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Le discours conservateur en France est particulièrement dynamique

Gaël Brustier, docteur en sciences politiques, se penche sur La Manif pour tous dans « Le Mai 68 conservateur ». Il répond au Journal de Saône et Loire. Extraits :

"Ceux qui ont manifesté en 2013, et tous les mouvements qui se sont créés, avaient dans l’envie de faire leur contre-mai 68, de combattre son idéologie tout en réutilisant ses codes. On a vu des jeunes qui faisaient des partis de cache-cache avec la police et des rassemblements plutôt joyeux. Mais tout cela s’est fait sur fond d’idéologie conservatrice alors que mai 68 était marqué par le marxisme et un esprit libertaire.

Vous parlez de droitisation de la société et de retour au premier plan de la frange catholique de la population. La Manif pour tous a-t-elle déclenché ce phénomène, ou bien celui-ci était-il déjà présent ?

C’est un phénomène de reconfiguration de long terme. D’abord il y a ce qui s’est passé depuis une quarantaine d’années au sein de la France la plus catholique avec l’émergence des communautés charismatiques : un rapport différent à l’engagement et à la foi est né. Il est très présent chez les jeunes militants de la Manif pour tous.

L’autre phénomène c’est la chute des identités politiques traditionnelles à droite, que ce soit la démocratie chrétienne ou le gaullisme. On note une crise des partis de droite qui peinent à avoir le monopole de la représentation du peuple de droite et plus largement de la France conservatrice. [...]

Sur la question du Mariage, la Manif pour tous a perdu politiquement. Le camp conservateur ne parviendra pas à revenir dessus. Néanmoins, cet objet politique lui a permis de se cristalliser, d’apparaître au grand jour comme un grand mouvement conservateur qui s’occupe de tous les aspects de la vie, de la naissance à la mort. En passant par les sujets de « l’écologie humaine », de l’alimentation, de la fin de vie, de la PMA de la GPA, ou de l’éducation via la théorie du « gender ».

Ce courant peut-il avoir une existence réelle dans les urnes ? Aux Européennes les listes Force vie n’ont fait que des scores confidentiels…

La question de la traduction de la Manif pour tous en partis politiques est caduque. En revanche, l’émergence d’une génération de cadres politiques, de personnes investis dans les champs culturels, intellectuels et médiatiques, qui portent ce message est une réalité. Certains des anciens de La Manif pour tous vont à l’UDI, à l’UMP ou au Front National, où ils diffusent cette pensée conservatrice. Cette tendance était la même après mai 68 mais avec une idéologie inverse.

La communauté de l’Emmanuel et Paray-le-Monial ont selon vous joué un rôle majeur dans l’émergence d’une génération Manif pour tous ?

Il est indéniable que beaucoup des jeunes qui se sont mobilisés pour la Manif pour tous sont passés par Paray-le-Monial. C’est une expérience fondatrice pour eux. La communauté de l’Emmanuel est un important centre de formation et diffuse une pensée authentiquement conservatrice sur la bioéthique. Nombre d’activistes chez les Homen, les Veilleurs, ou autres de ces mouvements, sont passés par Paray-le-Monial. La communauté de l’Emmanuel, comme toutes les communautés postconciliaires charismatiques, est un des moteurs actuels de l’Église de France. C’est d’ailleurs un ancien chapelain de Paray, Monseigneur Rey, qui a le plus travaillé à faire des synthèses qui ont préparé le terrain à la mobilisation des catholiques contre le mariage pour tous. Il y a aussi eu à Paray-le-Monial cette fameuse rencontre de la Toussaint 2012 sur les chrétiens engagés en politique. Sans oublier la figure de Jean-Marc Nesme qui est certes discrète mais qui est très respectée et compte beaucoup chez ces conservateurs. D’une certaine manière, Paray-le-Monial est la capitale de la Manif pour tous.

Peut-on dire aujourd’hui que les idées défendues par la Manif pour tous sont majoritaires dans l’opinion ?

Il faut distinguer l’idée de « majorité dans l’opinion » et les dynamiques culturelles. Aujourd’hui, le discours conservateur en France est particulièrement dynamique. La question c’est : quelle est la capacité de ce mouvement à imposer ces thèmes, à en faire le socle de la discussion de la société française ? Incontestablement depuis deux ans, l’avantage est au côté conservateur. C’est en ça qu’ils ont gagné une victoire culturelle, mais cela ne veut pas dire qu’ils sont majoritaires dans l’opinion."

Michel Janva

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