Interrogé par le Figarovox sur "l'affaire Zemmour", Michel Onfray ne mâche pas ses mots :
[...]"En diabolisant Eric Zemmour, le gouvernement cherche-t-il à faire oublier son bilan?
La gauche qui est au pouvoir depuis 1983 n'est plus de gauche parce qu'elle s'est convertie au libéralisme et que, dans le libéralisme, ce sont les marchés qui font la loi, pas les politiques - qui se contentent de l'accompagner et de le favoriser plus ou moins… Le bilan, c'est celui du libéralisme, donc celui de Mitterrand après 83, de Chirac pendant deux mandats, de Sarkozy pendant un quinquennat, de Hollande depuis son accès au pouvoir. Si ces gens-là veulent se distinguer, il faut qu'ils le fassent sur d'autres sujets que l'économie libérale, les fameux sujets de société bien clivants : mariage homosexuel, procréation médicalement assistée, vote des immigrés, théorie du genre sous prétexte de féminisme, euthanasie ou soins palliatifs, dépénalisation du cannabis, vote des étrangers, etc.
Zemmour est une excellente aubaine pour la gauche: il suffit d'en faire l'homme de droite par excellence, le représentant du «bloc réactionnaire» comme le martèle Cambadélis, (ancien trotskyste, condamné par la justice, mais néanmoins patron du PS…) le spécimen du penseur d'extrême-droite, pour se trouver un bouc émissaire qu'on égorge en famille, en chantant ses propres louanges pour une si belle occasion. «Nous sommes donc bien de gauche, nous, puisqu'il est de droite, lui!» vocifèrent-ils en aiguisant le couteau.[...]
"Que révèle cette polémique sur l'état du débat en France?
Qu'il est mort… En France, on ne polémique plus: on assassine, on méprise, on tue, on détruit, on calomnie, on attaque, on souille, on insinue… C'est la méthode que je dirai du Raoul! Rappelez vous Raoul/ Blier dans Les Tontons Flingueurs: «Mais moi, les dingues, je les soigne. Je vais lui faire une ordonnance, et une sévère… Je vais lui montrer qui c'est Raoul. Aux quatre coins de Paris qu'on va le retrouver, éparpillé par petits bouts, façon Puzzle. Moi, quand on m'en fait trop, je correctionne plus: je dynamite, je disperse, je ventile!». Eric Zemmour se trouve donc éparpillé façon puzzle aux quatre coins de Paris. Mais Paris n'est pas la France.
Certains ont été jusqu'à parler de «dictature». Sommes-nous en train de basculer vers une forme de totalitarisme intellectuel?
Nous y sommes, c'est évident! Plus question de craindre le basculement, nous avons déjà basculé. Seules les idées politiquement correctes sont admises dans ce qui se présente comme un débat mais qui n'est qu'un salon mondain où l'on invite le marginal qui ne pense pas comme soi pour montrer sa grandeur d'âme, sa libéralité, sa tolérance. Mais dès que l'invité prend plus de place que prévu, qu'on ne parle plus que de lui, comme avec Zemmour, alors on disperse façon puzzle: on montre sa véritable nature. Inviter en bout de table, pour le dîner de con, oui, mais pas question que l'invité retourne la situation et montre à toute la tablée que le con ça n'est pas lui… Or rien n'est plus violent qu'un con démasqué après qu'il eût échoué à présenter l'autre comme ce qu'il finit par incarner dans sa superbe!" [...]