer nos dirigeants, ce désir d'une Europe sans doute différente, attachée d'abord à défendre elle-même ses libertés et celles de nos patries contre les nouvelles menaces totalitaires et esclavagistes du XXIe siècle.

JG Malliarakis http://www.insolent.fr/2013/12/la-crise-ukrainienne-et-le-destin-de-leurope.html

Apostilles
1 cf. "François Hollande a répondu aux questions des journalistes à l'occasion du 3ème Sommet du Partenariat Oriental à Vilnius."
2 cf. "Le grand jeu d’Obama" in Le Monde en ligne 28 octobre.
3 cf. Intervention introductive d'Aurélien Véron à la Convention "Europe : et si on en revenait au principe de subsidiarité" qui s'est déroulée ce 4 décembre à Paris. Cette réunion, très intéressante et très dense, devrait être prochainement mise en ligne sur le site de L'Institut des libertés. En cette occasion, nous reviendrons sur les diverses contributions, la plupart d'une grande qualité.

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